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contraception forcée
©  ODD ANDERSEN/AFP via Getty Images

GROENLAND : des femmes sortent du silence pour dénoncer des années de contraception forcée

Ana Michelot
Ana Michelot Journaliste

Des milliers de femmes inuits du Groenland ont subi une politique de contraception forcée, exigée par le Danemark des années 1940 à 1970. Aujourd’hui, elles prennent la parole pour dénoncer ces actes.

Un drame trop longtemps enfoui vient de remonter à la surface au Danemark, où des milliers de filles inuits sont arrivées pour poursuivre leurs études après avoir grandi au Groenland. Les autorités danoises appliquent alors sans leur consentement une politique de contrôle de la natalité en leur imposant une contraception forcée afin de « moderniser » le Groenland. « L’objectif officiel de la campagne danoise était de faire baisser la natalité au Groenland. Les autorités danoises étaient inquiètes du nombre de naissances d’enfants en dehors du mariage, et de mères en dessous de l’âge de 20 ans. L’augmentation de la population était aussi un frein à la modernisation du Groenland, qui devenait plus chère que ce que l’État danois avait prévu à l’origine », explique le média en ligne « High North News ». En effet, à cette époque le Groenland n’est plus une colonie, mais reste sous l’autorité de Copenhague. Au total, 4 500 filles et femmes groenlandaises seront soumises au port d’un stérilet rien qu’entre 1966 et 1970, ce qui représente la moitié de la population féminine du pays à cette époque.

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Le port forcé du stérilet pour des milliers de jeunes femmes

Britta Mortensen, est l’une de ces femmes victimes de la politique des autorités danoises, visant à limiter le taux de natalité dans cette île de l’Arctique. À 15 ans, elle quitte son Groenland natal. Née dans le village d’Ilulissat, il n’y a pas de lycée proche de chez elle, elle part donc au Danemark pour poursuivre sa scolarité. Elle raconte à l’ « AFP » : « Je suis partie (...) en pension et là, la responsable m’a dit : “Tu dois porter un stérilet.” J’ai dit non. Elle m’a répondu : “Si, tu vas avoir un stérilet, même si tu dis non.” » Ses parents à des milliers de kilomètres de là, ne seront jamais prévenus de cette décision, leur accord ne sera donc jamais demandé. Quelques jours plus tard, la jeune femme se fait poser un stérilet malgré son désaccord. « C’était un stérilet pour les femmes qui avaient déjà eu des enfants, pas pour les jeunes filles de l’âge que j’avais, 15 ans. »

« J’ai dû écarter les jambes et on me l’a mis et ça a fait terriblement mal »

Après ce traumatisme, Britta Mortensen se tait par honte de ce qu’elle vient de subir. Elle ne sait pas que le même sort est réservé aux autres groenlandaises du pensionnat. « J’ai eu honte. Je n’en ai parlé à personne jusqu’à maintenant », a-t-elle confié à l’AFP. Comment la parole s’est-elle libérée des années après ? C’est une série de podcasts diffusée au printemps par la radiotélévision danoise DR et basée sur des archives nationales qui a levé le voile sur cette campagne de contraception forcée. Lorsqu’elle entend parler de ces podcasts, Britta Mortensen ressent une grande colère : « J’ai dit à mon mari : “je suis l’une d’entre elles” et mon mari était étonné, après toutes ces années ! C’est quelque chose que j’avais enfoui. »

Sortir enfin du silence

Aujourd’hui Britta Mortensen, comme de nombreuses autres femmes victimes de cette politique de contraception forcée, tentent de témoigner afin de libérer la parole et de se reconstruire. Pour cela, Naja Lyberth, elle aussi concernée par ce drame, a créé un groupe Facebook qui rassemble aujourd’hui 70 femmes ayant vécu ce port forcé du stérilet. Certaines ignoraient même en porter un comme le raconte Naja Lyberth à l’AFP : «Jusqu’à l’an dernier, des gynécologues groenlandais ont retrouvé des stérilets chez des femmes qui ne savaient pas qu’elles en portaient – habituellement ils pouvaient être posés pendant un avortement sans que les femmes ne soient mises au courant. » Face à ce scandale, le gouvernement danois aurait lancé une enquête sur ce sombre épisode de son passé colonial, selon « Le Monde ». De leur côté, ces femmes groenlandaises réclament justice. 

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