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Le ““syndrome du personnage principal””, ou comment notre génération se fait des films

Kathleen Wuyard

Qui n’a jamais imaginé être dans une scène de film lors d’un moment particulièrement photogénique ou simplement dès que les notes d’une chanson retentissent? Exacerbé par les réseaux sociaux, ce phénomène a donné lieu au “syndrome du personnage principal”, un scénario courant chez les Millenials et la Gen-Z.


Vous êtes en train de marcher dans la rue, et soudain, dans vos écouteurs, les premières notes d’une chanson vous transportent: loin de relier simplement un point A à un point B, vous défilez désormais dans le film de votre vie, votre trajet se transformant en scène dont la bande-son influence votre démarche. Ou bien vous êtes en train de profiter des dernières heures de soleil de la journée dans un endroit incroyable, de tomber amoureux.se ou d’accomplir un exploit sportif dont vous ne vous pensiez pas capable: autant de scénarios qui pourraient se dérouler à l’écran mais qui se jouent ici dans le film de votre vie dont vous êtes forcément l’héroïne ou le héros. Et si vous ne pouvez vous empêcher de les vivre de la sorte, c’est que comme la majorité de la génération ayant grandi avec les réseaux sociaux, vous êtes en plein syndrome du personnage principal.

La vie, une histoire dont vous êtes le personnage principal


Particulièrement répandu au sein de la génération Z, soit les personnes nées entre 1997 et 2010, le phénomène, également connu sous le nom de “protagonist syndrome” en v.o., consiste à se prendre pour le ou la protagoniste du film de sa vie, le plus souvent en effectuant des tâches a priori pourtant tout ce qu’il y a de plus banales.

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Pour prendre la mesure de l’ampleur du syndrome, il suffit de jeter un oeil aux innombrables vidéos estampillées #maincharacterenergy ou #maincharacter sur TikTok, ce dernier hashtag comptabilisant plus de 5 milliards (!) de vues sur l’app. La bande-son de soi pour ces héros du quotidien dont les films se jouent exclusivement dans leurs propres têtes? Lana Del Rey, et plus particulièrement sa chanson “Mariners Apartment Complex”, fond sonore de nombre de scénettes postées sur TikTok. Et si le phénomène peut prêter à sourire, ses bienfaits cognitifs sont eux tout sauf imaginaires.

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Prendre le temps de profiter des jolies choses


Dans une vidéo dont le son a déjà été partagé dans des milliers d’autres vidéos, @danielle_carolan met des mots sur les avantages de cette mise en scène de l’ordinaire.

Il faut que vous scénarisiez votre vie en vous traitant comme le personnage principal. Sinon, la vie continuera à vous passer à côté sans que vous prêtiez attention à toutes les petites choses qui la rendent si belle. Prenez le temps de regarder autour de vous et de réaliser la chance que vous avez”.


Par exemple, en accompagnant le moindre trajet banal d’une playlist qui le transforme en scène digne d’un film et vous invite à regarder autour de vous avec les yeux d’un·e réalisateur·rice de film en quête de joliesse. Un état d’esprit particulièrement salutaire en cas de coup dur.

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Ainsi que l’explique la journaliste et chercheuse en communication américaine Sarah Gudenau (Oakland University), “quand vous vous voyez comme le personnage principal, vous envisagez tout ce qui vous arrive comme le chapitre d’une histoire. Bien sûr, vous devez faire face à des obstacles, mais avoir le coeur brisé n’est que la trame du chapitre 8 du grand livre de votre vie, vous aurez dépassé ce chagrin dans le chapitre 9”.

Penser votre vie comme une histoire dont vous êtes le personnage principal peut sembler trivial, mais en réalité c’est réconfortant de réaliser que les problèmes sont bien plus anecdotiques dans le grand schéma des choses que ce que vous ressentez dans l’immédiat” – Sarah Gudenau.


Et l’Américaine d’ajouter que le phénomène a le bénéfice ajouté de permettre de “revenir sur les chapitres précédents pour réaliser le chemin parcouru”. D’autant plus que “romantiser votre vie permet d’en apprécier pleinement les détails”. À condition toutefois de limiter vos scénarios à votre propre vie et pas celle des autres, sous peine de ressentir envie et jalousie d’autant plus mal placées qu’eux·elles seul.e.s savent le film qui se déroule dans leur tête.

Trouver un sens à la vie


Comme le souligne pour sa part la psychiatre canadienne Patricia Celan (Dalhousie University), “créer une narration pour expliquer nos vies est sain et salutaire, particulièrement pour les personnes qui ont subi un traumatisme et qui bénéficient d’une contextualisation de leur souffrance comme appartenant à une histoire plus large. L’objectif est de trouver un sens et une logique aux expériences de vie”. Et de réécrire le scénario en cours de route si le besoin se fait ressentir. Après tout, ainsi que Lana le chante dans la bande-son favorite des “personnages principaux” de TikTok, “l’obscurité, la profondeur, toutes ces choses font de moi qui je suis et qui je suis c’est quelqu’un qui croit fondamentalement que les gens peuvent changer”. Au cinéma comme dans la vie, tout n’est qu’une question de perspective.

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