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TÉMOIGNAGE: le Coronavirus les a amenées au bord de la faillite

La rédaction

Pour beaucoup, le Coronavirus s’accompagne d’un coup dur financier. Marie et Yamina ne sont pas épargnées et tentent de garder la tête hors de l’eau et de s’en sortir malgré la crise sanitaire.

Il y a quatre ans, Marie, 26 ans, a ouvert son premier salon de coiffure. Les affaires tournaient bien jusqu’à ce que le Coronavirus se pointe.


« Pour moi, devenir coiffeuse n’était pas un rêve d’enfant. Je m’étais ­toujours imaginée prof, devant une classe, jusqu’à ce que je commence à suivre des cours de coiffure en ­troisième secondaire et que je tombe amoureuse de ce métier (rires). Une fois mon diplôme en poche, j’ai ­commencé à travailler comme coiffeuse. Mon premier employeur a été une bonne école, mais me lancer à mon compte me démangeait. Cette opportunité s’est présentée bien plus tôt que prévu. Lorsqu’une coiffeuse locale – chez laquelle j’avais été en stage – a pris sa pension, elle m’a demandé si je voulais reprendre l’affaire. J’étais très jeune, mais quand une telle occasion se présente, il faut se jeter à l’eau… même si réaliser ce rêve n’était pas simple. J’avais peu d’économie, et mes parents et ma famille n’avaient pas les moyens de me soutenir, j’ai dû faire appel à une banque.

J’ai contracté un emprunt important et le 1er juillet 2016, un mois avant mon 22e anniversaire, j’ai ouvert mon propre salon de coiffure. Se lancer comme indépendante allait de pair avec des essais et erreurs.


Chaque coiffeur est différent et a sa manière de travailler. Comme j’ai ­repris un salon qui tournait déjà, beaucoup de client·e·s sont parti·e·s. Certain·e·s n’ont même pas voulu me donner une chance et ont recherché un·e coiffeur·se plus expérimenté·e. Pas top, mais au bout d’un certain temps, j’ai eu une clientèle et des ­revenus stables. En 2019, le prêt ­commercial était remboursé et j’ai pu me projeter dans l’avenir. Il semblait prometteur jusqu’à ce que la crise du Coronavirus éclate en mars 2020.

La dégringolade


Lors du premier confinement, j’ai ­fermé le salon deux jours avant le lockdown. Beaucoup de client·e·s ­appelaient déjà pour annuler leur ­rendez-vous, mais comme beaucoup de septuagénaires et plus ­continuaient à venir, j’estimais n’avoir pas d’autre choix que d’assumer mes responsabilités. Nous n’avions pas les informations dont nous disposons aujourd’hui, et encore moins les ­mesures de sécurité mises en place depuis lors. À ce moment-là, je me disais que les professions de contact et tous les autres secteurs devraient fermer leurs portes pendant un mois ou plus. ‘Une petite pause obligatoire et puis nous pourrons passer à autre chose’, me disais-je. Mais la réalité s’est avérée toute autre... (silence). Je n’ai été autorisée à rouvrir mon salon que le 18 mai. Lors de la première vague, le gouvernement m’a accordé une prime de 4000 euros et je suis retombée sur le droit passerelle, avec une prime mensuelle de 1200 euros. Cela m’a permis de survivre à cette période. J’avais aussi une réserve de côté, donc disons que je n’ai pas eu de pertes. Mais entre-temps, à cause des mesures liées au Coronavirus, j’ai dû fermer pendant cinq mois et je me retrouve vraiment dans une situation très compliquée. Mon capital propre est presque épuisé et l’aide publique est limitée à deux droits passerelle par mois, alors que ce montant ne suffit pas à couvrir l’ensemble de mes frais fixes. En plus, ces primes sont en attente d’exécution. Et là-­dessus, on va encore devoir payer des impôts. C’est là que des têtes vont tomber...

Continuer ou abandonner?


Je vis dans l’incertitude depuis des mois. J’essaye de rester positive, mais c’est difficile car les perspectives ne sont pas bonnes. Avec la pression ­financière, je suis constamment en dilemme entre poursuivre mon rêve ou abandonner.

Je vis au jour le jour et j’espère de tout cœur que nous parviendrons à surmonter cette nouvelle ­refermeture obligatoire, mais je crains le pire. J’ai pour ainsi dire la gorge serrée par le gouvernement. Je suis à bout de souffle.


Si mon affaire s’effondre à cause de cette crise, ­j’aurai tout perdu. Mon salon était et reste mon travail, mon bébé. Je comprends que la situation actuelle est grave et que des vies sont en jeu, mais cette situation affecte tous les secteurs touchés, y compris les ­indépendants et les personnes qui sont temporairement ou totalement au chômage. Si je dois fermer en ­raison d’une faillite – et ce risque est énorme si la situation ne change pas rapidement – ma vie ne sera plus jamais la même. J’espère que nous pourrons redémarrer en février au plus tard, sans quoi je serai obligée de mettre la clé sous la porte. »

Yamina, 25 ans, est née pour travailler dans l’Horeca. Mais elle est au chômage technique depuis des mois à cause du Coronavirus et cela commence à peser sur son portefeuille.


« Quand j’étais adolescente, j’étais ­serveuse comme job d’étudiant dans un restaurant gastronomique. J’y ai découvert l’amour du service. J’ai ­tellement aimé ce métier qu’après mes secondaires, j’ai décidé de suivre une formation dans une école ­hôtelière. J’étais convaincue que si je réussissais cette formation, j’aurais une sécurité d’emploi pour le restant de mes jours, mais ça a tourné ­autrement à cause du Coronavirus. En septembre 2019, après mon année de spécialisation en vins et boissons, j’ai commencé dans un célèbre bistrot. Un chouette job, même si mes ­ambitions étaient plus grandes et que ce que je voulais le plus, c’était de travailler selon les règles de l’art. Mais je me créais une expérience ­professionnelle et je gagnais ma vie.

En février, j’ai  décidé de quitter le nid de mes parents et j’ai acheté ­un appartement super bien situé, sans soupçonner la tempête qui nous attendait. Quelques semaines après la signature du compromis, le comité de concertation a tranché pour un confinement national.


Je n’avais pas encore travaillé une année complète et je me retrouvais déjà au chômage technique. Cela peut faire paniquer. Chaque mois, je recevais une ­allocation temporaire et j’ai eu la chance d’avoir prévu une marge ­supplémentaire pour meubler mon appartement. J’ai donc plutôt bien surmonté le premier confinement, en partie grâce au soutien de ma ­maman. Mi-juin, l’Horeca a pu ­redémarrer, mais l’été n’a été qu’un drame pour moi. Nous faisions des doubles shifts et chaque service comptait entre 80 et 110 couverts. Cela générait beaucoup de stress, j’en ai été malade tout l’été. Comme je voulais un travail plus sophistiqué, ­j’ai décidé de quitter mon job. Début octobre, j’ai commencé dans un ­étoilé, mon job de rêve. Je m’y sentais comme à la maison, mais mon ­bonheur a été de courte durée. Peu de temps après, l’Horeca a à nouveau dû fermer et depuis, je suis chez moi.

L’argent fait bien le bonheur


Cette crise est douloureuse, tant mentalement que financièrement. Ma vie est pour ainsi dire en pause et je n’ai aucune idée du moment où l’on appuiera à nouveau sur le bouton ‘play’. J’essaye de m’accrocher aux petites choses de la vie et de ­relativiser ce qui peut l’être. J’ai des hauts et des bas. Il y a des jours où je déprime, mais quand je sens que je n’en peux plus, je peux toujours me tourner vers ma famille et mes amis. Pour moi, la situation n’est pas invivable. Heureusement, je n’ai pas d’idées noires. Je me rends compte que je ne suis pas la seule en ce ­moment qui doit compter chaque euro pour joindre les deux bouts, mais j’avoue que j’ai peur de tomber dans la pauvreté. Je ne vole de mes propres ailes que depuis quelques mois à peine. Si j’avais su que 2020 serait une année aussi compliquée,

je n’aurais probablement pas acheté d’appartement. En attendant, tous ces frais ainsi que tous les autres coûts – comme les équipements et les assurances nécessaires – sont bel et bien là. Je n’ai pas demandé de ­report de mon prêt hypothécaire parce qu’en fin de compte, ce n’est qu’une solution temporaire.

Aider où je peux


Même si je suis soulagée de ne pas être totalement livrée à moi-même et d’avoir droit à des allocations de ­chômage temporaire, je dois malgré tout me contenter de seulement 60 % de mon salaire normal… Je dois donc trouver un équilibre entre payer les factures et trouver un moyen de m’en sortir pour le reste du mois. On dit toujours que l’argent ne fait pas le bonheur, mais toutes les pièces du puzzle financier doivent quand même s’emboîter, sans quoi vous n’arrivez pas à la fin du mois. Et cela génère beaucoup de stress. J’essaye malgré tout de ne pas me laisser abattre. Il y a quelques temps, je suis devenue bénévole dans une maison de repos et de soin. Le secteur des soins a besoin d’aide et cela me ­permet d’oublier un peu la situation dans laquelle je me trouve. En tant que bénévole, je veux continuer à ­aider là où je le peux. Mais j’espère vraiment que ce satané virus ­disparaîtra de nos vies aussi vite que possible, ou qu’au moins nous ­pourrons le contrôler. Que je puisse enfin gagner ma vie avec ma passion et à nouveau aller de l’avant. C’est tout ce que je souhaite. »

Qu’implique le Coronavirus pour le budget des jeunes ?


« D’après une enquête menée par ­Febelfin pendant le premier confinement auprès d’un millier de jeunes âgés entre 16 et 30 ans, 45 % d’entre eux rencontrent des problèmes financiers liés à la crise du Coronavirus », explique Nele Peeters, chercheuse au CEBUD (un centre de recherche et de conseil financier). « Cela signifie que presque un jeune sur deux indique qu’il a ­davantage de problèmes d’argent. La crise ne touche toutefois pas tous les jeunes de la même manière. Huit sur dix sont encore en mesure d’épargner et 36 % d’entre eux épargnent même plus qu’avant la crise du Coronavirus. Ils sont 52 % à estimer qu’ils arrivent à épargner suffisamment.

Des stades différentes

Les ­conséquences sur le budget ­dépendent fortement de la phase de vie dans ­laquelle la personne se trouve et de ses coûts fixes. Si nous observons les jeunes qui ne sont pas encore actifs sur le marché du travail, ceux-ci signalent notamment que leur job d’étudiantn’a pas survécu et/ou qu’ils reçoivent moins d’argent de poche de leurs ­parents, par exemple. Pour eux, les conséquences financières sont sans doute plus limitées parce qu’ils sont moins dépendants d’un revenu. La ­situation est très différente pour les jeunes qui étudient et qui ont besoin d’un emploi pour payer leurs études. Cela vaut aussi pour les jeunes qui ­travaillent déjà à temps plein, bien que nous constations là aussi de grandes différences, en fonction des coûts fixes. Un jeune qui vit encore chez ses ­parents et qui a des coûts fixes plutôt faibles sera plus à même de joindre les deux bouts en cas de perte de revenu.

Si vous devez vous débrouiller seul, que vous devez payer un loyer ou un prêt immobilier, que vous avez des ­enfants à charge et que vous passez au chômage temporaire ou définitif, une perte de revenu est d’autant plus grave.


La pointe de l’iceberg

Le gouvernement a essayé de limiter la perte de revenus liée au Coronavirus : par exemple, les indemnités de ­chômage temporaire liées à la crise du Coronavirus sont bien plus élevées que les indemnités régulières qu’une ­personne reçoit en raison d’un ­chômage économique au sein d’une entreprise. Mais pour les gens en ­situation de vulnérabilité, qui ont ­souvent un revenu plus limité, nous constatons que, malgré l’augmentation des indemnités, un déséquilibre se crée entre les revenus et les dépenses fixes et qu’on peut par conséquent ­rapidement se retrouver en difficulté. C’est aussi ce qui ressort des ­enquêtes menées par le SPP Intégration Sociale, responsable des CPAS en Belgique. Depuis mars 2020, la demande en ­médiation de dette a fortement ­augmenté, par exemple. De plus, nous pensons qu’il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg, et que de plus en plus de gens auront besoin d’une médiation de dettes. À long terme, ça a un impact énorme, car selon ­l’ampleur du problème et de la dette, ce processus peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. La crise du Coronavirus montre à quel point nous sommes vulnérables, pas ­seulement au niveau de la santé, mais aussi sur le plan financier. Reste à savoir si cette crise nous permettra de gérer l’argent différemment. Cela ira peut-être de pair avec l’impact que vous aurez vous-même expérimenté. Notre comportement financier dépend de plusieurs facteurs. Il est motivé par ce que nous connaissons, ce que nous voyons dans notre environnement et ce que notre éducation financière nous a enseigné, à l’école ou à la maison.

Et si vous n’avez pas droit aux allocations de chômage?

Si vous vous trouvez dans une situation où vous n’avez, par exemple, pas droit à des allocations de chômage ou à des indemnités de maladie, il est important que vous preniez contact le plus ­rapidement possible avec le service social CPAS de votre commune. Le CPAS est toujours un tabou, alors qu’il s’agit du seul organisme qui peut ­vérifier si vous avez droit à un revenu d’intégration, le minimum vital. Télé-Accueil ou SOS Jeunes sont aussi de bonnes organisations où vous pouvez demander de l’aide. Le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour limiter l’impact financier de la crise du Coronavirus. Si vous constatez que vous ne parvenez pas à joindre les deux bouts et que vous êtes en difficulté ­financière, je vous conseille de vérifier ce à quoi vous avez droit. Le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale rassemble toutes les mesures sur son site Web et les tient à jour. Si vous avez du mal à garder la tête hors de l’eau et que vous ne parvenez pas à payer vos factures, je vous conseille de ne pas rester dans le ­silence. Prenez contact avec le ­fournisseur et demandez-lui si vous pouvez obtenir un délai de paiement. Beaucoup de créanciers se rendent compte que nous vivons des temps difficiles et veulent aider à envisager d’autres possibilités. »

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