Si votre partenaire et vous avez des rapports sexuels 10 fois ou moins par an, les sexologues parlent d’une relation sans sexe. Inès, 39 ans, et Bastien, 32 ans, ne font pratiquement jamais l’amour, mais cela ne pèse pas lourd face à la solidité de leur relation.
« Avant de rencontrer Bastien, avec qui je suis maintenant depuis 5 ans, je n’avais jamais eu de relation qui ait duré plus de 4 mois. Il s’agissait toujours de relations éphémères et superficielles avec, rétrospectivement, des hommes qui n’étaient pas faits pour moi. Ces relations étaient principalement axées sur le sexe et laissaient peu de place à l’affection et à la découverte de l’autre. J’avais soif d’amour, mais je ne l’ai jamais vraiment trouvé. Au fil des ans, je m’étais convaincue que je ne pouvais pas être aimée, c’est pourquoi j’avais remplacé l’amour par le sexe. Ce qui n’a absolument pas aidé, c’est que j’ai perdu mon père de manière inattendue à l’âge de 25 ans. Après son décès, j’ai encore plus cherché l’amour d’un homme et j’ai essayé de le trouver n’importe où, mais pas sous la bonne forme.
Heureusement, cela a changé lorsque Bastien est entré dans ma vie. Il a 7 ans de moins que moi et est complètement différent des hommes que j’ai fréquentés auparavant. Bastien a pris le temps de vraiment me connaître et s’est montré tel qu’il est dès le premier instant, sans artifice. On ne tourne pas autour du pot ensemble, et c’est très agréable. Lorsque j’ai commencé ma relation avec Bastien, mon passé me rendait encore très axée sur le sexe. J’étais convaincue que je devais donner mon corps pour conserver son intérêt.
Après notre deuxième rendez-vous, j’ai donc pris l’initiative et Bastien et moi avons fait l’amour pour la première fois. Ce fut la meilleure relation sexuelle de ma vie. Au cours des 6 premiers mois de notre relation, nous nous sommes vus aussi souvent que possible et faisions l’amour en moyenne 1 fois par semaine. Une fréquence qui n’est peut-être pas très élevée pour un couple tout neuf, mais je trouvais que Bastien et moi avions une vie sexuelle tout à fait normale. Je n’avais pas vraiment de point de référence. Beaucoup prétendent avoir des rapports sexuels plus de 4 fois par mois, mais est-ce vrai? Ce chiffre n’est-il pas une version embellie de la réalité? Je ne voyais aucune raison de m’inquiéter, mais cela a changé lors de nos premières vacances ensemble.
Lorsque nous avons fêté nos 6 mois ensemble, Bastien m’a dit: ‘Ce soir, je vais faire un effort.’ À ce moment-là, ça a été un choc dans ma tête
Face à la réalité
Alors que nous célébrions nos 6 mois ensemble lors d’un voyage, Bastien m’a soudainement dit: ‘Ce soir, je vais faire un effort.’ À ce moment-là, ça a été un choc dans ma tête. Pour Bastien, le sexe était donc un effort? Soudain, j’ai ouvert les yeux et j’ai réalisé que c’était moi qui prenais toujours l’initiative. Au début, j’ai projeté cela très fortement sur moi-même. J’avais peur que Bastien ne veuille plus coucher avec moi, que le problème vienne de moi parce qu’il ne me trouvait peut-être plus attirante.
Pendant 2 mois, ces pensées ont envahi mon esprit. Comme notre relation était encore assez récente, je ne savais pas dans quelle mesure je pouvais aborder le sujet avec lui. En attendant de pouvoir en discuter, j’ai décidé d’arrêter de prendre l’initiative et de voir ce qui allait se passer. Et il ne s’est rien passé, à part quelques câlins, quelques caresses et quelques baisers. Comme je n’arrivais pas à me sortir ces pensées de la tête, j’ai fini par demander à Bastien pourquoi nous n’avions pas eu de relations sexuelles depuis 2 mois.
Cela a donné lieu à une violente dispute. Il a d’abord réagi de manière très défensive, m’accusant de tout le temps vouloir du sexe et suggérant même que j’étais peut-être accro au sexe, mais finalement, il m’a avoué qu’il n’avait pratiquement jamais envie de sexe et que cela avait toujours été le cas. Il a également dit que ce n’était pas de ma faute. Il m’a suppliée de ne pas nous comparer à d’autres couples qui, selon lui, avaient beaucoup de rapports. Je n’en croyais pas mes oreilles. De temps en temps, je revenais sur le sujet, mais cela finissait toujours par une dispute.
Le sexe était devenu un sujet qui nous opposait. C’était tellement sensible que nous étions incapables de nous écouter. J’avais vraiment l’impression que c’était à moi de faire des concessions, que je devais m’adapter à lui. D’un autre côté, Bastien comprenait bien que le sexe faisait partie intégrante d’une relation de couple. Il disait qu’il me ferait savoir quand il serait d’accord pour avoir un rapport, mais au final, il s’écoulait parfois 4 à 6 mois entre 2 relations sexuelles...
La dernière fois que j’ai joui grâce à Bastien, c’était il y a plus de 2 ans.
Langage amoureux opposé
Pour moi, le sexe consiste principalement à me sentir désirée. Cela fait partie de la confirmation que quelqu’un m’aime. J’ai besoin d’une confirmation physique, tandis que Bastien conçoit l’amour comme le fait de partager sa vie. Nous avons donc un langage amoureux totalement différent.
Ce que j’aime dans le sexe, c’est justement cette spontanéité, ou du moins c’est ainsi que je m’en souviens (rires). Le fait d’avoir l’impression que quelque chose va se passer me stimule, mais pour Bastien c’est très différent. Nous nous embrassons régulièrement et, sur le canapé, nous nous caressons presque tout le temps. Il n’y a aucun problème au niveau de cette intimité-là, mais lorsque nous faisons l’amour, c’est toujours selon un schéma bien défini et selon ses conditions.
Bastien a besoin de ‘se recharger’, pour ainsi dire, et cela peut parfois lui prendre jusqu’à 2 semaines. Au lit, par exemple, je ne dois pas le surprendre en lui demandant s’il en a envie maintenant, tout à l’heure ou demain. Quand nous faisons l’amour, toutes les lumières sont tamisées et Bastien ferme les yeux, sinon il n’arrive pas à se concentrer.
Au cours des 5 dernières années, nous n’avons essayé qu’une seule fois une position autre que celle du missionnaire, et la dernière fois que j’ai joui grâce à Bastien, c’était il y a plus de 2 ans. Cela met évidemment une pression énorme sur ma vie sexuelle, car je sais que lorsque nous faisons exceptionnellement l’amour, il ne participe jamais avec enthousiasme. J’ai donc parfois presque l’impression de l’abuser sexuellement... Cela rend très difficile le fait de me détendre complètement, sans parler de me concentrer sur mon propre plaisir.
Si Bastien n’est pas satisfait, nous aurons peut-être encore moins de relations sexuelles, me dis-je sans cesse, entrecoupée par la pensée: ‘Saisis ta chance, sinon tu devras encore attendre des mois avant de pouvoir refaire l’amour.’ Depuis cette première conversation, beaucoup de choses ont changé, même s’il a fallu des années pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui et créer une situation qui nous convienne à tous les 2.
Sexe sur commande
Nos amis plaisantent parfois sur le manque de libido de Bastien. Ce genre de remarques et de conversations sur le sexe nous mettent très mal à l’aise. Si nous réagissons, c’est généralement par une réponse très vague, afin que personne ne sache ce qui se passe réellement entre nous. Le fait qu’un homme ait une libido très faible, voire inexistante, reste un sujet tabou. On pense automatiquement que ce sont toujours les femmes qui ont moins envie de sexe, mais il y a probablement autant d’hommes dans la même situation que Bastien, tout comme il y a des femmes comme moi qui recherchent davantage de sexe.
Même si Bastien et moi avons désormais trouvé un équilibre qui nous convient à tous les 2, il était essentiel pour moi de faire appel à un sexologue à un moment donné. Je trouvais important d’avoir un regard extérieur afin que nous puissions chacun aborder ce qui nous dérange, mais c’était surtout dans l’optique d’avoir des enfants que j’ai fait appel à un sexologue, car en cas de désir d’enfant, il faut avoir des rapports sexuels réguliers et à des moments précis. Que l’on le veuille ou non, on ne peut pas y échapper.
Bastien a du mal à accepter les visites chez le sexologue et les rapports sexuels sur commande autour de ma période d’ovulation. Il trouve déjà très difficile de parler avec moi de notre vie sexuelle et préfère ignorer son existence. Par exemple, lorsque je regarde une série comme “La Chronique des Bridgerton” et qu’il y a une scène de sexe, il se sent mal à l’aise. Alors parler de sexe avec une tierce personne...
Afin de réaliser notre souhait d’avoir un enfant, Bastien et moi avons convenu de faire l’amour 1 fois tous les 2 mois, mais il faut vraiment avoir beaucoup de chance pour que ça fonctionne. Comme j’ai déjà 39 ans et que nous voulons augmenter nos probabilités d’avoir un enfant avant qu’elles ne soient complètement compromises, nous avons finalement décidé de nous rendre dans une clinique de fertilité. Lors du premier entretien, ils nous ont immédiatement demandé à quelle fréquence nous faisions l’amour par semaine, ce à quoi j’ai répondu: ‘Par an, vous voulez dire?’
Le fait que Bastien et moi n’ayons que rarement, voire jamais, de relations sexuelles est la principale raison pour laquelle nous avons aujourd’hui recours à la FIV. Nous avons déjà fait plusieurs tentatives, mais sans résultat. Le mois dernier, nous avons fait une pause, et pour la première fois, Bastien a proposé de lui-même d’essayer plusieurs fois de façon naturelle. Il voit en effet à quel point je souffre physiquement et mentalement de cette démarche, sans compter que nous n’avons droit qu’à 6 tentatives remboursées.
À un moment donné, il faut bien s’arrêter, alors que nous ne souhaitons rien de plus que de devenir parents... Récemment, nous avons exceptionnellement fait l’amour 2 fois en 1 semaine, ce qui est un record pour nous. Nous allons bientôt dépasser les 10 rapports sexuels par an (rires). Je ne me fais pas d’illusions: les chances que je tombe enceinte naturellement sont minces. Les chances que Bastien ait davantage envie de faire l’amour sont nulles, mais le fait qu’il essaie pour avoir un enfant signifie tout pour moi.
Le fait que nous ayons rarement des relations est la principale raison pour laquelle nous recourons à la FIV
Des reproches à l’acceptation
Malgré notre situation sur le plan sexuel, j’ai toujours vu ce que Bastien et moi avions construit comme relation ensemble. Avant lui, j’ai vécu des relations destructrices, marquées par la violence émotionnelle et psychologique. J’ai même été violée par mon partenaire de l’époque, j’ai donc vécu des moments très difficiles. Avec Bastien, c’est complètement différent. Je suis incroyablement heureuse et reconnaissante de l’avoir comme partenaire. Nous sommes très à l’aise ensemble et pouvons être nous-mêmes à 100 %.
Je trouve que le sexe est essentiel, mais en fin de compte, je ne pense pas que ce soit suffisamment important pour détruire notre relation et tout ce que nous avons bâti ensemble. Avec quelqu’un d’autre, les choses seraient peut-être différentes sous la couette, mais le sexe n’est que du sexe après tout. J’ai eu plus qu’assez de relations sexuelles sans lendemain dans ma vie, tout comme j’ai traversé beaucoup d’épreuves, pour réaliser qu’il n’est pas évident de trouver un partenaire avec lequel on se sent aussi bien.
Essayer d’avoir un enfant est quelque chose que je ne m’étais jamais imaginée faire avec quelqu’un d’autre. Le fait que nous soyons ensemble à ce stade de notre vie a pour moi bien plus de valeur qu’une vie sexuelle épanouie, selon mes critères. Je pense toutefois que Bastien peut aussi s’estimer heureux que je sois têtue et que j’ai refusé de le quitter parce qu’il ne peut pas me donner ce que je veux sur le plan sexuel, mais j’ai préféré me concentrer sur ce qu’il peut m’offrir. C’est une décision que chacun doit prendre pour soi-même, mais compte tenu de mon passé, de mes expériences et de tout ce que Bastien m’apporte, cette décision a été facile à prendre.
Je n’ai jamais envisagé de mettre fin à notre relation. Pour nous, le sexe n’est pas essentiel à une bonne relation. La communication est la clé du succès, d’autant plus dans une relation sans sexe. L’humour est également très important. Alors qu’il y avait autrefois beaucoup de reproches, de disputes et de colère, Bastien et moi arrivons maintenant même à rire de la situation. Il faut savoir lâcher prise. Bastien et moi savons que le sexe est notre point faible, mais cela ne nous dérange plus.
Il existe d’autres moyens d’exprimer notre affection et notre amour l’un pour l’autre, et heureusement, ils sont nombreux. Bastien n’est peut-être pas l’homme de mes rêves, puisque nous n’avons pratiquement pas de vie sexuelle, mais il est l’homme de ma vie. Nous avons déjà vécu tellement de choses ensemble que le manque de sexe ne va pas nous séparer. Et si j’en ressens vraiment le besoin, il me reste toujours mon vibromasseur (rires). »
Texte: Marijke Clabots
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