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TÉMOIGNAGES: 2 lectrices racontent cette solitude qui les fait souffrir

Barbara Wesoly

Tout le monde se sent seul de temps en temps. Mais pour certain·e·s, la solitude devient un état permanent duquel il est difficile de sortir même si cela les fait souffrir. Comment aller mieux?

Pour Élisa, 25 ans, la solitude a commencé lorsque sa relation s’est soudainement interrompue au bout de cinq ans, début 2020

« La solitude en temps de Covid? Je pense que ça concerne tout le monde aujourd’hui. Peu de temps avant le confinement, mon petit ami et moi avons rompu après une relation de cinq ans. C’était une rupture difficile, à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Il n’était pas seulement mon amoureux, mais aussi mon meilleur ami, et tout à coup on se retrouvait à devoir faire l’inventaire de la maison et à déménager. Et seuls en plus, puisqu’à cause du Coronavirus, ­personne ne pouvait venir aider. Ou aurait pu faire venir une entreprise de déménagement, mais quelle jeune femme de 24 ans qui doit soudainement déménager a de l’argent pour ça? J’ai donc dû tout faire moi-même, même si j’ai les meilleurs amis du monde. Le notaire, le déménagement, la banque… J’étais vraiment seule. Comme je l’ai dit, j’ai les meilleurs amis du monde, mais ce n’est pas tout. J’ai aussi un job fantastique et flexible. Ça aussi, ça s’est soudainement ­terminé. Je ne pouvais plus travailler que trois jours par semaine, alors que je fais normalement six ou sept jours par semaine. Comment ne pas se sentir seule?

Je ne pouvais plus voir toutes les personnes que j’aime tant, au moment où j’avais le plus ­besoin d’eux. J’étais de retour chez mes parents après cinq ans. Je n’ai pas vraiment une bonne relation avec eux: dans notre famille, nous ne parlons pas de ce que nous ­ressentons.

Ça va toujours « bien ». Et en fait, je me comporte aussi comme ça avec mes amis. Je leur disais que tout allait bien pour moi. Que j’étais sur la bonne voie. Alors qu’en fait, j’étais dévastée. Je pleurais jusqu’à m’endormir et ­j’arrivais à peine à sortir du lit. Quand l’une de mes meilleures amies a réalisé que je ­n’allais pas bien, elle a décidé de m’emmener partout. Même si je ne lui en parlais pas, elle a deviné. Au lieu de m’envoyer un message pour me dire que j’étais toujours la bienvenue, elle attendait devant ma porte. Elle m’a emmenée faire des tours à vélo, des balades, le tout de manière ­Covid-proof. Même les jours où je ne voulais pas sortir du lit, elle prévoyait quelque chose et je ­devais venir. Qu’est-ce que je l’ai maudite par ­moments. Mais je lui en suis si ­reconnaissante aujourd’hui! Parce que, honnêtement, je ne sais pas où j’en serais sans elle. Quand on se sent si mal, sauter le pas pour aller quelque part est bien trop dur. On ne sort pas de son lit pour aller chez quelqu’un constater que tout va bien pour lui… J’avais donc ­besoin de quelqu’un comme elle.

N’embêter personne avec mon malheur
Pour moi, la solitude n’a rien à voir avec le fait d’être célibataire. Je suis une femme indépendante, même en couple. Le problème est surtout que j’ai du mal à parler de mes ­sentiments lorsque je me sens mal. Surtout en ce moment, je suis ­capable de tout ­dissimuler à tout le monde. Le pas à franchir avant d’oser parler du fait que je ne vais pas bien est devenu encore plus grand qu’avant, et c’est là que la solitude me guette. Je ne peux pas ou je ne veux pas le partager, parce que je suis comme ça. Je ne veux embêter personne avec mon malheur.

Quand on me demande comment je vais, je continue à dire que tout va bien, alors que certains soirs, il m’arrive de ­m’endormir en pleurant.

Pas ­uniquement parce que mon ex me manque, mais aussi mes amies. Sortir, aller danser, me vider la tête… Rencontrer de nouvelles personnes et vivre des soirées légendaires dont on parle ­encore un an après. Tant de choses ont changé cette ­année… je me suis redécouverte au moins dix fois et je suis devenue une ­personne différente. Une personne qui se renferme encore plus sur elle-même. Mais j’ai aussi appris à être heureuse avec ce que j’ai, à apprécier les petites choses et à ne pas laisser ma confiance en moi dépendre d’un partenaire. J’ai dû apprendre à ­m’aimer sans la validation des autres, car je n’avais que moi-même pour me convaincre que tout irait bien, et que c’est si important d’y croire! J’espère du fond du cœur que ce sentiment de solitude passera, qu’il est temporaire. Mais malheureusement, je n’ai pas la réponse pour l’instant. »

Flora, 33 ans, est mariée et a un fils, mais en dehors de ça, elle n’a personne. Elle se sent souvent seule

« J’ai un travail prenant et que j’adore dans le domaine des soins, en tant qu’accompagnatrice de personnes en situation de handicap. Depuis peu, je travaille dans un nouvel endroit et j’ai donc dû me séparer d’un groupe de collègues sympas. Nous nous aimions beaucoup et nous nous envoyions régulièrement des messages, mais en dehors de ça, on ne se voyait pas. Les nouveaux collègues ont l’air ­sympas aussi, mais je dois encore trouver ma place. À côté de ça, il y a ma famille: mon mari et moi sommes ensemble depuis quatorze ans, et nous avons un petit garçon de six ans, mon grand amour. Mais des amies? Non, je n’en ai pas. Je fais du jogging plusieurs fois par semaine, mais à part ça, je suis très casanière. J’aime bien lire un livre à mon aise ou regarder la télévision, surtout après une dure semaine de travail. J’aime aussi faire du shopping ou me faire dorloter dans un spa, mais seule, c’est moins amusant.

En fait, je n’ai personne avec qui partager de chouettes expériences. Ou à qui ­parler vraiment. Ma relation avec mon mari n’est pas au top en ce moment et je remarque qu’il me manque ­vraiment un confident.

Une personne qui me connaîtrait par cœur, avec ­laquelle je pourrais être totalement moi-même et vers laquelle je pourrais me tourner. J’ai toujours été timide. À l’école ­primaire, je restais surtout avec ma cousine, qui vivait dans ma rue: on allait ensemble à l’école à vélo, on jouait ensemble. Vers mes 16 ans, j’ai eu un petit ami et je restais beaucoup avec lui et avec ses amis. L’amitié avec ma cousine s’est lentement éteinte et elle a fini par déménager loin d’ici. Maintenant, on ne se voit plus qu’aux fêtes de famille. Peu de temps après cette relation, j’ai rencontré mon mari actuel. À nouveau, je restais surtout avec lui et ses amis, je n’ai ­jamais eu un groupe d’amis à moi. Pendant mes études supérieures, je me suis fait deux bonnes amies et avec l’une d’entre elles, l’amitié a duré. On ne se voyait pas souvent, parce qu’on vivait loin l’une de l’autre, mais c’était ­toujours agréable et je savais qu’elle était là pour moi.

Personne ne m’aime
À un moment donné, elle a rompu le contact. Quand je lui envoie un ­message, elle me répond toujours, mais on ne se reverra plus. Je crois qu’on s’est vues pour la dernière fois lorsque mon fils avait trois ans. Un jour, je lui ai demandé ce qu’il y avait, mais elle ne m’a pas vraiment ­répondu. Elle est toujours restée ­célibataire, j’avais l’impression que le fait que j’ai une famille était parfois difficile pour elle. Je salue toujours les autres ­mamans à l’école, mais si elles ­n’entament pas la conversation, je n’ose pas le faire. Je ne veux pas non plus demander à mes collègues de se retrouver en dehors du travail. Je me dis toujours: ces gens ont leur vie, ils ne m’attendent pas. Je ne voudrais pas m’imposer.

Le sentiment de ­solitude m’envahit à des moments bizarres. Comme sur Facebook, quand un message du type: « taguez l’amie qui vous manque le plus » passe et que personne n’écrit mon nom.

Cela m’oblige à me rendre à l’évidence: il n’y a personne qui m’aime. Alors je m’enfonce encore plus dans mon canapé, sous ma ­couverture, et je me referme encore plus du monde. J’ai honte. Qu’est-ce qui ne va pas chez moi pour que je ne parvienne pas à me faire des amis? Je suis allée chez un thérapeute une fois, mais ça n’a pas vraiment fonctionné, et là c’est la première fois que je raconte mon histoire à quelqu’un d’autre. Il y a bien une ex-collègue avec laquelle j’ai voulu aller boire un verre deux ou trois fois, mais à cause du Coronavirus, on a dû annuler à chaque fois. On a ­prévu d’aller déjeuner ensemble dès qu’on le pourra. C’est un petit pas, mais pour moi, c’est une montagne à franchir. Je réalise aussi que je ne suis pas la seule à traverser ça, et ça m’aide. Et je sais que je dois me ­dépasser. Parce que j’ai l’impression que plus ça dure, plus ça devient ­difficile. »

7 étapes pour bannir la solitude de votre vie

  1. « Regardez-vous en face et­­ ­faites le point. Analysez vos ­relations: demandez-vous ce qui vous manque et où les choses se passent bien. Cet exercice peut être confrontant, mais il est ­nécessaire. Trouvez un ­confident pour en parler. »
  2. « Mettez-vous au boulot pour tenter de combler ce vide. Les amis vous manquent et vous aimez les animaux? Inscrivez-vous, par exemple, comme bénévole dans un refuge, où vous pourrez rencontrer des personnes qui partagent vos intérêts. Il sera plus facile d’entamer une conversation. Vous avez l’impression que votre partenaire et vous vivez ensemble, mais ne faites que vous croiser? Investissez dans des moments de qualité avec lui ou elle. Et parlez de votre solitude. »
  3. « Pour sortir de la spirale ­négative dans laquelle la ­solitude vous pousse, vous devez prendre soin de vous: allez dormir à une heure raisonnable, évitez les ­aliments gras, mangez sain, ­bougez, sortez. De cette façon, vous posez une base saine pour oser sortir de votre zone de confort, ce qui est nécessaire pour construire des relations ­importantes. »
  4. « Oprah Winfrey a lancé la ­campagne Just Say Hello. C’est ­aussi simple que ça: dire bonjour à une personne avec qui vous avez envie de discuter. Vous êtes timide et le premier pas est difficile? Il existe des ateliers pour vous aider. »
  5. « Prenez des initiatives et continuez à faire des efforts pour établir un vrai lien avec les autres – en toute sécurité. Prenez le temps pour un café en tête à tête avec une amie, une balade avec votre maman, une visite à la fenêtre de vos grands-parents. Ne remettez pas ça à plus tard, faites le choix conscient d’être sociable, comme vous choisiriez consciemment ­d’enfiler vos baskets pour aller ­courir. »
  6. « Quand vous êtes avec quelqu’un, laissez votre ­smartphone de côté et soyez ­présent. Accordez-lui votre ­attention totale, soyez à l’écoute et partagez ce qui vous préoccupe. »
  7. « Construisez ‘un sac à dos d’amitié’ avec de nombreuses amitiés différentes: les personnes de votre école primaire, les ­mamans de l’école de votre enfant, votre voisin âgé avec lequel vous prenez le café une fois par ­semaine… De cette manière, vous vous créez un réseau social pour aujourd’hui et une pension sociale pour plus tard: des personnes dont vous savez qu’elles vous soutiendront, et que vous soutenez. Il n’y a rien de plus agréable que de sentir que l’on compte pour quelqu’un. »

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