““LE POINT G”” épisode 107: la chronique sexo de Gaëlle

L’autre jour, on était à la cantine avec mes collègues. Comme d’habitude, on se racontait les derniers potins en se fendant la poire. Louise a toujours l’art de nous fait rire aux éclats avec ses expressions. La dernière en date, c’était “en foufette”. L’employer dans une phrase ? “Non mais la meuf ne se sentait plus quoi. Elle était carrément en foufette devant ce mec”. Vous l’aurez compris, en foufette (copyright Louise) signifie être très excitée au point de ne plus tenir en place, de ne plus se tenir tout court. J’ai immédiatement adopté cette expression que je trouvais très imagée.

On voit tout de suite un petit chien qui bat de la queue avec des paillettes dans les yeux, non ?

Ça me parlait tellement que le soir-même, je l’employais dans une phrase devant Ben. “Mais qu’est-ce que c’est que cette expression ?”, me demande-t-il. Je lui raconte notre conversation du dîner et en profite pour donner d’autres exemples. Ben se fout de ma tronche sans demander son reste. “Oui, donc en gros, tu n’as aucune personnalité et tu répètes bêtement ce que disent tes collègues”. Aaaah ce tact majestueux. “Tu fais comme ces gens qui partent en vacances à Marseille et qui reviennent avec l’accent dans leur valise”. C’est vraiment un casse-c**** quand il veut. Mais il a eu le mérite de me refroidir pendant un moment.

Plus de foufette pour moi. Jusqu’à ce dîner entre potes quelques semaines plus tard. Tous attablés avec un petit verre de vin, on se raconte nos vies en rigolant. Quand soudain, j’entends Ben rire de bon cœur avec un des invités : “ahah, mais mec, t’étais en foufette ou quoi ?” Je pense que mon regard n’aurait pas pu être plus noir. “Tu te fous de moi Ben ? Elle est où ta personnalité ?” Dans ces cas-là, lui faire un reproche bien senti est encore plus gratifiant quand il y a du public. Bizarrement, il n’a pas relancé la conversation et a changé de sujet, tout en s’esclaffant d’un rire bien gras.

Pas décidée à plomber l’ambiance, je me mets aussi à rire. Et là, le drame. “C’est a-bu-sé comme vous avez le même rire”, s’étonne une amie.

À partir de ce moment précis, tout est devenu limpide. Le franc est tombé.

J’ai réalisé qu’à force de vivre ensemble, on commençait tous les deux à parler exactement de la même façon. On utilise les mêmes expressions, on a les mêmes mimiques. Et visiblement, le même rire aussi. En voyant la scène d’un autre œil, comme si je sortais de mon corps pour observer la pièce d’en-haut, je constate que tous les couples autour de la table ont des similitudes frappantes. Ils forment des paires et les associer est évident grâce à ce mimétisme dont on est tous victimes.

Nous sommes tous des clônes de notre partenaire, ou du moins, nous en avons de nombreuses facettes.

À partir de quand deux personnalités disparaissent et ne font plus qu’une ? Je n’entends plus que des “nous”. Plus de “je” ou de “moi”. Non. Ils parlent tous à la deuxième personne du pluriel, comme s’ils étaient indissociables. Et Ben et moi n’échappons pas à la règle. Je ne l’avais juste jamais remarqué jusqu’à présent. On dit que “qui se ressemble s’assemble”, mais je dirais plutôt que c’est le contraire. En s’assemblant, on finit d’office par se ressembler de plus en plus. Combien de fois n’ai-je pas répété des explications données par Ben comme si elles étaient miennes ? Combien de fois Ben n’a pas répondu à ma place à une question qui m’était posée ? Je pense qu’on s’est voilés la face jusqu’à présent. Parce qu’à l’étonnement de ma copine sur notre rire commun, on a répondu en même temps, parfaitement à l’unisson: “mais rien à voir hein”.

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