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FAUT QU’ON PARLE: la ““lettre d’un violeur”” de ““Libé”” bafoue les droits des femmes et l’honneur de la presse

Kathleen Wuyard

Chaque 8 mars ressemble à un concours de qui déformera le plus l’objectif de la journée (qui n’est pas, quoi qu’on puisse en penser, de vendre de l’électroménager), mais cette année “Libé” remporte la palme haut-la-main avec sa Une consacrée à la publication de la lettre ouverte d’un violeur.


Et “pas n’importe lequel” s’il vous plaît: celui-là même qui aurait violé Alma, la jeune étudiante à l’origine de la dénonciation des exactions au sein de Sciences-Po Bordeaux, dont le témoignage courageux a permis de libérer la parole d’autres étudiantes et de lancer la déferlante #sciencesporcs, mettant à nu la culture du viol qui règne dans ces prestigieux établissements. “Et si on libérait aussi la parole des agresseurs?” ne se demandait probablement personne, ce qui n’a pas empêché le violeur d’Alma d’adresser une lettre ouverte expliquant ses actes à “Libé”, qui a non seulement décidé de la publier mais aussi, dans la foulée, d’en faire sa Une. “‘Je t’ai violée Alma’, la lettre d’un agresseur à sa victime’”: le titre semble sorti d’une autre époque, l’âge d’or du patriarcat, ou bien une feuille de chou de seconde zone peut-être, mais non, il s’agit bien d’un choix éditorial de “Libération”.

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“Une réflexion qui vise à interpeller”


Dans un article judicieusement placé sous paywall, le potentiel cliquable de ce dernier assurant sans aucun doute une jolie rentrée financière à “Libé”, le journal explique son choix d’avoir publié la lettre ouverte d’un violeur. Une lettre mise en miroir du témoignage d’Alma, publié également ce 8 mars. Mais aussi une lettre où l’agresseur “ne se justifie pas, ne s’autoflagelle pas, ne se défausse pas. Il explique” contextualise “Libé”.

Et expliquer n’est pas excuser. Dire qu’il donne le point de vue du violeur n’est que partiellement vrai. Sa réflexion vise à nous interpeller, à nous sortir de la zone de confort consistant à considérer que le violeur, le monstre, c’est l’autre”.


“Libé” voulait interpeller, c’est gagné, mais ce qui interpelle surtout, c’est le peu de jugement dont la rédaction a fait preuve en publiant un témoignage dont il est difficile de trouver un autre intérêt que celui de vendre du papier. La presse va mal, certes, mais si les quotidiens de référence ont recours aux tactiques les plus viles des tabloïds pour tenter d’inverser la tendance, elle ne risque pas d’aller mieux, au contraire.

https://twitter.com/valerieCG/status/1368660863029288960

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“Nous sortir de la zone de confort”


Car la tentative de “Libé” d’expliquer son choix rédactionnel par l’envie de “nous sortir de la zone de confort consistant à considérer que le violeur, le monstre, c’est l’autre” ne convainc pas, surtout quand on sait que selon les chiffres avancés par les associations de défense des victimes, 8 femmes sur 10 connaissent leur violeur. Pas besoin d’une Une racoleuse donc, pour ouvrir les yeux de la population, qui quoi qu’en pense “Libération”, n’est pas convaincue qu’un viol, ça ressemble forcément à cette scène insoutenable d’”Irréversible” de Gaspard Noé, et que ça implique une femme, un inconnu, un endroit reculé.

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Comment l’être, quand on sait qu’en Belgique, une femme sur cinq (données Amnesty 2020) est victime de viol, et que pour 8 sur 10 d’entre elles, l’agresseur est connu? C’est leur voisin de palier, un pote de pote, un ex, un membre de la famille, il est connu, certes, mais pour elles, c’est un monstre tout de même, et cette lettre ouverte ajoute l’insulte à la blessure.

Parce que la parole des victimes, elle, est toujours remise en question, et sauf affaire à très fort potentiel médiatique, ne fait jamais la Une. Pensez donc: avant de pouvoir leur offrir une telle tribune, il faudrait savoir ce qu’elles portaient, si elles avaient bu, quelle heure il était, si elles avaient dit “non” clairement…


Peut-être, tout à leur traumatisme, ne s’expriment-elles simplement pas avec la même “force intellectuelle” (sic) que l’auteur du texte? Quoi qu’il en soit, en faisant ce choix, “Libé” ne se contente pas de brandir le majeur bien haut aux femmes, il fait aussi dans la foulée un formidable bras d’honneur au reste de la profession, malmenée par les éclaboussures nauséabondes de la vague de “fake news” lancée par l’ancien locataire de la Maison Blanche, qui n’avaient de faux que le nom, ce qui n’a pas empêché une partie de l’opinion publique de se convaincre ces quatre dernières années que la presse ne valait plus la peine d’être lue.

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“Mémoire parcellaire”


Difficile de les blâmer quand un titre appartenant à celle que l’on nomme encore la “presse de qualité” salue la “fougue” d’un violeur, qui évoque notamment dans sa lettre sa “mémoire parcellaire” des événements de ce soir d’avril 2019 où, alors que Notre-Dame brûlait, il a réduit sa petite amie de l’époque en cendres. Cet argument même qui fait que nombre des victimes qui ont le courage de porter plainte et d’affronter leur agresseur au tribunal voient l’affaire classée, faute de suffisamment d’éléments tangibles pour condamner l’accusé. Sans surprise, même si le choix de la date de publication de cette lettre a décidément de quoi surprendre, “Libé” se prend une volée de bois vert sur les réseaux, maigre consolation face au buzz suscité par cette Une dont tout le monde parle. Or l’adage ne veut-il pas “en bien ou en mal, pourvu qu’on en parle?”.

 

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Alma, elle, a fait part de son “soulagement” de voir son violeur assumer les faits, ayant consenti à la publication de la lettre par “Libé” et affirmant qu’elle porterait plainte “quand elle se sentira prête”. Gageons que mémoire parcellaire ou non, face à un tribunal, elle aura peut-être la chance de voir justice rendue, son agresseur ayant reconnu les faits noir sur blanc. Espérons, aussi, que cette Une déplorable n’épaissira pas encore un peu plus l’odieuse zone grise qui enrobe le viol, l’acte n’étant pas suffisant aux yeux de la Justice, qui exige des victimes qu’elles prouvent leur non-consentement, parce que ne pas avoir dit “oui” n’est toujours pas assez.

Quant au violeur d’Alma, plutôt que la rédaction d’une lettre ouverte, ainsi que le souligne le compte militant @out_ragee, “s’il vit mal sa culpabilité, les commissariats sont ouverts et prêts à recevoir ses aveux”.

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