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Vaincre les préjugés en tant qu’athlète voilée, la plus belle victoire d’Ibtihaj Muhammad

Kathleen Wuyard

Pour devenir une escrimeuse médaillée aux championnats du monde et aux Jeux Olympiques, Ibtihaj Muhammad a dû s’entrainer sans relâche. Tout comme elle a dû batailler ferme pour vaincre les préjugés en tant qu’athlète musulmane et voilée, première athlète US à participer aux JO avec son hijab et modèle de la première Barbie voilée.


Un palmarès aussi impressionnant sur les pistes d’escrime que dans ses combats personnels pour plus de tolérance envers les musulmans, qui en viendrait presque à faire oublier à quel point Ibtihaj Muhammad a dû se battre, au propre comme au figuré, pour en arriver là. Née en 1985 à Maplemood, une banlieue tranquille du New-Jersey, Ibtihaj est d’origine Afro-Américaine mais grandit dans un foyer musulman après la conversion de ses parents. Fille d’un officier de police et d’une institutrice, Ibtihaj est une enfant curieuse et dynamique qui a besoin de se dépenser. Mais pas question pour ses parents qu’elle pratique un sport en petite tenue comme ses copines qui font de la gymnastique ou de la piscine. Denise et Eugene Muhammad veulent que leur fille s’adonne à une discipline qu’elle puisse pratiquer couverte de la tête aux pieds, avec son hijab sur la tête. Un désir que partage la petite Ibtihaj.

Je voulais un sport où je pouvais être couverte intégralement sans être différente des autres.


Après avoir testé sans succès l’athlétisme et le volley, où son pantalon long la gênait, elle découvre l’escrime à l’âge de 13 ans, et c’est le coup de foudre.

Plutôt que l’épée ou le fleuret, Ibtihaj choisit de se spécialiser dans le sabre, et les succès s’enchaînent sans qu’elle doive compromettre ses croyances et sa volonté de porter le voile.Mais sans que ce soit facile pour autant, ainsi qu’elle témoigne dans la Lenny Letter de Lena Dunham.

En humanités, j’étais habituée à être dévisagée à chaque compétition d’escrime. C’est un sport de niche, dont les participants sont majoritairement blancs, et non seulement ma peau est foncée, mais en plus, je porte le hijab donc je ne passais pas inaperçue. Je n’avais qu’une hâte: entrer en piste pour pouvoir mettre mon masque et ne plus me distinguer des autres sportifs.


D’autant qu’à l’époque, les athlètes de haut niveau voilées sont extrêmement rares et Ibtihaj manque de modèles. Qu’à cela ne tienne: “j’ai décidé qu’il fallait que je trace mon propre chemin et que je me pousse à me dépasser. C’était clair que personne ne pouvait le faire à ma place, parce qu’il n’y avait aucune musulmane athlète de haut niveau à l’époque”. Alors faute de trouver des inspirations, Ibtihaj s’est hissée au sommet et est devenue elle-même un modèle pour les petites filles comme elle.

Prouver que c’était possible pour une athlète voilée


Bourse d’études à la prestigieuse Duke University, médaille de bronze à 26 ans aux championnats du monde en 2011, puis à nouveau en 2012 et 2013, les succès s’enchaînent, et c’est tout naturellement qu’Ibtihaj est choisie pour rejoindre l’équipe nationale américaine d’escrime et prendre part aux Jeux Olympiques. Et en 2016, aux JO de Rio, l’enfant de Maplewood devenue athlète de haut niveau entre dans l’Histoire. D’abord, en devenant la première athlète à représenter les Etats-Unis aux JO en portant le voile. Un message fort, que l’escrimeuse tenait à envoyer.

Je souhaite que la vie des musulmans à travers le monde soit un peu plus facile, en particulier aux États-Unis. J’espère que ma présence dans l’équipe américaine pendant ces Jeux va aider à changer l’image que les gens se font de la communauté musulmane.


Pari tenu, puisqu’en remportant le bronze, elle devient également la première athlète américaine d’origine musulmane à remporter une médaille pour son pays aux Jeux Olympiques.

Je voulais gagner une médaille Olympique pour prouver que c’était possible. Je voulais changer les narrations négatives autour de la communauté musulmane avec lesquelles nous avons tous vécu pendant trop longtemps. Je voulais que les enfants à la peau foncée me voient gagner et sachent que c’était possible pour eux aussi. Je voulais gagner pour que la prochaine fois que quelqu’un voit une escrimeuse avec un hijab, il sache que rien dans sa religion ne l’empêche d’être la meilleure.


Et si Ibtihaj confie dans son témoignage à Lenny Letter, qu’il n’y a eu aucun sentiment plus agréable que de remporter la médaille aux JO de Rio, elle a aussi un message pour ceux qui ne peuvent toujours pas s’empêcher de la dévisager: “continuez à me regarder, vous allez adorer ce que vous allez voir”.

J’aimerais que non seulement les musulmans, mais aussi les jeunes des minorités en général croient en eux-mêmes et qu’ils ne laissent pas les préjugés des autres définir leur avenir.


Dont acte: après avoir fait face aux préjugés et au racisme, Ibtihaj Muhammad a aujourd’hui servi d’inspiration à la première Barbie voilée.

Et entre deux entraînements, elle a trouvé le temps d’écrire une autobiographie racontant son ascension vers les plus hauts niveaux de son sport, où elle occupe actuellement la 3e place au niveau nationale et la 23e place au classement mondial des escrimeurs.Ce qui n’empêche pas Ibtihaj de trouver le temps pour donner des leçons d’escrime à Michelle Obama et gérer Louella, la marque de vêtements modestes qu’elle a lancé avec ses quatre frères et soeurs. Elle voulait inspirer les filles comme elles et décomplexer celles qui portent le voile, et c’est sans aucun doute réussi, mais en prime, Ibtihaj Muhammad est devenue une inspiration pour toutes les femmes.

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