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© Getty Images

VERGETURES : briser le tabou au masculin, trois hommes nous parlent de leur peau

Ana Michelot
Ana Michelot Journaliste

Si les vergetures ont longtemps été un complexe et un tabou pour les femmes, grâce au mouvement body positive et à l’impact des réseaux sociaux, les vergetures sont devenues quelque chose de normal dans les mentalités. Mais chez les hommes, le tabou persiste…

Grâce au pouvoir des réseaux sociaux, certains mouvements visant à mettre fin à l’idée du corps parfait pour les femmes ont réussi à briser un tabou : celui des vergetures, ces petites traces qui se dessinent sur la peau suite à un changement brutal de poids, qui apparaissent bien souvent pendant l’adolescence où le corps change, ou encore pendant une grossesse. Mais c’est quoi exactement les vergetures déjà ? 

Les vergetures, comme le décrit la définition du Larousse, sont de « fines raies cutanées, d’aspect cicatriciel, due à la distension ou à la rupture des fibres élastiques du derme pendant la grossesse ou après une perte de poids importante ». On précise que des vergetures peuvent aussi apparaître après une prise de poids. En bref, c’est un phénomène naturel de la peau dès lors que votre épiderme doit s’étirer. Jusqu’ici pas de quoi en faire un complexe, et pourtant pendant des années et encore maintenant pour certaines, ces marques sont quelque chose dont elles ont honte. Mais grâce aux photos d’autres femmes qui les assument pleinement et en font même un atout, les mentalités évoluent. Le mouvement #MonPostPartum qui avait pour but de libérer la parole sur ce que les femmes vivent après leur accouchement et dont on ne parle que trop peu, a lui aussi contribuer à normaliser les vergetures sur les corps féminins. Mais qu’en est-il des hommes ?

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« Je ne savais pas que c’était possible pour les hommes d’avoir des vergetures »

Cette phrase, prononcée par James, un homme de 55 ans, revient souvent lorsque l’on commence à aborder le sujet. De nombreuses femmes ne savent pas que les hommes aussi peuvent voir se dessiner de fines lignes violettes qui deviendront ensuite blanches sur leur épiderme et beaucoup d’hommes n’apprennent cela que lorsque le phénomène leur arrive à eux. Pourtant, il pourrait être évident que si la peau des femmes craque lorsqu’elle est trop étirée, celle des hommes réagisse de la même manière. Mais l’inconscient collectif a associé ces marques au corps féminin et totalement occulté que celles-ci concernent également les hommes, comme en témoigne ce père de famille : 

À l’époque, je ne savais pas que c’était possible pour les hommes d’avoir des vergetures, je pensais que seules les femmes en avaient avec la grossesse par exemple, car on ne parlait pas du tout de ça chez les hommes. 

Un tabou qui a perduré comme l’explique Elie, âgé de 25 ans : « Je n’en avais jamais entendu parler par d’autres hommes avant d’en avoir, mais je savais tout de même que cela arrivait chez les hommes aussi, car j’avais vu certains hommes à la salle de sport qui en avaient. » Un silence qui commence peu à peu à se briser. « Aujourd’hui, plusieurs de mes amis en ont donc ça aide aussi à se sentir moins seul et à mieux les accepter, se dire que c’est quelque chose de normal », ajoute-t-il.

« Elles sont apparues il y a 35 ans quand mon corps a changé et s’est transformé entre l’enfance et l’adolescence »

Parler de ce sujet est quelque chose de très intime pour ces trois hommes qui n’ont pas l’habitude de se livrer sur la relation qu’ils entretiennent avec leur corps. Pourtant, chacun livre son histoire, ou plutôt celle de sa peau. « J’ai des vergetures sur les hanches et aux épaules depuis l’adolescence. Elles sont apparues il y a 35 ans quand mon corps a changé et s’est transformé entre l’enfance et l’adolescence », raconte James. Bien que ses cicatrices fassent partie de lui depuis presque 40 ans, il n’a jamais réussi à les accepter. 

Je les déteste, je les trouve très moches. Pour être honnête, je m’étais même renseigné sur les procédés existants pour les faire disparaître, mais c’était trop cher sinon je l’aurais fait sans hésiter.

confie-t-il. Un complexe qui l’empêche parfois de profiter pleinement de certains moments : « Aujourd’hui je n’ai plus de problème à en parler avec des amis par exemple et qu’ils les voient, mais ça me gêne toujours de les montrer aux autres à la plage l’été par exemple. » Il se souvient que dévoiler ses vergetures à celle avec qui il partage sa vie a été compliqué, mais que le regard de cette dernière l’a aidé à relativiser : « Je me souviens que lorsque ma femme les a vues pour la première fois, on était très jeunes et j’étais extrêmement complexé, j’avais peur qu’elle les trouve aussi moches que moi. Finalement, elle ne m’a jamais fait de remarques à ce propos, elle m’aime comme je suis. »

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© Pexels

« Elles seront toujours là donc j’apprends à cohabiter avec »

Michel a 26 ans et pour lui, les vergetures sont aussi apparues lors de l’adolescence, suite à de nombreuses prises et pertes de poids : « J’ai des vergetures au niveau des poignées d’amour et aussi un peu sur les fesses, car mon poids a beaucoup fait le yo-yo, je perdais des kilos pour les reprendre quelques semaines plus tard et comme ma peau est assez fine, elle craque facilement. » Il explique : 

Dans les périodes où je prenais du poids les vergetures étaient plus grosses, plus visibles et ça me dérangeait, mais maintenant les variations de poids se sont apaisées donc je suis plus en paix avec elles.

Il avoue même ne plus vraiment y penser lorsqu’il se voit dans le miroir : “Je ne les déteste pas au point d’avoir recours à un processus pour les faire disparaître.” Mais très vite, il ajoute tout de même : « Mais je ne les aime pas non plus. Je vis avec, je ne les trouve pas trop choquantes, elles seront toujours là donc j’apprends à cohabiter avec. » Une génération plus en paix avec son corps, qui parvient à accepter les changements que celui-ci vit et qui souhaiterait briser ce tabou qui persiste au sein de la gent masculine.

Chez les hommes, on observe les vergetures dans la partie basse du dos, à la racine des bras chez ceux qui font du body building et dans la face interne des genoux.

souligne la dermatologue Laurence Netter auprès du “Journal des femmes”. Un phénomène qui concerne justement Elie qui dès ses 17 ans, a suivi des séances intensives de musculation. Or, dès qu’il a ralenti le rythme, les vergetures sont apparues : « J’ai des vergetures au niveau des épaules à cause de la muscu’, j’ai fait une trop grosse prise de masse d’un coup et ensuite je l’ai perdue, ma peau n’a pas aimé. » Il ajoute : « J’ai aussi des vergetures sur les hanches car j’ai pris du poids suite à l’arrêt de la salle et du régime strict que je me fixais, puis ensuite j’en ai reperdu donc ça a laissé des traces. » Lorsqu’on l’interroge sur la relation qu’il entretient avec ces cicatrices, il explique : « Celles aux hanches, je ne les aime pas, j’ai vraiment du mal avec elles, elles sont assez grandes et encore violettes, car mon poids continue de varier. Mais celles aux épaules ça va je les accepte de plus en plus même si ça me complexe parfois l’été quand des gens les découvrent. » Selon lui, ce complexe perdure chez les hommes car il n’y a que peu de représentation d’hommes ayant des vergetures et les assumant fièrement, voire aucune. 

C’est vrai que les vergetures, c’est un sujet très souvent abordé chez les femmes avec la grossesse etc mais chez les hommes c’est encore tabou, c’est encore un truc dont on n’ose pas trop parler ou dont on a honte lorsqu’il faut se déshabiller dans les vestiaires ou dans l’intimité.

avoue-t-il. Si aujourd’hui, Elie accepte de plus en plus ses vergetures c’est aussi grâce à sa copine qui elle les voit comme quelque chose de spécial comme elle nous le confie : « Moi je les trouve sexy ses vergetures, c’est unique ça fait partie de lui et c’est même souvent que je m’amuse à les suivre avec mes doigts sur ses épaules quand on est posés dans le canapé, au début il n’aimait pas que j’y touche, maintenant il n’y prête plus attention. »

Le culte du corps masculin athlétique et musclé est encore omniprésent

Si Elie avait autant de mal avec les marques qui ornent sa peau, c’est aussi parce que la société enjoint encore les jeunes hommes à être toniques, musclés avec des abdos saillants et des bras gonflés comme il le dit. « C’est dur pour quelqu’un qui avait l’habitude de faire attention à l’image de son corps presque à l’extrême avec la musculation de découvrir un jour que vous avez ces marques-là et qu’elles ne partiront pas », affirme-t-il. Mais là encore, les mentalités évoluent : « Parfois, je me dis que je vais faire du laser ou une intervention pour faire disparaître celles que j’ai aux hanches car elles sont vraiment assez larges, la peau a totalement craqué et puis d’autres fois, en en parlant de façon libérée avec ma copine ou ma mère, je me dis que ça fait aussi partie de mon histoire comme des cicatrices quand on se fait mal. » Aujourd’hui, Michel comme Elie expliquent que les hommes ont tout intérêt à en discuter entre eux afin de se sentir mieux dans leur peau et de normaliser ce détail physique qui les complexent autant. Élie conclut :

Mais entre mecs, c’est dur d’en discuter, on est plus gênés d’aborder ce sujet alors qu’on se connait bien. Parfois, on découvre que tiens lui aussi il en a, comme ça au bord de la piscine l’été et c’est bête parce qu’en en parlant entre nous on pourrait briser le tabou et se dire je ne suis pas tout seul et c’est ok d’en avoir.

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