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© Coronavirus in China. Novel coronavirus (2019-nCoV), people in white medical face mask. Concept of coronavirus quarantine vector illustration. Seamless pattern.

Comment les masques de protection discriminent les femmes et les malentendants

Kathleen Wuyard

S’il est déjà avéré que nous ne sommes pas tous égaux face au COVID-19, il semblerait qu’il en aille de même avec les masques supposés nous en protéger: entre modèles peu adaptés à la morphologie féminine et tissu opaque qui plonge les malentendants dans le silence, il y a encore du travail à faire avant que nous soyons tous protégés de la même manière.


Cela fait plusieurs semaines que la scène se reproduit au sein des ménages belges. Les masques de protection tant attendus arrivent enfin, qu’ils aient été commandés en ligne ou fournis par la commune, et c’est l’heure de l’essayage. Si Monsieur doit parfois ajuster un peu les élastiques pour un maintien plus confortable, pour Madame, c’est la cata: là où le masque épouse les traits du visage de son compagnon, sur elle, il bâille sur les côtés, quand il ne lui glisse pas carrément du nez, offrant une protection inexistante. Et pourtant, le site ne faisait pas mention de tailles différentes... Peut-être qu’au fond, c’est juste vous qui avez un “petit visage”? Non: ainsi que le révèle une enquête réalisée par Marcus Dupont-Besnard pour Numerama, les masques de protections ne sont pas adaptés aux femmes, exemple supplémentaire s’il en fallait encore du sexisme des normes.

Lire aussi: Le sexisme a encore de beaux jours devant lui dans le milieu intellectuel belge

Un “standard” inadapté


On savait déjà en effet que les femmes étaient notamment moins bien protégées par les ceintures de sécurité, adaptées au corps masculin, on constate désormais avec déception qu’il en va de même pour les masques de protection. En effet, ceux-ci sont élaborés sur base d’un “visage standard”, ce dernier étant calculé sur base des caractéristiques et des mesures des populations masculines européennes et américaines. Ce qui défavorise forcément les visages plus petits ou plus fins, lire: ceux des femmes. Sur Twitter, Caroline Criado Perez, auteure du livre “Invisible Women”, qui dénonce le sexisme des normes, confie dans un thread avoir reçu un torrent de messages de soignantes lui confiant ne pas être protégées correctement par leurs masques trop grands. Une série de messages qui lui a valu un torrent de commentaires haineux, sans qu’elle parvienne bien à s’expliquer pourquoi.

Je.ne.comprends.pas. Pourquoi est-ce que ça peut bien vous déranger que les femmes soient protégées correctement par leur équipement? Pourquoi êtes-vous tellement DETERMINES à affirmer que toutes les femmes qui se noient dans de l’équipement de protection trop grand se trompent et/ou mentent?”


https://twitter.com/CCriadoPerez/status/1259797424454975490

Une injustice qui en soulève une autre: celle à laquelle sont exposées les personnes sourdes ou malentendantes.

Coupés des entendants


Pour elles, l’interprétation des expressions du visage mais aussi la lecture sur les lèvres sont des outils précieux de communication... Qui leur sont entièrement enlevés lorsque leur interlocuteur porte un masque cachant la moitié de son visage. Au micro de l’AFP, Kelly Morellon, présidente de l’association française de soutien aux sourds et malentendants Main dans la main, “le port du masque obligatoire m’a tout de suite fait comprendre que nous allions être coupés des entendants, sans possibilité de lecture labiale”. Avec, parfois, des conséquences extrêmement dangereuses: dans une vidéo postée sur sa page Facebook, Marianne Queval, Miss France Sourde 2013, a contracté le Coronavirus, et raconte l’impossibilité de communiquer avec le personnel soignant qui la prend en charge à l’hôpital.

Je me suis retrouvé stressée, noyée car je ne comprenais rien avec leur masque. Je leur demande de baisser le masque pour que je puisse comprendre. Refus catégorique! Chose que je peux comprendre (...) mais j’avais l’impression d’être une petite fille perdue en plein milieu de la mer”.


La solution trouvée par Kelly Morellon et sa maman? Fabriquer un masque transparent permettant aux personnes sourdes et malentendantes de lire sur les lèvres. Un petit pas en avant, qui aurait besoin d’être adopté par le plus grand nombre pour être une véritable avancée: ainsi que le rappelle Kelly dans un entretien au Parisien, “beaucoup de sourds ne signent pas, certains ne savent pas lire. Alors la lecture labiale est leur dernier recours”. En attendant, l’initiative fait des émules, l’entreprise bruxelloise de travail adapté Brochage Renaître ayant produit 10 000 masques à volet transparent. Et pour les personnes dont le visage ne correspond pas aux standards sur base desquels sont fabriqués les masques, quel recours? Surtout, éviter de croiser les élastiques à l’arrière de la tête, ce qui fait bâiller le masque sur les côtés et diminue grandement la protection.

Pour adapter son masque à sa morphologie en toute sécurité, on suit plutôt les conseils de l’entreprise de vêtements technique Bleu Sarrau, chargée de la distribution de masques dans le Borinage. Ou on choisit d’investir dans des modèles “pour femmes”, en espérant que ceux-ci aient été fabriqués sur base de standards à l’ossature fine...

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