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Rencontre avec Ambre Chalumeau: ““Se comparer sans cesse, c’est un cauchemar qui n’a pas de sens””

Avec Les Vivants, la chroniqueuse de Quotidien signe un brillant premier roman sur le passage à l’âge adulte, sur ces grands drames qui vous font grandir plus vite.

Vous racontez l’histoire de 3 ados dont la vie bascule quand l’un d’entre eux, Simon, tombe dans le coma après avoir contracté un virus rare. C’est inspiré d’un fait réel?

« Oui. À la fin d’un été, mon meilleur ami d’enfance a attrapé un truc improbable et s’est retrouvé plongé dans le coma. Dans le même temps, je devais commencer une prépa littéraire et, moi qui avais toujours été très bonne élève, j’étais complètement perdue. C’est comme si toutes ces fondations solides autour de moi s’effondraient. J’ai eu l’impression de cligner des yeux et de ne plus rien reconnaître autour de moi. Le roman débute sur cette onde de choc que j’ai vécue mais, ensuite, c’est de la fiction. »

La parano en moi a eu peur de n’être publiée que parce que je passais à la télé 

Avoir déjà la notoriété dont vous bénéficiez grâce à Quotidien avant de publier ce roman: est-ce un avantage ou un inconvénient?

« Je serais très ingrate, et pas très lucide, si je niais le fait que ce soit un avantage. J’ai rencontré mon éditrice à la faveur de mon travail. Donc, très concrètement, si je n’étais pas sur Quotidien, il n’y aurait pas eu de livre. Mais, je lui ai demandé de me promettre que, si c’était un anonyme qui lui avait donné ce texte, elle l’aurait publié quand même. La parano en moi a eu peur de n’être publiée que parce que je passais à la télé, donc je trouve ça légitime que le public puisse avoir ce genre de soupçon aussi. Quand je vois que le roman plaît aux gens, ça me rassure. Je me dis que je n’ai pas volé la place de quelqu’un. »

(c) Dorian Prost

Vous n’êtes pas mère, mais vous décrivez avec brio les craintes d’une maman qui vrille car elle est sur le point de perdre son enfant. De qui vous êtes-vous inspirée?

« Ça me touche ce que vous dites car c’est assez effrayant de se projeter dans un rôle qu’on n’endosse pas au quotidien. Surtout ce rôle de mère, qui est tellement vertigineux. J’avais peur d’être à côté de la plaque. Pour écrire le personnage de Céline, je me suis inspirée des mères qui m’entourent. J’aime me comparer à une petite souris qui observe: les gestes, les réflexions et qui les ramène chez elle comme s’il s’agissait des pièces d’un puzzle que son imagination devra continuer de construire. »

Qu’est-ce qui vous effraie le plus dans la maternité?

« Je suis en thérapie depuis 1 an et je remarque à quel point des petites choses anodines, tellement pas mal intentionnées, qu’ont pu faire mes parents m’ont rendue plus vulnérable. Alors, avant d’avoir des enfants, je veux être certaine de pouvoir me gérer moi-même. C’est effrayant d’être responsable de quelqu’un. Et puis, il y a une partie de moi qui a vraiment du mal à lâcher l’enfance. J’ai 27 ans, mais quand il m’arrive un truc, je me dis régulièrement qu’il faut que j’aille demander conseil à un ‘grand.’ Je crois que j’ai encore envie d’être à la place de celle qui reçoit la tendresse, plutôt qu’à la place de celle qui en donne. L’autre jour, avec mon copain, on est passés devant une maman qui promenait son bébé et on avait plus envie d’être à la place du bébé que de la mère. »

Pour Diane, le personnage principal, se détester est un job à plein temps. Ce manque de confiance en soi, il vient de vous?

« Je suis très complexée, oui. Je n’ai pas un regard tendre envers moi-même, alors que j’arrive facilement à avoir de l’empathie pour les autres, à justifier leurs défauts, leurs peurs. Moi, je bénéficie de privilèges économiques, sociaux, donc il me semble logique d’être sévère avec moi-même. J’ai du mal à être fière de moi. Peut-être que je pousse le curseur un peu trop loin. »

Vous vous comparez beaucoup aux autres?

« Ado, oui. Je me comparais aux filles minces en me disant qu’elles avaient trop de chance, alors que peut-être elles souffraient d’anorexie. J’ai été jalouse des filles jolies, populaires auprès des garçons, sans me dire que leur beauté leur avait peut-être attiré des emmerdes et qu’elles se seraient bien passées du regard des garçons sur elles. Avec l’âge adulte, j’ai compris que les valeurs de chacun n’étaient pas comparables. On est tous différents et on nous aime tous pour des raisons différentes. Se comparer sans cesse, c’est un peu un cauchemar qui n’a pas de sens. »

Les Vivants, d’Ambre Chalumeau, éd. Stock.

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