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TÉMOIGNAGE: ““J’adore les animaux mais j’ai retourné le mien au refuge””

La rédaction

Après des mois de recherches et de préparation, nous étions prêts. Du moins, c’est ce que nous pensions. Parfois l’adoption d’un nouvel animal n’a rien d’un conte de fée et se transforme... en cauchemar.

Je m’appelle Lizzie et je amoureuse des animaux depuis toute petite. Quand j’ai commencé ma vie en solo dans mon propre appartement, le chien de la maison familiale me manquait terriblement et je me suis dit... pourquoi ne pas prendre un chat pour me tenir compagnie? Laissez-moi vous raconter comment le petit chat que je venais d’adopter a vécu 6 jours terré derrière mon évier, dans un espace de moins de quinze centimètres. Elle était terrifiée du moindre son, terrifiée du moindre mouvement... et terrifiée de moi.

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Le commencement

Cela allait bientôt faire des mois que je lisais des livres rédigés par des comportementalistes, que je prenais des notes après le visionnage de vidéos YouTube expliquant comment prendre soin d’un chat, que je rassemblais tout le matériel nécessaire pour que mon futur compagnon poilu ne manque de rien, que je me renseignais sur les marques de croquettes et que je regardais annonce après annonce à la recherche d’un chat à couvrir d’amour et d’affection. Ce chat, je le voulais depuis presque 8 mois et j’étais déterminée à ce que tout se déroule bien.

Quand je me suis finalement décidée, j’ai rapidement trouvé “Fleur” sur la page d’un petit refuge liégeois. “Sociable et câline” pouvait-on lire sur la petite annonce, exactement ce que je recherchais car comme il s’agissait de mon tout premier chat, je voulais être sûre de ne pas rencontrer de soucis comportementaux que je ne serais pas capable de gérer à cause de mon manque d’expérience. Avec sa description, son pelage noir et blanc et ses grands yeux verts, Fleur m’a immédiatement donnée envie de la rencontrer. Ce que j’ai fait, ni une, ni deux.

Arrivée sur place, on m’a tenu un discours un peu différent que ce que j’avais lu sur le site. “C’est une chatte incroyable, très câline mais... extrêmement peureuse”. Ah. Sur le coup, une sonnette d’alarme a retenti en moi mais j’ai décidé de la voir par moi-même. C’est dans une petite pièce fermée à double tour que j’ai découvert “Fleur” et sa soeur jumelle, “Fraise” pour la première fois. “Elles ont grandi ensemble depuis qu’elles sont bébés” m’a aussitôt informé le refuge. Deuxième sonnette d’alarme car en général, des chats qui ont grandi aussi liés ne sont pas séparables. Voilà pourquoi j’ai aussitôt demandé: “Vous êtes sûre que ça ira de les séparer ?”. La dame du refuge a balayé mon argument d’un revers de main. “Bien sûr. Depuis toujours les humains se séparent de leur famille pour fonder la leur. C’est pareil ici”. Si ça m’a semblé un peu étrange, j’ai accepté son explication.

“Pensez-vous qu’elle convient comme premier chat?” l’ai-je ensuite interrogée, toujours chiffonnée par l’idée qu’elle soit aussi peureuse. Contrairement à d’autres associations et refuges qui écrivent en général explicitement cette information dans la description des animaux proposés à l’adoption, la dame a paru choquée par ma demande. “C’est à vous de le savoir ça” m’a-t-elle rétorqué comme si je venais de proférer la pire des insultes en remettant en question son chat.

Malgré le sentiment de malaise que j’ai ressenti, j’ai reporté mon attention sur Fleur, m’attendant à ce qu’elle me fuit comme la peste d’après la description que m’avait faite le refuge. A ma grande surprise, la petite est venue me voir et j’ai pu jouer avec elle pendant une demi-heure. Cependant, pour être bien sûre, je me suis laissée une semaine pour réfléchir et j’ai demandé à la voir une seconde fois. Après celle-là, j’ai décidé de l’adopter. Fleur était certes peureuse mais elle me laissait l’approcher et la caresser ainsi que jouer avec. J’étais sûre que tout se passerait bien.

“Vous n’avez pas intérêt à me la ramener dans deux semaines, hein!” m’a mise en garde la dame du refuge quand je lui ai annoncé la nouvelle. “Bien sûr que non!” lui ai-je répondu, absolument certaine que moi et ce chat allions commencer une nouvelle aventure. “Ne vous en faites pas, en deux semaines, elle sera comme chez elle chez vous, j’en suis sûre” m’a ensuite affirmé le refuge alors que je signais le contrat d’adoption. Définitivement rassurée, j’ai emmené Fleur chez moi le jour-même.

Et le cauchemar a commencé.

Disparition

Si le jour où je l’ai ramenée à la maison, Fleur s’est dissimulée sous mon meuble TV, je n’y ai pas prêté une grande importance. Mes amis m’avaient assuré qu’il s’agissait d’un comportement parfaitement normal. J’ai donc continué comme si de rien n’était en lui adressant quelques paroles rassurantes de temps à autre pour qu’elle s’habitue au son de ma voix. J’ai placé ses gamelles à proximité, vérifié que ses arbres à chats, ses nombreux griffoirs, sa litière et ses jouets étaient bien installés avant d’aller me coucher.

Le lendemain matin, Fleur était introuvable.

J’ai eu beau chercher partout, je ne la trouvais pas. A un tel point que j’en suis venue à me demander si elle était encore dans l’appartement. Très inquiète, j’ai tendu l’oreille toute la journée, sursautant au moindre bruit, à la recherche du moindre indice qui pouvait m’informer de sa localisation. En vain. Je suis allée me coucher et c’est seulement quand les lumières se sont éteintes que j’ai entendu du bruit.

Si j’ai été rassurée de savoir que Fleur était bel et bien encore dans mon appartement, je ne comprenais pas où elle s’était cachée toute la journée. Et la même chose s’est produite jour après jour: invisible le jour, je l’entendais uniquement bouger la nuit et si jamais j’avais le malheur de bouger un peu ou d’allumer une lampe à ce moment-là, elle disparaissait aussitôt.

Et puis j’ai enfin compris en faisant la vaisselle un soir. J’ai entendu un grattement, très léger. J’ai réalisé – non sans effroi – qu’elle n’était pas juste dans ma cuisine, elle était rentrée dedans. Par une minuscule ouverture, elle s’était faufilée derrière mon four. Je ne savais même pas qu’un chat était capable de se dissimuler dans des endroits pareils. Sous le canapé, derrière la manne à linge, sous une table, oui. Mais pas dans un conduit aussi petit et sombre. Je ne savais même pas la voir de là où je me trouvais mais désormais, je savais où elle se cachait. J’ai essayé de lui parler doucement, de la faire sortir, en vain. Plus le temps passait, plus je me sentais accablée par mon impuissance. Et ce lien qui était supposé se développer avec ma nouvelle boule de poils et bien... il ne venait pas. Pas du tout même. J’avais l’impression de vivre avec un animal totalement étranger et c’était le cas.

Et cela a continué pendant presque une semaine, jusqu’à-ce qu’un appel du refuge change la donne.

“Il faut la retrouver”

“Tout se passe bien, vous jouez avec elle?”. Telle est la première question que les dames du refuge m’ont posée au téléphone. Elles venaient prendre des nouvelles et dans leur tête, tout se passait à merveille (fatalement, Fleur était leur chat parfait après tout). Dans ma tête, un immense silence paniqué s’est installé. Jouer avec elle? J’ai répondu que non, pas du tout en fait, que je ne la voyais jamais, qu’on ne faisait que se partager l’appartement (moi de jour, elle de nuit). Le refuge a alors été formel: “Ce n’est pas du tout normal. Si vous ne la sortez pas de là où elle est, elle risque de redevenir sauvage.” Leur phrase m’a noué les entrailles. Mes pires craintes venaient d’être confirmées: à cause de moi, ce pauvre chat allait perdre toute confiance en l’être humain. Le refuge a accepté de venir à l’appartement pour l’extirper de sa cachette.

Le jour J, j’assure à la dame du refuge que le chat se situe dans la cuisine (littéralement). On déplace les plaintes, on retire la machine à laver... Rien. Je commence à paniquer car si je suis certaine qu’elle ne peut être que là, la dame commence à douter de mes paroles. “Il faut la retrouver.” me répète-t-elle en boucle à mesure que ma panique s’intensifie. Je lis de l’accusation dans son regard. Je suis la ratée d’humaine qui a réussi l’exploit de perdre son chat parfait. Elle s’en va, m’ordonne de la tenir informée et je me retrouve seule, avec un chat invisible et un kg de sanglots noué dans le fond de ma gorge.

Trouvée.

Refusant d’abandonner, je me suis creusée la tête. Et après des heures supplémentaires, j’ai enfin aperçu une petite touffe de poils noirs, au fond d’une armoire, sous l’évier. J’ai alors compris où Fleur s’était cachée. En démontant une partie du fond, je l’ai enfin aperçue. Positionnée sur les pattes arrière, en équilibre sur un tuyau, son petit corps à plat contre le mur, immobile et incapable d’effectuer un autre mouvement. Elle restait ainsi du matin au soir, sans bouger, sans piper le moindre son. J’ai appelé le refuge pour qu’ils viennent la sortir de là.

La dame est revenue et a réussi à faire sortir Fleur, rien que par le son de sa voix. Ce chat qui n’avait pas émis le moindre son en presque une semaine s’est mis à miauler comme une folle dès qu’elle a compris que sa “maman” était venue la chercher. La dame l’a sortie, sous mes yeux ébahis. J’ai (re)découvert cette petite chatte que j’avais vue autrefois pleine de vie et débordant d’envie de jouer, couverte de poussière, les pupilles dilatées et pétrifiée dans les bras de sa mère d’accueil. A cet instant, je me suis dit: “C’est elle sa maman. Pas moi. Ce ne sera jamais mon chat”. Enfin, j’ai mis le mot sur le sentiment que j’éprouvais depuis que Fleur était avec moi. Je n’avais pas l’impression que c’était mon animal. Je n’arrivais plus à insuffler de l’affection quand je prononçais son prénom. Je ne ressentais que de la fatigue et de l’épuisement à force de ne pas dormir correctement car je restais éveillée jusqu’à ce que je l’entende bouger.

Quand la dame me l’a laissée, que la porte d’entrée s’est fermée et que je me suis retrouvée seule avec elle, j’ai éclaté en sanglots.

Après avoir séché mes larmes, j’ai essayé d’approcher Fleur comme le refuge me l’avait conseillé. Je me suis rapprochée en douceur avec une friandise dans la main mais elle s’est mise à gronder furieusement. J’avais lu assez de livres pour savoir que ce n’était pas un signe à ignorer. J’ai immédiatement fait demi-tour et l’ai laissée tranquille. Le lendemain, je l’ai retrouvée, terrée derrière un nouveau meuble cette-fois, le plus loin possible de moi, dans un espace tout aussi petit et dès que nos regards se sont croisés, j’ai senti sa peur. Et la mienne. J’ai compris que ce serait exactement la même chose, qu’elle ne sortirait qu’à la nuit tombée et c’est précisément ce qu’il s’est passé.

“Vous devez la garder”

Le lendemain matin, j’ai appelé le refuge, dévastée. Leur réponse a été formelle : “Vous devez la garder.” Jamais une phrase ne m’a parue aussi terrifiante. Peu importe que Fleur se terre du matin au soir, peu importe qu’elle ne vive que la nuit et peu importe qu’elle soit terrifiée. Je devais prendre sur moi et prier pour que son comportement s’arrange au fil des semaines, voire des mois. Certaines personnes l’auraient fait. Moi, plus le temps passait, plus j’étais persuadée qu’elle était malheureuse, qu’elle vivait un cauchemar dans ce grand appartement inconnu, sans sa soeur et ses repères. J’en étais venue à me convaincre qu’elle me détestait. Fatalement, j’étais l’intruse qui l’avait séparée des siens et qu’elle ne connaissait pas. J’ai été frappée de plein fouet par le “puppy blues“, un état de dépression lié à l’adoption d’un animal. Je pleurais constamment et je ne comprenais pas ce que j’avais fait de si mal pour que ce chat soit si terrifié. Sauf que plus j’étais stressée, plus le chat stressait évidemment (ce sont de vraies éponges émotionnelles). J’ai décidé de rappeler le refuge et de leur demander de venir la chercher. Je n’en pouvais plus. Je tremblais constamment d’anxiété. Ils sont finalement venus la chercher le lendemain.

En ouvrant la porte, ils avaient la mine sombre. Je les ai remerciés d’être venus. “Ce n’est pas comme si on avait le choix” m’ont-ils rétorqué. Comme si je ne me sentais pas déjà assez mal. Quand la porte s’est enfin fermée et que je me suis retrouvée toute seule, j’ai pleuré. De tristesse, de colère, de honte, de culpabilité mais aussi... de soulagement. Parce que je pouvais arrêter de vivre en sachant qu’une pauvre petite bête terrifiée pour laquelle je ne ressentais que de l’angoisse vivait chez moi.

Et maintenant?

Aujourd’hui, j’ai enfin trouvé le courage d’adopter à nouveau. Il m’a fallu énormément de temps pour surmonter ma peur et mes angoisses. Tout ceux à qui j’ai raconté cette histoire m’ont expliqué que je n’avais pas eu de chance, que ce chat n’aurait jamais dû être séparé de sa soeur et encore moins quitter le refuge après 2 longues années après avoir créer un lien aussi fort avec ses soignantes. Malgré leurs dires, dès qu’on me suggérait l’idée de redonner une chance à un autre chat, j’étais remplie d’angoisse. Jusqu’à-ce que je me décide à aller jeter un oeil à des chats à la SPA de ma ville, “juste pour voir” et que je rencontre Yuki.

Quand ses grands yeux verts et ses petites pattes se sont posés sur moi avec toute la douceur du monde, ma peur s’est brusquement tue. Je l’ai recueillie sans avoir besoin de la voir une seconde fois. Elle est adorable et me redonne petit à petit confiance en moi. Je suis encore stressée quand elle se cache quelque part et que je ne la trouve pas directement. Heureusement, il suffit que je l’appelle pour voir sa petite tête apparaître, ses grands yeux curieux et son petit roucoulement qui m’informent que non, ce n’est pas le même chat. C’est un chaton qui passe son temps à ronronner comme un tracteur dès que je l’approche et que je la caresse. Elle me suit partout, comme mon ombre et ce depuis les premiers jours, et vient sur mes jambes dès qu’elle le peut. Elle est autant mon chat que je suis son humaine.

Le pourquoi

J’ai partagé ce récit avec vous car il y a énormément de honte et de ressentiment envers les personnes qui “abandonnent” leurs animaux, aussi bien du côté du public que des refuges. Les amoureux des animaux ne comprendront peut-être pas mon choix et à vrai dire, j’étais comme eux autrefois. Mais je considère aujourd’hui, avec le recul, que j’ai pris la meilleure décision pour Fleur – et pour moi.

J’espère aussi que mon témoignage redonnera l’espoir aux personnes qui ont vécu des expériences similaires: ne fermez pas votre coeur à un autre animal. Parfois, malgré les meilleures intentions et toutes les précautions nécessaires, on ne tombe pas sur le “bon” et il n’y a rien de mal à cela. Il n’y a aucune honte à ramener un animal qui ne s’adapte pas chez vous et avec qui le feeling ne passe tout simplement pas. Il mérite de trouver une famille et une place dans laquelle il se sente bien – tout comme vous méritez de prendre soin d’une boule de poils qui vous apporte de la joie – et pas de l’anxiété continuelle. Peut-être que beaucoup de temps aurait changé les choses avec Fleur – mais je sais que je n’en étais pas capable. J’étais bien trop anxieuse et submergée par mes émotions, par ma peur, pour y arriver. Et c’est okay, en fait. Parce que quand le bon animal apparaît, toutes ces questions et bien... elles ne se posent pas. C’est aussi simple que ça.

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