Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…
Marina Ovsyannikova - Getty Images
Marina Ovsyannikova - Getty Images

Qui est Marina Ovsyannikova, la productrice russe qui a osé défier Poutine

Kathleen Wuyard

Ce lundi 14 mars, en plein journal télévisé de la chaîne d’Etat Channel One, la productrice russe Marina Ovsyannikova a brandi un panneau dénonçant la guerre en Ukraine. Un acte de bravoure qui pourrait lui valoir jusqu’à quinze ans de prison, et qui a mobilisé la communauté internationale autour d’elle suite à son arrestation.

Car en Russie, contrairement au reste du monde, on ne parle pas de “guerre en Ukraine”. D’ailleurs, c’est bien simple, selon le Kremlin, il ne s’agit pas d’une guerre (ni d’une invasion, ni d’un conflit,...) mais bien d’une “opération spéciale”, lancée pour “libérer les Ukrainiens” de leurs dirigeants et “dénazifier le pays”. Une narrative qui peine à convaincre, même dans un pays où censure et propagande font rage, et qui a poussé le régime de Vladmir Poutine à assortir cette version des faits de sanctions lourdes pour celles et ceux qui seraient tentés de ne pas la respecter: dans la foulée de l’invasion du 24 février dernier, la Douma a en effet adopté une loi prévoyant jusqu’à quinze ans de prison et des dizaines de milliers de roubles d’amende en cas de “propagation d’information visant à discréditer les forces armées russes”. Et le porte-parole du gouvernement d’affirmer avec le plus grand des sérieux que la Russie est actuellement victime d’une “guerre de désinformation” (sic).

Lire aussi: Comment venir en aide à la population d’Ukraine

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Une guerre qui semble pourtant être menée depuis les plus hautes instances du pouvoir russe, où les scènes de dévastation qui parviennent depuis la maternité de Marioupol bombardée ou les corridors humanitaires pris pour cibles sont qualifiées d’actes commis par les Ukrainiens eux-mêmes. Une propagande que la productrice Marina Ovsyannikova a tenu à dénoncer à grand péril personnel, en plein journal télévisé de la chaîne d’état qui l’employait jusqu’à il y a quelques jours encore.

#FreeMarina

Munie d’une simple pancarte et de son courage, la Moscovite de 44 ans s’est positionnée derrière la présentatrice du JT avec son panneau réclamant la fin de la guerre en Ukraine, publiant dans la foulée sur les réseaux sociaux une vidéo pré-enregistrée où elle explique les raisons d’un acte qui tout à la fois force l’admiration et une forme d’incompréhension face au danger encouru par la productrice.

https://twitter.com/michel_philipps/status/1503497602477793285

Qui ne regrette rien, malgré son arrestation immédiate suite à son geste de protestation, qu’elle a expliqué face caméra.

Ce qu’il se passe actuellement en Ukraine est un crime. Toute la responsabilité de cette agression repose sur la conscience d’un seul homme : Vladimir Poutine. Mon père est Ukrainien, ma mère est Russe. Ils n’ont jamais été ennemis. Le collier autour de mon cou (un bijou bleu et jaune, les couleurs du drapeau ukrainien, NDLR) signifie que la Russie doit immédiatement arrêter cette guerre fratricide et que nos pays peuvent faire la paix”.

Et la jeune femme de confier la honte qu’elle ressent à avoir elle-même contribué à propager la propagande du régime de Poutine des années durant.

Malheureusement je travaille pour Channel One depuis plusieurs années, pour promouvoir la propagande du Kremlin, et j’en ai honte. J’ai honte d’avoir permis que soient diffusés des mensonges à la télévision et d’avoir participé à zombifier le peuple russe. On est restés silencieux quand tout cela a commencé en 2014, on n’est pas sorti manifester quand le Kremlin a empoisonné Navalny (un opposant au régime, NDLR), on a continué à cautionner ce régime inhumain, et maintenant le monde entier s’est détourné de nous”.

Maman de deux jeunes enfants, Marina Ovsyannikova a été emprisonnée après son passage sur le plateau, poussant les réseaux à relayer en masse l’appel #FreeMarina. Dans un pays où oser s’exprimer est passible d’emprisonnement, sa pancarte “Non à la guerre, ne croyez pas à la propagande, on vous ment ici” a fait l’effet d’une bombe et propulsé la Moscovite, ancienne nageuse de compétition, au rang d’héroïne. Qui n’a pas hésité à affirmer que “dix générations ne suffiront pas à laver la honte de cette guerre fratricide”. Et tant pis si, ainsi que l’a regretté son avocat, Daniil Berman, “il y a une forte probabilité que les autorités en fassent un exemple pour faire taire d’autres protestataires”.

À l’heure d’écrire ces lignes, la productrice aurait toutefois déjà été libérée après quelques heures d’interrogatoire, et le président français Emmanuel Macron lui a offert une protection consulaire ou asilaire. Pour sa part, Leonid Volkov, un proche de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, s’est dit prêt à payer son amende éventuelle, ainsi que celle de “tous les journalistes qui oseraient l’imiter”. À bons entendeurs...

Lire aussi:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires