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À COEUR OUVERT: « Il y avait une tumeur presque aussi grosse que mon tronc cérébral dans ma tête»

Zoé Gascoin Rédactrice web

Il y a 4 ans, Amalie a appris qu’elle avait une tumeur au cerveau. Elle est actuellement dans un état stable, mais l’impact de sa maladie ne se limite pas seulement à l’aspect physique. Malgré des lésions cérébrales permanentes et des douleurs nerveuses, elle choisit chaque jour de continuer à vivre.

«Découvrir que j’avais une tumeur du tronc cérébral a été un processus très long. J’avais 12 ans lorsque j’ai commencé à souffrir de maux de tête environ une fois par mois. En grandissant, la fréquence des crises a augmenté, jusqu’à ce que les maux de tête deviennent constants. Comme mon médecin généraliste ne pouvait plus m’aider avec des analgésiques, j’ai été orientée vers le service de neurologie vers l’âge de 20 ans, où l’on a diagnostiqué une forme sévère de migraine. À partir de ce moment-là, on m’a proposé toute une gamme de médicaments contre la migraine, mais aucun n’était vraiment efficace.

Outre les maux de tête chroniques, de nouveaux symptômes sont apparus au fil des ans, tels qu’une mauvaise vue, des nausées matinales et des troubles de l’équilibre. Je consultais déjà régulièrement un psychologue, notamment parce que j’avais l’impression de ne pas toujours être prise au sérieux et que l’on pensait parfois que tout cela était dans ma tête. Je ne comprenais pas moi-même ce qui se passait.

J’avais ces symptômes, mais extérieurement, tout semblait aller bien, alors que je me sentais de plus en plus mal dans ma peau. Je me sentais devenir de plus en plus ‘bête’, dans le sens où ma capacité de réflexion ralentissait et où j’avais plus de mal à assimiler et à mémoriser les cours. Je me sentais différente des autres, j’étais très malheureuse à cette période et j’avais des sautes d’humeur. Même les antidépresseurs ne m’apportaient aucun soulagement. Lors de ma neuvième consultation en neurologie, le chef de service m’a proposé d’essayer un nouveau médicament. Il m’a jugée apte à le faire. C’était peut-être une bonne idée, mais j’ai demandé s’il ne fallait pas d’abord me faire passer des examens plus approfondis, car je n’avais jamais fait de scanner, ni d’IRM.

Je me souviens que le neurologue m’avait assuré qu’il n’y avait aucun risque que je souffre d’autre chose que de migraines.

Comme c’était lui le spécialiste, je l’ai cru sur parole. Mais j’ai tout de même demandé à avoir une confirmation écrite, ne serait-ce que pour pouvoir accepter cette réalité. À contrecœur, il a accepté ma demande et un scanner a été programmé quelques mois plus tard. Mais comme j’étais complètement abattue et que je ne savais plus quoi faire, j’ai appelé un autre hôpital pour demander si je pouvais venir plus tôt. Moins de 4 semaines plus tard, j’étais allongée sous le scanner.

Sourire jusque sur la table d’opération

Après un week-end passé avec ma meilleure amie dans une région boisée où il n’y avait pratiquement pas de réseau, j’avais 20 appels manqués de l’hôpital, et cela un dimanche. Lorsque j’ai rappelé et qu’on m’a dit que je devais me rendre sur place le lendemain avec quelqu’un, et ce en pleine période de coronavirus, j’ai tout de suite su que les nouvelles n’étaient pas bonnes.

Mon amie et moi avons essayé de comprendre ce qui se passait en faisant des recherches sur Google. Le premier résultat qui est apparu était ‘tumeur cérébrale’, mais cette option nous semblait tellement irréelle que nous l’avons immédiatement écartée. À ce moment-là, mes parents ne savaient pas encore que j’avais passé cet examen, mais quand je leur en ai parlé, ils ont pensé, tout comme moi, à un œdème cérébral (accumulation de liquide dans le cerveau, ndlr).

Une fois à l’hôpital, mon père et moi avons été envoyés en neurochirurgie. Je me souviens avoir trouvé que la neurochirurgienne me regardait d’un air étrange. Après un examen physique, elle a indiqué que la situation était très grave. Elle a ensuite tourné son écran d’ordinateur et m’a dit qu’il y avait une tumeur rare dans mon tronc cérébral.

Après le diagnostic, je n’ai pas été submergée par la tristesse, mais j’ai surtout ressenti un grand soulagement. D’un côté, j’étais soulagée parce que cela signifiait que je ne m’étais pas imaginé tout cela, mais d’un autre côté, je savais que ce n’était pas une bonne nouvelle. Il y avait une bombe à retardement dans ma tête, une tumeur presque aussi grosse que mon tronc cérébral. Heureusement, la tumeur était bénigne, ce qui signifie qu’elle se développe lentement et ne peut pas se propager. Mais il était vital d’intervenir le plus rapidement possible, car le tronc cérébral est essentiel pour les fonctions vitales, telles que la régulation du rythme cardiaque, de la respiration et de la pression artérielle, mais aussi pour des processus tels que la déglutition, la conscience, le rythme veille-sommeil et le contrôle de fonctions telles que les émotions, la parole et les mouvements.

Personne ne savait comment je sortirais de l’opération, ni quelles en seraient les conséquences. J’étais tellement en mode survie que je ne me rendais probablement même pas compte de la gravité de la situation. J’ai continué à sourire jusqu’au moment où je me suis retrouvée sur la table d’opération. L’intervention ne s’est pas déroulée sans encombre. Mes membres ont cessé de fonctionner à 2 reprises, et ma mère a été informée que je serai dépendante d’un fauteuil roulant pour le reste de ma vie. Heureusement, une IRM a révélé qu’il y avait encore une certaine activité, mais que je ne serai plus jamais comme avant.

Fière de moi

Dès que cela a été possible, j’ai commencé ma rééducation. 3 mois après l’opération, j’ai retrouvé le contrôle du côté droit de mon corps, mais mon côté gauche restait paralysé. Avec beaucoup d’efforts, j’ai fait mes premiers pas grâce à un harnais de marche (un harnais spécial qui aide les personnes à réapprendre à marcher pas à pas, ndlr). Mais lorsque j’ai de nouveau ressenti une pression dans ma tête, j’ai eu le sentiment que quelque chose n’allait pas.

Mon intuition s’est avérée juste, car une nouvelle IRM a révélé la présence de nouveau tissu tumoral et que la tumeur ne se développait plus lentement. Il a donc été décidé de me faire subir 30 séances de radiothérapie, alors que mon corps n’était pas prêt pour cela.

Après la dernière séance de radiothérapie, je me suis littéralement effondrée.

Pendant tout ce temps, je suis restée positive, mais c’était trop pour moi et mon corps. À partir de ce moment-là, j’ai eu beaucoup de mal à trouver le courage de continuer. Entre-temps, certaines personnes de mon entourage, comme mon partenaire de l’époque, m’ont abandonnée. Il m’a dit que ma situation l’empêchait d’envisager un avenir avec moi. Cela m’a beaucoup affectée, car si les autres avaient déjà du mal à accepter ma situation, comment pourrais-je moi-même vivre avec? J’avais surtout l’impression d’être un fardeau.

Je me suis donc enfermée entre quatre murs pour ne plus être une charge pour personne. Mes parents et mon frère étaient les seuls à pouvoir encore me contacter durant cette période. Ils m’ont soutenue inconditionnellement, et je leur en serai pour toujours reconnaissante. Comble du malheur, je souffrais chaque jour de douleurs insupportables, et les scanners intermédiaires ont montré que ma tumeur continuait de grossir. Mon avenir ne s’annonçait pas rose, ce qui m’a fait sombrer et demander l’euthanasie, car je ne voyais plus l’intérêt de vivre.

J’en ai discuté avec plusieurs médecins, mais quand j’ai appris que ma tumeur était enfin stable et que je contrôlais mieux mon côté gauche, j’ai repris espoir. Même si mon sourire est en quelque sorte ma marque de fabrique et que j’essaie de rester positive même dans les moments difficiles, j’ai beaucoup souffert mentalement ces dernières années, ce qui m’a conduite à 2 tentatives de suicide.

Aujourd’hui, je peux dire que je suis à nouveau heureuse et que je choisis consciemment de vivre chaque jour, mais l’impact de ma tumeur cérébrale est bien sûr toujours présent. Je ne me souviens pas de ma vie avant ma maladie, ni de ce que c’est de ne pas souffrir. Je n’ai d’autre choix que d’apprendre à vivre avec la douleur et je suis traitée à la clinique de la douleur, où ma souffrance est soulagée autant que possible par des médicaments, des perfusions et des injections. Ma tumeur cérébrale m’a laissé des névralgies et des lésions cérébrales irréversibles. Je souffre d’une lésion cérébrale acquise, et cela ne s’améliorera jamais, je dois donc accepter que c’est le maximum que je puisse atteindre. Mais si l’on tient compte du fait que je suis partie d’une paralysie totale et que l’on regarde ce que je suis capable de faire aujourd’hui, je peux être plus que fière de moi.

Maladie invisible

L’hôpital est devenu ma deuxième maison. Je vais encore au moins 3 fois par semaine en rééducation afin de demeurer la version la plus forte de moi-même. J’ai accepté les limites qu’entraîne ma tumeur. Je ne saurais même plus comment vivre sans limitations. J’accepte de ne plus pouvoir lacer mes chaussures, ni couper ma viande, par exemple. J’ai appris à m’organiser autant que possible, à fixer des limites et à demander de l’aide quand j’en ai besoin.

Ce que je trouve difficile, c’est que ma maladie s’accompagne de limites invisibles. Pour le monde extérieur, j’ai l’air d’une jeune femme de 27 ans en parfaite santé, mais rien n’est moins vrai. Par conséquent, je dois me justifier presque quotidiennement et je suis régulièrement interpellée lorsque je me gare sur une place de parking réservée aux personnes handicapées ou que j’utilise des toilettes adaptées. De plus, les pouvoirs publics devraient faire preuve de plus de compréhension et apporter davantage d’aide, car il est frustrant de devoir encore prouver que je suis malade après 4 ans.

Heureusement, je touche une allocation, mais je suis toujours sur la liste d’attente pour un budget d’assistance personnelle (ou BAP: budget destiné aux personnes handicapées pour une assistance quotidienne, ndlr), ce qui me prive d’une aide et d’une autonomie indispensables. Malheureusement, la plupart des personnes atteintes d’une maladie invisible sont confrontées à cette situation. Les autorités vous ignorent souvent.

Je veux donc être la voix des personnes qui, comme moi, doivent vivre avec des maladies et d’autres formes de cancer qui sont également invisibles, telles que le TDAH, l’endométriose, la sclérose en plaques, la leucémie, le cancer de l’ovaire, etc. De plus, je suis depuis quelque temps une thérapie EMDR, car j’ai développé un syndrome de stress post-traumatique et des troubles anxieux. Je souffre souvent de flash-back. Cela se déclenche, par exemple, lorsque je vois quelqu’un en fauteuil roulant. Lorsque cela se produit, je commence généralement à hyperventiler, car j’ai alors des flashback de mon propre calvaire, que j’ai probablement refoulés à l’époque. Je remarque que j’embellis souvent ce qui s’est réellement passé, mais c’est ma façon à moi de gérer la situation. Être négative ne m’aide pas à avancer.

Toujours en tirer le positif

Ma tumeur m’a beaucoup pris, mais m’a aussi apporté beaucoup de belles choses. J’ai désormais un petit ami formidable qui m’accepte telle que je suis, y compris avec mes limites et ma maladie. Quand il est entré dans ma vie, je lui ai tout de suite tout raconté, car je ne voulais pas me présenter sous un jour meilleur que ce que je suis en réalité. À cause de ma maladie, je suis, entre autres, très distraite, impulsive et je me fatigue plus vite. J’ai également du mal à résoudre des problèmes, mais mon compagnon n’y voit aucun problème. Je suis reconnaissante d’avoir trouvé quelqu’un d’aussi attentionné et qui a le cœur sur la main.

Je vis principalement dans le présent, et non plus dans l’avenir. Comme tout le monde, j’ai des rêves, comme celui d’acheter une maison adaptée à mes besoins. Mais en me concentrant principalement sur le présent, je ressens une paix que je ne connaissais pas auparavant. Avant de tomber malade, je vivais beaucoup plus dans ma tête et je voyais surtout des obligations. Grâce à ce que j’ai vécu, j’accepte la vie telle qu’elle vient. Je suis devenue beaucoup plus reconnaissante, peut-être parce que je sais ce que j’ai enduré. À un moment donné, j’étais tellement dépendante des autres que je ne pouvais même pas aller aux toilettes toute seule.

Ce n’est pas agréable d’avoir une tumeur au cerveau, mais je m’estime heureuse que cela m’ait donné une autre vision de la vie et m’ait enrichie en tant que personne. Je profite de chaque instant, de chaque rayon de soleil, de chaque voyage, loin de chez moi ou à proximité. En raison de ma situation, je pense probablement plus souvent à la mort que la moyenne des jeunes de 27 ans, mais je n’ai pas peur de mourir. Si je venais à décéder, je considérerais cela comme mon destin, même si j’ai peur de souffrir. Je ne pourrais pas revivre une deuxième fois l’enfer que j’ai déjà vécu. Le temps est important, mais la qualité de vie l’est encore plus. 

La maladie apporte son lot d’incertitudes. J’espère de tout cœur que ma tumeur restera stable, mais à chaque fois qu’un scanner approche, je ressens de la tension, de la peur et de la tristesse. Je ne m’y habituerai jamais. Je ne souhaite rien de plus que de mettre un terme à cette histoire, mais ce n’est pas possible, alors j’essaie simplement d’en tirer le meilleur. Pour moi, c’est la façon la plus agréable de vivre. Si, comme moi, vous avez le sentiment que quelque chose ne va pas, suivez votre intuition et persévérez. Si un spécialiste ne vous croit pas, demandez au moins un deuxième ou un troisième avis. Les médecins sont aussi des êtres humains et ils ne sont pas toujours dans le vrai. Si je n’avais pas insisté à l’époque et demandé un scanner ou une IRM, mon histoire aurait pris une tout autre tournure. »

Si vous avez des pensées suicidaires et que vous avez besoin de parler, vous pouvez contacter la ligne d’écoute du Centre de Prévention du Suicide au 0800 32 123 ou via preventionsuicide.be/jai-des-pensees-suicidaires.

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