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TÉMOIGNAGE: ““Même enfermé dans un corps de fille, je sais depuis toujours que je suis un garçon””

Manon de Meersman

Lorsqu’il est né, Idriss était une fille. Dès son plus jeune âge, il a su qu’il ne vivait pas dans le corps qui lui correspondait. Aujourd’hui, il a 27 ans et il a entamé une transition lui permettant de s’épanouir tel qu’il est au plus profond de lui depuis toujours. Il nous livre les étapes de son parcours, ses peurs, ses questionnements et nous ouvre à la transidentité, un sujet dont on ne parle encore que trop peu et dont l’importance est pourtant sans pareille.


Selon Amnesty International, une personne transgenre est une personne dont l’expression de genre et/ou l’identité de genre s’écarte des attentes traditionnelles reposant sur le sexe assigné à la naissance. Bien entendu, toutes les personnes transgenres ne se retrouvent pas dans le système binaire imposé par la société. « Certaines personnes ont un genre tiers, d’autres ne s’identifient à aucun genre ou à l’inverse à plusieurs », précise l’organisation de défense des droits de l’Homme et le respect de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Dans ce cadre, les personnes transgenres voient leur identité de genre différer du sexe qui leur a été attribué à la naissance. C’est le cas d’Idriss*. « Ça n’a pas été une découverte progressive. Lorsque j’avais 4, 5 ans, je disais à mes copains: ‘je suis un garçon’. Je leur demandais d’ailleurs de m’appeler Alex. Pourquoi? Car j’avais besoin d’un prénom mixte pour me conforter dès ce si jeune âge dans la transidentité. »

La difficulté de l’acceptation et la compréhension familiale


Avant d’arriver en Belgique, Idriss a grandi jusqu’à ses 19 ans au Congo, au sein d’une famille pratiquante musulmane. Lorsqu’il était encore petit, il avait tendance à s’habiller comme un garçon. « Mes parents m’ont laissé faire car ils se disaient que ça allait évoluer, explique-t-il. Mais lorsqu’à mes 13 ans, j’ai eu mes premières règles, je me devais de m’habiller comme une femme et m’assumer en tant que tel. J’ai adopté un look neutre – celui emprunté au style émo pour être précis. En grandissant, je n’ai eu d’autres choix que d’avoir les cheveux longs et de commencer à me maquiller car ma famille exerçait une pression psychologique sur moi. Je me suis laissé faire car je ne pensais pas qu’un jour, j’aurais l’occasion de faire ma vie autrement. »

En effet, Idriss nous explique qu’au Congo, la communauté LGBT+ n’existe pas. Issu d’une classe sociale élevée, il nous raconte que les sujets gravitant autour de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle, on ne les aborde pas. On n’en parle pas. C’est en arrivant en Belgique à l’aube de ses 20 ans qu’il a pris connaissance des possibilités s’offrant aux personnes transgenres. « Je suis arrivé en Belgique il y a 7 ans, explique-t-il. Jusqu’à ce jour, je ne savais pas qu’il existait des transitions hormonales. De mon côté, avant d’en arriver là, les étapes se sont succédées.

Ça a commencé par le fait d’être lesbienne, jusqu’à ce que je comprenne foncièrement la transidentité grâce à des personnes autour de moi ».


La transition désigne ce processus que la personne entame pour ressembler davantage à qui elle est réellement au fond d’elle. Transitionner fait dès lors référence au processus de changement du « rôle de genre ». À noter que la transition n’est pas linéaire: elle est différente pour chaque personne. Qu’elle soit sociale, légale et/ou médicale, elle constitue une étape importante dans la construction de la personne transgenre.

De l’importance de la transition


Le chemin parcouru jusqu’à passer le cap de la transition a été difficile pour Idriss. « J’ai ressenti pendant longtemps un mal-être profond. Entamer une transition équivalait à perdre ma famille. C’était un véritable combat dans ma tête: est-ce que je garde ma famille auprès de moi ou est-ce que je me bats pour ce que je suis? ». Idriss a alors choisi de s’écouter car la situation devenait invivable pour lui. « J’ai commencé ma transition il y a un an et deux mois. Je l’ai entamée car juste avant ça, tous ces questionnements et ce combat intérieur m’ont plongé dans le noir le plus total. J’ai été hospitalisé pour dépendance à l’alcool et c’est là où j’ai eu le déclic: tant que je n’entamais pas cette transition, je ne parviendrais jamais à être heureux. J’avais besoin de cette transition pour me sortir de l’alcool et surtout, car jamais je ne pourrais imaginer mes enfants m’appeler maman… ».

Idriss a alors fait le choix d’en parler à ses parents. « Je les ai appelés. Je savais qu’ils avaient les moyens de faire l’aller-retour depuis le Congo jusqu’en Belgique et c’est pourquoi je leur ai demandé de venir ici, au sein-même de l’hôpital, pour en discuter avec eux. Cet appel a beaucoup stressé ma maman et entre le moment où je leur ai demandé de venir et celui où ils sont arrivés en Belgique, elle n’a cessé de faire des recherches, y compris sur les transitions hormonales. Elle voulait à tout prix savoir de quoi j’allais leur parler mais pour moi, il était inconcevable que je leur annonce une étape si importante à distance. Le jour J, nous étions mes parents, ma tante, qui est réellement mon pilier familial, ma thérapeute et moi.

Lorsque j’ai expliqué les choses, les réactions ont été très difficiles à encaisser. Mon père, sachant que j’avais tenté de me suicider auparavant, a été jusqu’à me dire: ‘Franchement, tu n’aurais pas dû te louper’. Ma mère, quant à elle, n’a rien dit. Elle était perdue”,


“Je pense qu’elle a beaucoup pleuré, confie Idriss. Depuis, je n’ai plus de nouvelles de mon père. Il ne veut plus entendre parler de moi et plus personne autour de lui n’a le droit de lui évoquer ma personne. Il a également interdit à ma mère de m’adresser la parole. La raison est simple: on est dans une famille patriarcale donc c’est l’homme qui décide. Ma soeur n’a plus le droit de m’adresser la parole non plus car c’est une femme alors que mon frère, qui est un homme, bien. La rupture familiale a été très compliquée et très difficile. Faire subir une telle chose à mes parents a généré chez moi un sentiment de culpabilité énorme car je les aime tellement.”

Idriss a alors entamé une transition hormonale où les étapes se sont relativement bien enchaînées sans embûches. « J’ai obtenu des changements physiques, commence Idriss. Ma voix a mué assez vite, même si ce n’est pas encore terminé. J’ai ensuite ressenti des évolutions au niveau de mon corps: j’ai chaud plus vite et je transpire davantage. Mon corps supporte mieux le froid. Mon odeur corporel a changé, poursuit-il. Côté pilosité, je dois dire que celle-ci prend son temps… De plus, j’aurai bientôt une chirurgie au niveau des seins. Quant au au clitoris, celui-ci passe par un processus de ‘dickclit’ – un jeu de mot anglais qui serait en fait micro-pénis en français – où il faudrait recourir à une opération si on souhaite aller davantage plus loin. D’ailleurs, à ce niveau-là, certains le font, pendant que d’autres gardent un vagin; en réalité, cela ne regarde personne d’autre que la principale concernée. »

Idriss nous explique que sa transition se passe plutôt bien, mais que cela n’est pas le cas, ni la chance de tout le monde. « Dans mon cas, on est dans une transition ‘FTM’, soit ‘Female-to-Male’. Dans l’autre sens, on appelle ça une transition ‘MTF’, soit ‘Male-to-Female’ ». Il nous explique que cette dernière est plus compliquée en raison des changements parfois plus difficiles à atteindre. « Dans ce sens-là, il faut de l’argent pour pouvoir accéder aux opérations et aux chirurgies », précise-t-il. Idriss se sent chanceux d’avoir vu différents changements physiques prendre forme, ne fut-ce que la voix par exemple. « Dans certains cas, les changements sont si longs à venir qu’ils peuvent démotiver totalement et mener à des pensées noires, générant au passage un mal-être profond », ajoute-t-il, laissant sous-entendre l’importance de la bienveillance à l’égard de la transidentité en toute circonstance.

Un besoin de rester discret et des peurs persistantes


Si aujourd’hui Idriss se sent heureux, il tient tout de même à rester discret sur sa transidentité. « Je garde ma transidentité pour moi au maximum, commence-t-il. J’ai des amis LGBT et on a tendance à s’enfermer dans ce cercle car on s’y sent compris et accepté. 
Au travail, je n’ai pas envie que ça se sache et socialement, je préfère le dire uniquement aux personne LGBTQI+. En fait, lorsqu’on dit qu’on est trans, je pense de suite que l’on va voir les traits féminins restants sur mon visage et sur mon corps. Ça arrive encore d’ailleurs qu’on m’appelle madame. Mais je ne veux pas qu’on me voie de cette manière. Je suis rempli de peurs et la plus grande d’entre elles est de ne pas trouver de femme et ne pas avoir de famille, alors que c’est ce que je souhaite le plus au monde…

Mais c’est normal d’avoir peur. C’est normal d’avoir des doutes. Quand on commence un tel parcours, on est effrayés, on se dit: a-t-on raison de le faire ou est-ce qu’on se plante totalement? »,


J’ai été en thérapie et ça m’a aidé. Je me suis tourné vers des associations. Car c’est une grande chance que nous avons en Belgique: beaucoup d’associations peuvent aider. On ne peut pas garder ça pour soi. C’est trop gros. C’est trop lourd. Il faut trouver quelqu’un qui puisse accompagner psychologiquement. »

À toutes ces personnes qui sont remplies de question à propos de la transidentité, qui s’interrogent sur qui elles sont au plus profond d’elles. À toutes ces personnes qui sont tiraillées entre différents sentiments à l’égard de la transidentité, à toutes ces personnes qui ont entamé une transition et qui sont effrayées à l’idée de l’avenir: vous n’êtes pas seules. “Certes, ça va être une période difficile le temps de se réadapter à son corps, mais c’est que du bonheur ensuite. C’est une souffrance, mais ce n’est rien comparé à la joie qui s’empare de nous lorsque nous pouvons enfin être qui nous sommes vraiment », conclut Idriss.

Vous vous sentez concerné·e·s par la transidentité? Vous vous reconnaissez dans le témoignage d’Idriss mais vous vous êtes en proie à des questionnements? N’hésitez pas à vous tourner vers des associations LGBTQI+ pouvant vous venir en aide. Les “Maisons Arc-en-Ciel”, parmi d’autres, peuvent répondre à vos questions. Si vous êtes dans un mal-être générant des idées noires, vous pouvez également contacter le numéro 0800 32 123 du Centre de Prévention du Suicide afin de vous aider. N’oubliez jamais que vous n’êtes pas seul·e·s et que des solutions existent. 

*prénom d’emprunt garantissant l’anonymat de la personne nous livrant son témoignage.

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