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alopécie
© Laura D’haenens

À COEUR OUVERT: « Ce ne sont que des cheveux. Jusqu’à tous les perdre »

Zoé Gascoin Rédactrice web

Ce ne sont que des cheveux. Jusqu’au jour où on les perd. C’est la réalité à laquelle environ 2 Belges sur 100 sont confronté·e·s lorsqu’ils·elles reçoivent un diagnostic d’alopécie. Le sujet reste tabou. Laura D’haenens, coach dans l’accompagnement des personnes atteintes d’alopécie, souhaite faire bouger les choses.

Laura D’haenens vit avec l’alopécie depuis 30 ans. Longtemps, elle a eu le sentiment de devoir affronter cette maladie seule. En Belgique, les personnes atteintes d’alopécie manquent encore cruellement de reconnaissance, d’écoute et de soutien. C’est pourquoi Laura D’haenens a décidé de prendre les choses en main. Elle s’est formée, a suivi plusieurs spécialisations, et est aujourd’hui coach en alopécie. Mais au fond, quelle est cette maladie silencieuse qui lui a fait perdre ses cheveux?

Laura D’haenens: « L’alopécie est une maladie auto-immune dans laquelle le corps attaque les follicules pileux, ce qui provoque la chute des cheveux. Cela peut se manifester par de petites plaques chauves (alopécie areata), mais aussi par une perte complète des cheveux sur le crâne (alopécie totalis), et chez certaines personnes, sur l’ensemble du corps, y compris les sourcils, les cils et les poils corporels (alopécie universalis). Dans mon cas, tout a commencé par quelques petites zones dégarnies, mais peu après, j’avais perdu tous mes cheveux.

Dans la plupart des cas, l’alopécie n’est pas une maladie héréditaire, elle se développe à un moment donné de la vie. Cela peut survenir dès le plus jeune âge, ou seulement plus tard. Ce qui complique encore les choses, c’est qu’aucune cause claire n’a été identifiée. On sait que le stress ou des événements traumatisants peuvent aggraver ou déclencher la chute des cheveux, mais pourquoi la maladie apparaît reste un mystère. De plus, son évolution est très imprévisible. C’est ce qui rend cette maladie si frustrante: on ne sait pas pourquoi cela arrive, ni si et quand cela s’arrêtera. »

Espoir vain

Quand on ne sait pas ce qui cause une maladie, il est difficile d’agir efficacement. Après 30 ans, Laura conclut que les traitements proposés ne soulagent généralement que temporairement, et entraînent souvent plus d’effets secondaires que de résultats.

Laura D’haenens: « Il est tout à fait normal, lorsque l’on découvre que l’on a de l’alopécie, de vouloir envisager toutes les options médicales. Pour moi, ce fut pareil quand j’étais plus jeune. Mais après 30 ans passés avec la maladie, je préfère être honnête: les chances de voir une amélioration sur le long terme sont très faibles. Il existe bien des traitements, comme les corticostéroïdes (sous forme de crèmes ou d’injections), la luminothérapie, ou des médicaments plus récents tels que les inhibiteurs de JAK. Dans certains cas, surtout pour les formes débutantes ou légères d’alopécie, ces traitements peuvent temporairement favoriser une repousse des cheveux. Mais chez beaucoup de personnes, cet effet est de courte durée, voire absent. Au début, on espère bien sûr un miracle. Alors on essaie tout. Mais souvent, à la longue, les effets secondaires rendent malade bien davantage que la maladie elle-même. Pour beaucoup de patients – comme moi – vient un moment où ils abandonnent la quête médicale et choisissent l’acceptation, avec ou sans perruque. À un certain point, on réalise: mon corps n’est pas malade, ce sont seulement mes cheveux qui tombent. Et ce n’est pas la même chose. »

Au-delà du physique

Cette acceptation ne se fait pas du jour au lendemain. L’impact mental est loin d’être négligeable.

Laura D’haenens: « Que nous le voulions ou non, les cheveux sont pour beaucoup d’entre nous profondément liés à notre identité, notre féminité et notre estime de soi. Quand ils disparaissent soudainement, ce n’est pas seulement un changement physique, c’est aussi un lourd fardeau émotionnel à porter.

À cela s’ajoute souvent l’incompréhension de l’entourage: les gens pensent que vous êtes malade, ou lancent un: ‘ce ne sont que des cheveux, après tout.’ Mais si cela vous rend chaque jour plus fragile, si vous n’osez plus aller nager, en parler avec votre partenaire, ou sortir quand il y a du vent ou de la pluie, alors ce ne sont vraiment pas ‘que des cheveux.’ »

Beaucoup de personnes atteintes d’alopécie tentent par tous les moyens de cacher leur perte de cheveux. Elles dorment avec une perruque, se lèvent plus tôt pour redessiner leurs sourcils, évitent les échanges. Même une petite zone chauve peut complètement déstabiliser quelqu’un. Ce besoin constant de se cacher peut peser lourd, tant physiquement que mentalement. L’alopécie ne concerne donc pas seulement ce que l’on voit dans le miroir, mais surtout ce que l’on ressent à l’intérieur. C’est pourquoi le soutien émotionnel est tellement important.

Charge financière

Malheureusement, ce soutien vient rarement de la part des pouvoirs publics ou d’autres institutions officielles. En Belgique, il n’existe pas d’association dédiée à l’alopécie. Les patient·e·s doivent également compter sur peu d’aide face aux difficultés financières et pratiques.

Laura D’haenens: « Les patients atteints d’alopécie qui veulent tout faire pour ne pas paraître ‘différents’ doivent aussi faire face à un coût élevé. Pensez au maquillage permanent, au microblading ou aux perruques. Par exemple, une perruque en cheveux naturels coûte vite 2500 €. Si vous n’en avez qu’une seule et que vous la portez régulièrement, elle doit généralement être remplacée au bout d’un an. Pourtant, la sécurité sociale belge offre très peu d’aide: tous les 2 ans, elle rembourse une somme de 180 €, à condition de fournir un certificat médical à chaque fois. Mais ce qui manque encore plus que l’aide financière, c’est l’information et l’accompagnement psychologique. Même auprès de thérapeutes, beaucoup de personnes ne trouvent pas le soutien qu’elles cherchent, car ils ne comprennent pas l’impact profond que cette maladie a sur l’estime de soi, et donc sur la vie quotidienne. »

Prendre les choses en main

C’est pourquoi Laura D’haenens, forte de son expérience et en tant que coach spécialisée, propose un accompagnement dans son cabinet.

Laura D’haenens: « J’aide les personnes à gérer leur perte de cheveux d’une manière qui leur convient. Cela peut être purement émotionnel, par la parole, mais souvent, nous passons aussi à l’action. Nous élaborons ensemble un plan d’action, fixons des objectifs réalisables et cherchons des outils qui les renforcent. Ces outils sont étonnamment variés: d’une lettre d’amour motivante à soi-même  à un fichier audio d’affirmations positives, en passant par des exercices sur l’image de soi et la communication. Certains n’osent pas encore montrer leur perte de cheveux à leur partenaire. Nous travaillons alors pas à pas pour préparer ce moment. D’autres sont bloqués par la honte ou la peur. Nous essayons de briser ces pensées. Je n’offre pas de remède miracle, mais une écoute attentive, de la reconnaissance, et surtout, un chemin vers l’avenir. Beaucoup de personnes atteintes d’alopécie pensent qu’elles sont seules, mais ce n’est pas le cas. »

En Belgique francophone, il n’existe pas d’association dédiée à l’alopécie, mais l’association française La Tresse soutient les personnes atteintes d’alopécie, surtout les femmes: latresseassociation.com. Et vous pouvez contacter la coach Laura D’haenens: info@alopeciacoachlaura.be.

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