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Lettre ouverte à mon papa, celui grâce à qui je suis moi

Kathleen Wuyard

Ce 14 juin, c’est la Fête des Pères, l’occasion de leur écrire une lettre: les rapports père-fille ne sont pas toujours les plus simples, et pourtant, ils ont un impact fondamental sur les femmes qu’on devient. De là à dire que les papas sont des héros du quotidien, il n’y a qu’un pas, et on le franchit avec enthousiasme.

Cher papa,


Je sais, je sais, je t’appelle “papou” normalement, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Et puis en plus, j’ai à peine écrit “papou” que les larmes me montaient aux yeux: pas parce qu’on ne s’entend pas bien, au contraire, mais parce qu’entre toi et moi, comme beaucoup d’autres pères et filles je crois, il y a énormément de pudeur des sentiments. Là où je dois probablement dire à maman que je l’aime à la fin de chaque conversation téléphonique, avec toi, c’est moins démonstratif: je sais que tu m’aimes, j’espère que toi, tu le sais aussi, mais on est moins versés dans les grandes déclarations toi et moi.

Pudeur, différence de génération, ou simplement, entre garçons et filles? En tout cas, si tu rechignes parfois à mettre des mots sur tout ton amour, tu n’hésites jamais à le montrer.


Avec des grands gestes, oui, et je chéris chaque carte, chaque cadeau, chaque bouquet, les petits têtes-à-têtes qu’on se fait parfois... Mais avec une multitude de petits gestes aussi, ceux que tu crois probablement qu’on ne remarque pas, mais qui nous font nous sentir tellement protégés et aimés.

Ça n’a pas toujours dû être facile pour toi, ce rôle,


le protecteur, l’arbitre parfois, le “chef de famille”, même si le concept est éculé. Tu te reproches de ne pas toujours avoir été là quand on était petits, mais on sait que c’est grâce à tous ces sacrifices qu’on a eu une enfance privilégiée, et la chance de pouvoir faire les études qu’on voulait après. C’est vrai, tu n’étais pas toujours là physiquement, mais toujours présent, une présence rassurante, et la certitude que tout irait bien au fond. D’ailleurs, demande à maman: tu n’as pas toujours raté grand chose, surtout à l’adolescence où on (bon, d’accord, surtout moi) était insupportables. Pas facile, non plus, ta position: me voir aller droit dans le mur, mais me laisser parfois me planter, parce que sinon je n’apprendrai pas. Avoir l’avantage de l’expérience et de l’âge, mais être face à quelqu’un qui est persuadé de mieux savoir que toi. Savoir reconnaître quand parfois, aussi, tu as tort – si, si, je t’assure, ça t’arrive.

Il m’a fallu longtemps pour comprendre à quel point nos destins étaient liés.


La relation mère-fille est très fusionnelle, j’ai tendance à raconter tout ce qui me passe par la tête à maman, et toi, parfois, tu es pris par surprise. On en rit parfois, mais la vérité, c’est que ça doit être doublement difficile pour toi, d’abord, parce qu’on oublie de te raconter les potins, et puis aussi parce que tout ce qui me touche moi te touche forcément aussi. Voir ta fille tomber amoureuse pour la première fois, la voir se faire briser le coeur aussi, la voir conduire une voiture, alors qu’il y a deux secondes encore, tu lui apprenais à faire du vélo sans les petites roues.

Je grandis, certes, mais j’ai toujours autant besoin de toi.


Je me rappelle, quand j’étais petite, alors que tu venais me chanter ma berceuse du soir, tu m’avais dit d’un air pensif qu’un jour, je ne voudrais plus que tu me la chantes, et je n’avais jamais rien entendu de si invraisemblable que ça. Finalement, ça s’est fait organiquement, et tu as arrêté de venir me border. J’ai grandi, j’ai compris ce que tu voulais dire. Mais tu sais, papa, tu t’es trompé, et les soirs où ça va vraiment très mal, je donnerais tout pour que tu viennes me ramener le drap bien sous le menton et me chanter ma chanson. D’ailleurs, la prochaine fois, peut-être que je te téléphonerai pour te le demander.

Mais en attendant, là, c’est pas tout ça, je ne sais pas ce qui m’arrive, c’est fou comme j’ai les yeux qui piquent. Peut-être que c’est pour ça, que tu es si pudique, pour te protéger un peu le coeur? Surtout qu’aujourd’hui, il ne faut pas pleurer, c’est jour de fête: alors bonne fête papa, à toi, à tous les autres. On grandit, vous n’êtes peut-être plus le seul homme de notre vie, mais toujours le premier, ça oui.

L’auteur de l’article et son papa – partagez-nous les vôtres en commentaires

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