COUPLE: je veux un enfant, lui pas. On fait quoi?
Un bébé, ça se fait à deux. Alors que faire si l’un·e des partenaires ne veut pas devenir parent ou redoute cette responsabilité ? Faut-il insister, essayer de comprendre sa perspective, attendre quelques années, mettre fin à la relation ou renoncer au bonheur de la parentalité? Une réflexion souvent délicate à mener.
À la question de savoir si le désir d’enfant évolue, Catherine De Geynst, psychologue clinicienne répond positivement: «Toute chose évolue dans une relation, que ce soit le désir d’enfant ou autre.» Pour autant, tenter de convaincre l’autre est une stratégie bancale, qui risquerait au mieux, de ne pas avoir d’effet, au pire, de renforcer l’autre dans ses positions. Il convient, comme première étape indispensable en cas de désaccord, de faire preuve d’empathie et de rejoindre l’autre là où il se trouve, rappelle la psychologue. «Il faut essayer de ne pas juger l’autre et de le comprendre, ce qui vous permettra en plus de récolter des informations sur la nature de la position. C’est une règle en couple: si on veut être entendu dans ses désirs à soi, il faut pouvoir entendre ceux de l’autre. On peut dire: ‘D’accord, tu en es là, j’entends et je comprends’ et espérer qu’avec le temps, les choses évoluent car chacun se sera senti respecté dans sa position». Si votre chéri·e ne semble pas tenté·e par l’idée de procréer, vous pouvez, à défaut d’argumenter, lui raconter votre désir à la première personne. «Et voir si certains éléments lui parlent.» D’autant plus que le désir, contrairement à une opinion, ne s’argumente pas. «On peut essayer d’expliquer pourquoi on veut ou on ne veut pas devenir parents avec des arguments rationnels», souligne Catherine De Geynst, «Mais quand on parle de désir, en psychologie, la part d’inconscient a un grand rôle à jouer.»
On peut dire: ‘D’accord, tu en es là, j’entends et je comprends’ et espérer qu’avec le temps, les choses évoluent car chacun se sera senti respecté dans sa position
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Questionner le (non) désir d’enfant
Et si il·elle semble radical·e? «On peut être radical à propos de choses qui nous font peur et nous attirent en même temps. Et ce n’est pas parce qu’on est radical sur un sujet qu’on ne peut pas changer d’avis. Il faut laisser place à l’ambivalence.» Alors, comment savoir si notre conjoint·e masque sa peur par un refus qui ne donne pas place à la discussion? «L’idéal serait alors de suivre une thérapie en couple», explique la psychologue. «Cela permettrait de comprendre ce qui se cache derrière le non désir d’enfant, mais aussi, tout aussi important, derrière le désir. Car ce n’est pas forcément la personne qui ne veut pas d’enfant qui porte le problème. L’inverse est aussi possible. Il existe une différence fondamentale entre désirer, vouloir et devoir. Ce n’est pas parce qu’on veut un enfant qu’on le désire vraiment. On peut le vouloir simplement parce qu’on pense que c’est ce que la société exige de nous. Une personne qui veut absolument un enfant n’est pas plus fonctionnelle que la personne qui se pose des questions sur son envie de devenir père ou mère.» Ainsi, en cas de divergences dans le couple, il faudrait avant tout se reconnecter à soi et décortiquer ses besoins: ai-je vraiment envie d’un enfant maintenant ou est-ce que je pense en avoir envie parce que toutes mes copines en ont? Parce que mes parents me mettent la pression? Et si je n’en ai pas envie, quelles en sont les raisons? Ai-je peur de reproduire des schémas familiaux toxiques? Est-ce que je tiens trop à ma liberté pour la sacrifier? Toutes les raisons se valent, mais c’est intéressant de comprendre d’où viennent nos prétendus désirs. » Ce travail peut aussi permettre de déceler un désir refoulé. Car s’il n’est pas possible de choisir de refouler un désir d’enfant — il reviendrait au galop ! —, ce procédé peut avoir eu lien dans le passé. « Certaines personnes peuvent avoir un désir d’enfant auquel ils n’ont pas accès parce qu’ils sont coupés d’eux-mêmes », explique la psychologue. « On peut entretenir certaines croyances: penser qu’on n’y a pas droit, que ça n’arrive qu’aux autres. Cela peut aussi provenir de transmissions transgénérationnelles. Si on a eu un parent défaillant, on peut aussi avoir peur de reproduire ses comportements. Si on s’est occupé d’un parent quand on était jeune, on peut ne plus avoir envie de prendre ce rôle par la suite, en tant qu’adulte. Toutes ces croyances ont été forgées dans notre enfance, elles ne sont pas immuables, sinon la thérapie n’existerait pas. Mais il ne faut pas sous-entendre qu’une personne qui a pas d’enfant a un problème: de plus en plus de personnes décident de ne pas en avoir, notamment au vu de l’état du monde. Finalement, on peut aussi considérer que vouloir faire un enfant dans notre monde est une folie.»
Il est rare qu’un couple se sépare uniquement pour une histoire de désir d’enfant: il y a souvent d’autres raisons sous-jacentes. Ce problème est souvent le reflet d’autres, il cristallise les autres et sert de prétextes.
Rompre quand la souffrance est trop grande
Et quand envisager la rupture? À quel moment renoncer à une possible évolution? Cette question ne peut avoir de réponse claire, alerte la psychologue, rappelant que chaque situation est différente. « Je dirai qu’il faut intervenir, soit par le biais d’une thérapie dans un premier temps, soit par une rupture, lorsque la souffrance atteint un point qui n’est plus supportable. » Et d’ajouter que souvent, le couple éclate pour d’autres raisons que celle-là. « Il est rare qu’un couple se sépare uniquement pour une histoire de désir d’enfant: il y a souvent d’autres raisons sous-jacentes. Ce problème est souvent le reflet d’autres, il cristallise les autres et sert de prétexte. Et même si, sur le moment, on pense quitter l’autre personne ‘juste pour ça’, on se rend souvent compte a posteriori que d’autres éléments entravaient l’épanouissement du couple. » Si la tentation est grande, dès lors, d’évoquer son (non)désir d’enfant dès le début de la relation pour éviter les mauvaises surprises, la psychologue le déconseille: « Cela revient à penser qu’on a le contrôle sur les choses, alors qu’on ne peut jamais prévoir à l’avance ce que la vie nous réserve. En évoquant directement le sujet, on part du principe que la rencontre ne va rien provoquer. Or, les rencontres nous modifient petit à petit. Penser le contraire est illusoire. »
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