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Devenues veuves à 30 ans, elles racontent la vie après l’amour

Kathleen Wuyard


Quand on rencontre sa moitié et qu’on se jure de rester ensemble “jusqu’à ce que la mort nous sépare”, on s’imagine souvent que cela ne se produira pas avant très (très) longtemps. Mais parfois, le destin frappe quand on s’y attend le moins, et on se retrouve veuve avant même son 35e anniversaire. Confrontées très jeunes à la perte de l’être aimé, ces femmes expliquent comment elles ont trouvé la force de continuer.


Rien n’aurait dû distinguer ce 31 décembre 2016 des autres réveillons pour Anjali Pinto et son mari, Jacob, mariés depuis peu, alors qu’ils avaient respectivement 26 et 29 ans. “Aucune soirée, aucune réservation dans un resto... On aimait bien passer nos journées de congé ensemble, à prendre le temps de cuisiner et de remettre notre appartement en ordre” raconte-t-elle dans un témoignage poignant livré à Medium et titré “une journée qui aurait dû être comme toutes les autres”. Sauf qu’en fin de journée, après avoir fixé de nouvelles étagères, fait l’amour à sa femme et partagé une sieste emplie de tendresse avec elle, Jacob est mort d’une dissection aortique. Réveillée dans un appartement vide et silencieux, Anjali raconte l’horreur du moment où sa vie a basculé.

Je ne sais pas si je me suis endormie pendant dix minutes ou une heure... J’étais surprise qu’il ne soit pas dans le lit à côté de moi alors je l’ai appelé et j’ai attendu d’entendre le son de sa voix ou de ses pas se dirigeant vers la chambre, mais il n’y avait que du silence autour de moi. En sortant de la chambre, j’ai aperçu de la lumière dans la salle de bains et j’ai vu qu’il était appuyé contre le mur, comme s’il s’était évanoui”.

“Désespérée de le réveiller”, Anjali confie avoir “directement compris qu’il était parti, même si son corps était encore chaud. J’ai réalisé qu’il était mort et que le langage de nos corps qui parlaient à l’unisson avait disparu”.


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Pas de fin heureuse, mais un nouveau départ

Nora McInerny, elle, a perdu son mari, son père et son bébé quand elle avait 30 ans, en l’espace d’une année catastrophique, qu’elle raconte dans un mémoire tendre et tragique intitulé “No Happy Endings”. Et si le titre peut paraître sombre, il ne s’agit toutefois là que d’une manière pour Nora de rappeler à ceux et celles qui la lisent que “s’il n’y a pas de fin heureuse, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de nouveau départ”. Dont acte: trois ans après le décès de son premier mari, Aaron Purmort, d’un cancer du cerveau, Nora s’est remariée et forme aujourd’hui une joyeuse famille recomposée. Dans un TED Talk vu à plus de 4 412 000 reprises, elle souligne une distinction essentielle:


Après un deuil, nous ne passons pas à autre chose, nous allons de l’avant”.


https://www.instagram.com/p/B_v46M3nSZ5/

Plus facile à dire qu’à faire, pour certaines, surtout quand le deuil est encore neuf et que les plaies sont à vif: devenue veuve du jour au lendemain, Beth confie ainsi que “quand mon mari est mort, pas mal de mes rêves sont morts avec lui. On avait tous ces plans, toutes ces choses qu’on rêvait d’accomplir ensemble... On n’a juste pas eu assez de temps pour le faire et c’est horrible. C’est injuste. Je suis triste à chaque fois que je pense à toutes ces aventures qu’on ne vivra jamais ensemble”.

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Sur le site Young, Widowed and Dating, Kerry Phillips, veuve à 32 ans, partage quant à elle 6 choses étranges qui l’ont aidée à faire face à la perte de l’être aimé. À commencer par sa douche, “un refuge où je pouvais laisser mes larmes couler librement sans que personne ne me voie”, mais aussi sa paire de chaussures de course, “le jogging me permettant de contrôler au moins quelque chose dans un monde où tout s’écroulait autour de moi”. Anjali, elle, avoue souffrir de savoir à quel point son mari aurait détesté la laisser ainsi, “pas prête et terrorisée”.


Malgré ma douleur, je choisis de chercher la beauté et l’optimisme partout pour arriver à survivre. Pas parce que je suis particulièrement courageuse, mais parce que j’ai la chance qu’il ait eu une belle mort, juste après une journée remplie de tendresse, sans longue agonie ni secrets douloureux laissés derrière lui”. -Anjali Pinto

Dans un projet photographique empli d’émotion intitulé “Welcome to Widowhood” (bienvenue dans le veuvage), Rachael Cerrotti a choisi de mettre en lumière “ce club dont personne ne veut faire partie”, soit les femmes devenues veuves avant 40 ans. “J’ai voulu immortaliser ces femmes d’une trentaine d’années à qui on a volé leur personne, la mienne incluse”, explique Rachael, pour qui c’était également l’occasion de rappeler que “le deuil n’est pas linéaire, et n’est pareil pour personne”.


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Nicole, veuve à 36 ans, raconte que “ce qui est fou avec une tumeur au cerveau, c’est que vous perdez la personne petit morceau par petit morceau”, tandis que Carrie, veuve à 29 ans, déteste quand on lui dit qu’elle est forte. “Je sais qu’ils veulent être gentils quand ils le disent, mais pour moi, “être forte”, ce n’est pas faire comme si tout allait bien, c’est oser parler de mon histoire et de ma souffrance”.


Trouver la force dans la souffrance

Le point commun entre toutes ces femmes? Une mort survenu beaucoup trop tôt, mais aussi leur volonté de témoigner, par le biais d’un livre, d’une conférence ou d’un portrait, levant ainsi le voile sur un aspect du deuil dont on ne parle que trop peu et qui pourtant est malheureusement bien réel. Oui, on peut être toujours aux études, tout juste mariée ou encore enceinte de quelques mois seulement et perdre la personne qu’on aime le plus au monde. Raison pour laquelle Moe et Nora ont décidé de fonder le Hot Young Widows Club, afin d’offrir un refuge à ceux et celles qui, comme elles, rejoignent “le club auquel on ne voulait jamais appartenir mais sans lequel on ne pourrait plus vivre”, parce que “un.e étranger.e qui comprend ce que vous traversez peut mieux vous aider que des centaines d’amis et de proches qui ne comprennent pas”. Et d’offrir une communauté où veufs et veuves peuvent s’entretenir en ligne et partager leurs expériences et les manières, parfois insolites, dont ils tentent d’apprivoiser la douleur. Une douleur qui peut sembler parfois insurmontable, mais de laquelle peut naître une force insoupçonnée, ainsi que le confie une des femmes photographiées par Rachael Cerrotti. “Faire face à tant de souffrance et trouver la force de faire confiance à nouveau à l’univers m’a donné un sentiment de puissance incroyable, raconte Adrienne, veuve à 21 ans. Souffrir à ce point donne beaucoup de force, parce que quand vous avez traversé le pire, vous avez le sentiment que vous pouvez tout accomplir”.

Une force qu’il n’est malheureusement pas aussi rare qu’on le croit de devoir trouver: selon les dernières données de Statbel relatives au veuvage précoce (avant 55 ans), en 2017, 40.221 personnes ont perdu leur conjoint, le veuvage précoce se rencontrant “un petit peu plus fréquemment dans la Région de Bruxelles-Capitale (10,4%) que dans les deux autres régions (7,7% des cas en Wallonie et 6,4% en Flandre)”. Dans son livre dédié au sujet, “Quand la mort sépare un jeune couple”, Corine Goldberger s’est intéressée à ce phénomène pour “permettre aux jeunes veu.fs.ves de mieux comprendre leurs propres réactions, parfois déroutantes, afin de surmonter l’une des expériences les plus cruelles de la vie et de s’autoriser, un jour, à continuer leur vie et à aimer de nouveau”. Et s’autoriser enfin ces nouveaux départs dont parlait Nora McInerny. Et l’auteure d’insister sur l’importance de se rappeler que certaines choses ne peuvent pas être réparées et que toutes les blessures ne sont pas censées guérir.

Vous faites face à un deuil? Trouvez le contact de diverses associations de suivi ici. L’ASBL Vivre Son Deuil propose également une communauté semblable à celle du “Hot Young Widows Club”, mais en français et en Belgique. 

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