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Les conseils d’une psy pour réconforter un proche

Justine Rossius

Câliner ou prendre quelqu’un dans les bras peut déjà lui apporter du réconfort. Mais parfois, cela ne suffit pas… Comment réconforter quelqu’un et l’aider à supporter sa tristesse ?

« Est-ce vraiment une raison d’être si triste ? » Dixit une mère à son fils de six ans qui vient de faire tomber sa glace par terre. « Tu n’as toujours pas tourné la page ? » Dixit une jeune femme à son amie qui vient de rompre. « Tu ne prendrais pas plutôt le temps de digérer tout ça ? » Dixit un homme à sa femme qui souhaite à nouveau tomber enceinte peu de temps après une fausse couche.

Voici quelques exemples simples qui démontrent à quel point le chagrin est vécu différemment par chacun·e. Et du fait que chacun·e le gère différemment. C’est ce qu’explique aussi la psychothérapeute Uus Knops. Une expérience qu’elle n’a pas apprise qu’avec son travail, mais surtout avec la mort de son frère, qui lui a causé beaucoup de chagrin. Elle s’est intéressée au deuil, mais aussi à la façon de se soutenir dans la douleur. Parce qu’après la tristesse, vient le réconfort. 

Partager son chagrin

Supporter un chagrin peut être très difficile. C’est pourquoi il existe le réconfort. Le réconfort peut guérir et permettre d’alléger le poids de la tristesse. Mais comment, exactement ? 

La psychothérapeute, Uus Knops « Les personnes confrontées au chagrin ont besoin de s’asseoir un moment sur un banc au bord du chemin de la vie. Parce que ça devient juste trop pour eux. Notre société a tendance à vouloir les tirer de force de ce banc, de leur dire que le chagrin finira par passer, que la vie continue. Or à ce moment-là, la personne assise sur ce banc a juste besoin que quelqu’un vienne s’asseoir à côté elle. Cela lui offre une reconnaissance qui peut lui donner l’impulsion de se relever et d’aller de l’avant. Avec un peu d’aide, ces personnes doivent pouvoir quitter ce banc par elles-mêmes, à leur propre rythme. Une partie de ces personnes sera toujours inconsolable, mais leur entourage peut contribuer à rendre leur voyage plus facile. C’est ça, le réconfort. »

Cela signifie-t-il que la personne doit juste rester assise sur le banc en attendant que quelqu’un passe ? Ou est-ce que cela fonctionne aussi dans l’autre sens et qu’il est normal de demander du réconfort si on sent qu’on en a besoin ?

« Certaines personnes, lorsqu’elles sont tristes, ont effectivement tendance à attendre d’être secourues, explique la psychothérapeute. Et si cela ne se produit pas, elles sont en colère. Mais lorsqu’on est triste, on garde une part de responsabilité et on peut demander de l’aide. C’est peut-être un peu spécifique à notre culture de vouloir rester pudique et de ne pas oser devenir un fardeau pour les autres. Mais en agissant de la sorte, nous sous-estimons à quel point les autres peuvent être contents de nous aider. Le fait que vous puissiez représenter quelque chose pour quelqu’un signifie qu’il existe un lien de confiance, que cette personne se sent en sécurité avec vous, qu’elle ose vous demander de l’aide et que pour elle, vous représentez quelque chose dans ce processus difficile. Cela implique aussi la règle tacite selon laquelle en tant que personne qui console, vous devez pouvoir dire quand ce n’est pas le bon moment pour vous. Cette honnêteté renforcera de la clarté et évitera à la personne qui souffre de devoir, en plus de son chagrin, tenter de comprendre ce que vous voulez dire ou pas. »

Ça va aller

Quand il s’agit du drame de cette boule de crème glacée qui tombe, on peut encore s’en tirer juste avec un regard compréhensif à son enfant. Mais qu’en est-il d’une rupture amoureuse douloureuse, d’une fausse-couche, du décès d’un proche ? Dans certains cas, offrir du réconfort n’est pas aussi simple qu’il y paraît.

« Nous pensons parfois que réconforter est difficile, parce que les gens ne savent pas quoi dire ou faire, explique la psychothérapeute. Et chacun a ses raisons pour ça aussi. Peut-être la personne a-t-elle elle-même trop de chagrin à porter, ou qu’elle a peur de dire ou de faire quelque chose d’inapproprié. Il est plus facile dans ce cas, de se dire que la personne qui a du chagrin n’a de toutes façons pas besoin de vous, par exemple. Ou de l’ignorer. C’est dommage, car les gens sous-estiment ce qu’ils peuvent représenter pour quelqu’un. Un exemple qui connaît aujourd’hui heureusement un succès croissant est celui de la soupe : il s’agit simplement de déposer de la soupe devant la porte de quelqu’un qui traverse une phase difficile. C’est un petit geste, mais il en dit long : cette personne pense à vous. Vous pouvez également faire la différence en ligne. Sur les réseaux sociaux, les gens laissent facilement un cœur ou un petit message et même si ça peut sembler léger, cela signifie quand même que des gens pensent à vous, et cela fait du bien. »

Il y a les petits cœurs, mais aussi les mots réconfortants que tout le monde saupoudre automatiquement, en ligne ou hors ligne : « Ça va aller. Courage. Tu dois accepter ta tristesse. » De belles paroles, bien sûr. Mais en cas de grande souffrance, elles ne sont pas très utiles.

« Il est typiquement humain de chercher des solutions aux problèmes qui surviennent, il s’agit d’un réflexe d’aide, précise la psychothérapeute. À quelqu’un qui a le cœur brisé, vous pourrez lui dire qu’il rencontrera quelqu’un de mieux. Or même si c’est la vérité, cela n’aura aucune valeur de consolation à ce moment-là. Face à la tristesse, il n’y a souvent pas de solution, il n’y a que du réconfort. Et ce réconfort, vous pouvez l’offrir en reconnaissant la tristesse. C’est la base du réconfort, et chacun peut partir de là. Plutôt que d’essayer de relativiser ou d’éviter le chagrin de quelqu’un, vous pouvez lui poser une question : pourquoi cette chose ou cette personne était-elle tellement importante pour lui ? Pourquoi le manque est-il si grand ? Ces questions lui permettront de raconter son histoire, et cela, en soi, apporte du réconfort. En écoutant, vous vous rapprochez du chagrin, de l’histoire et de la douleur. Et à ce moment-là, vous commencez également à ressentir la tristesse et l’impuissance de l’autre, ce qui vous permettra de mieux comprendre sa situation. Écouter l’histoire de quelqu’un vous incitera aussi à offrir du réconfort d’une manière qui aura du sens pour votre interlocuteur. Après le décès d’un grand-parent, quelqu’un vous dit que les visites du dimanche lui laisseront un grand vide ? Envoyez-lui un petit message le dimanche, montrez-lui que vous l’avez écouté, que vous savez que le chagrin est là. »

Rire et pleurer

Si certaines personnes ont besoin de rester assises en silence sur ce banc métaphorique, d’autres auront besoin de parler, de rire ou de pleurer ensemble. Mais comment savoir ce qui fonctionne avec qui ? 

« La consolation peut venir de beaucoup de choses, explique la psychothérapeute. Être ensemble en silence, rire ou pleurer, mais aussi se balader dans la nature, faire du sport ou se plonger dans une activité artistique. Pour certains, le soutien des amis fait des miracles, tandis que d’autres cherchent simplement à s’évader de la situation. Souvent, vous pourrez sentir ce dont la personne a besoin dans un moment de tristesse. Cela dépend aussi de la personne qui est triste et de celle qui réconforte. Il n’y a pas non plus de mal à poser des questions concrètes, donc n’hésitez pas à demander à l’autre s’il veut parler de ses émotions ou s’il ne préfère pas. Quoi qu’il en soit, tout effort de réconfort sera apprécié et même un mot cliché comme ‘courage!’ est considéré comme bien intentionné. Les personnes qui souffrent ont généralement beaucoup de tolérance et de gratitude à cet égard, mais ce serait bien qu’elles aient moins à compter sur ces phrases-là et qu’elles puissent trouver une connexion plus profonde avec les autres. »

À faire

• Soyez présent·e :vous pouvez réconforter dans le feu de l’action, mais c’est aussi bienvenu après-coup. Vous savez que l’anniversaire d’un décès approche ? Envoyez une carte à la personne en deuil. Une personne vous dit que ses appels avec un proche lui manquent ? Passez-lui un coup de fil. Ces gestes lui permettront de sentir qu’elle n’est pas seule, que quelqu’un pense à elle.

• Reconnaissez la tristesse : une personne vous confie qu’elle se sent mal, seule ou désespérée ? Dites-lui que vous comprenez, que vous reconnaissez ce sentiment. 

• Posez des questions :Vous ne savez pas quoi dire ? Ce n’est pas grave, vous pouvez simplement laisser l’autre parler. Posez-lui des questions sur ce qui s’est passé, sur comment il ou elle se sent, sur ce qu’il ou elle veut faire ou ne pas faire. Raconter son histoire et se sentir écouté sans jugement peut déjà se révéler immensément réconfortant.

• Laissez les émotions s’exprimer :on a parfois le réflexe de dire à quelqu’un : “Ne pleure pas ?” Or il est totalement normal de pleurer. Ça peut même faire du bien. Laissez l’autre exprimer ses émotions, ne tentez pas de l’arrêter.

À ne pas faire

• Détourner la conversation :Vous connaissez peut-être quelqu’un qui a vécu la même expérience, à quelques détails près, que la personne que vous essayez de réconforter. Par ignorance ou par maladresse, il est alors facile de détourner la conversation ou de raconter cette histoire. Même si cela part d’une bonne intention, sachez que cela n’aide pas. Vous pouvez parler de votre propre expérience, mais le moment doit être bien choisi. Le chagrin est encore grand ? Écoutez simplement l’histoire en question. La personne se sentira écoutée et reconnue et vous ferez ce que vous pensiez ne pas être capable de faire : offrir du réconfort.

• Relativiser :Oui, le chagrin deviendra un jour plus supportable, mais ça, c’est à la personne concernée de l’expérimenter par elle-même. Et avant que cela arrive, elle devra traverser son chagrin. Ne commencez donc pas à faire des blagues ou à sortir des clichés pour tenter de balayer tout ça, parce que le chagrin a tendance à s’accrocher.

• Proposer des solutions :Ne forcez personne à trouver des solutions, même si cela semble être la meilleure option. Une personne qui souffre ne peut pas encore penser à des solutions, elle a juste besoin de sentir qu’elle n’est pas seule et qu’elle a du soutien. Ces solutions arriveront plus tard, le moment venu.

Texte :Nele Reymen et Julie Braun

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