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Témoignage: ““Je suis née grâce à un don de sperme””

Barbara Wesoly
Que ressent-on quand on est née grâce à un don de sperme anonyme et que l'on ne connaît rien sur ses origines paternelles? C'est le cas de Monique, 33 ans, qui a découvert qu'elle avait quatre demi-sœurs du même âge. 

"Ma mère était mariée à un homme qui s’appelait John. Elle voulait absolument avoir des enfants, mais on s’est rendu compte que John était stérile... Comme elle n’arrivait pas à tomber enceinte, quelqu’un lui a conseillé un médecin hollandais, qui l’a inséminée artificiellement grâce à un don de sperme. Et ça a marché puisqu’en août 1980, mon frère est né. Quand ma mère a voulu un second enfant, elle a repris contact avec le même médecin: elle voulait un enfant du même donneur. Elle a été inséminée une seconde fois et, en 1982, c’est moi qui ai vu le jour... Mais malgré ces deux naissances tant attendues, la relation entre ma mère et John n’a pas tenu: je n’avais pas 2 ans quand il parti. Même si je ne l’ai pas connu, pendant quatorze ans j’ai cru que John était mon père... Alors qu’en fait, il n’en était rien.

 

Mon vrai frère?

Quand j’ai eu 14 ans, l’idée de rencontrer John – mon vrai père – a commencé à me démanger. Ce n’était pas la figure paternelle qui me manquait, mais je voulais entendre sa version de l’histoire, comprendre pourquoi et comment il nous avait tous laissés tomber. Ma mère a découvert mes recherches et elle a saisi l’occasion pour nous faire connaître la vérité, à mon frère et à moi... Elle nous a mis sous le nez un article qui parlait d’un enfant né grâce à un donneur de sperme. Je l’ai lu, puis j’ai dit: ‘Mais cela n’a rien à voir avec nous, tout de même?’.

C’est alors qu’elle nous a révélé que nous avions été conçus par don de sperme... Je suis restée clouée sur place, mais je ne me rendais pas encore compte de toutes les conséquences que ça allait avoir.

Je ne sais pas qui est votre père biologique, mais vous provenez tous les deux du même donneur’, a-t-elle dit pour nous rassurer. Mais comme mon frère et moi nous nous ressemblons autant que le jour et la nuit, quelques années plus tard, je me suis mise à avoir des doutes...

 

Quatre demi-sœurs

Quand la base de données ADN a été créée en Hollande, ça a commencé à me travailler. J’ai réussi à convaincre mon frère et, en 2014, nous nous sommes inscrits pour effectuer des tests de paternité. En mars 2015, nous avons appris que nous n’étions pas du même père... Pour moi, ça ne faisait que confirmer mes doutes. Mais la plus grande surprise est arrivée deux semaines plus tard: Fiom (un organisme hollandais d’assistance aux personnes ayant des questions sur leur ascendance) m’a appelée.

‘Félicitations’, m’a dit la dame au téléphone, ‘vous avez deux demi-sœurs’. Je me suis mise à rire si fort que j’en pleurais...

C’était tellement bizarre: je venais à peine d’apprendre que mon frère n’avait pas le même père que moi et tout à coup je me retrouvais avec deux demi-sœurs! Je les ai rencontrées pour la première fois en mai 2015. Entretemps, ma ‘famille’ s’est encore agrandie: quelques mois plus tard, j’ai fini par apprendre que j’avais deux autres demi-sœurs! (rires) Le plus fou dans tout ça, c’est que nous sommes toutes les cinq nées en 1982..."

 

Un vide comblé

Je me sens heureuse avec mes demi-sœurs. Il me semble qu’elles ont comblé un vide: ce n’est pas facile de ne rien savoir d’un de ses deux parents. Pendant des années, j’ai vécu avec le sentiment qu’on m’avait menti, je trimballais une tonne de questions sans réponses... Maintenant, je sais que mes sœurs étaient comme les parties manquantes d’un puzzle. En janvier dernier, nous nous sommes retrouvées toutes ensemble pour la première fois. C’est étrange, mais aussi très agréable de voir qu’il y a tant de similitude entre nous: pas seulement dans nos visages, mais aussi dans nos gestes ou notre façon de parler. Si on compare nos photos d’enfance, on pourrait croire que nous sommes des quintuplées! Le fait d’avoir appris à les connaître m’a fait énormément de bien, ça m’a mis du baume au cœur. Même si nous sommes encore des étrangères les unes pour les autres, ça me semble naturel... D’autant que peu de gens ont la chance de découvrir qu’ils ont des demi-sœurs et demi-frères: ils ne savent pas souvent qu’ils sont des enfants de donneurs anonymes. Et s’ils le savent, ils doivent s’inscrire dans une base de données ADN qui est payante et ne leur garantit même pas de résultats!

 

Savoir à qui on ressemble

Ma plus grande interrogation au sujet du don de sperme, concerne l’absence totale de contrôle: on n’a aucune idée du nombre d’enfants engendrés par le même donneur...Dans le passé,il pouvait y en avoir des dizaines, voire des centaines! Que se passerait-il si on tombait amoureuse de l’un d’eux? L'idée que je puisse avoir des liens de sang avec mon futur partenaire me tétanise. Je ne sais pas si ça a un rapport, mais c’est peut-être à cause de ça que j’ai une préférence pour les hommes de couleur: après tout, si mon partenaire a un père noir, il ne peut pas être mon frère... Il faudrait plus de transparence sur les dons de sperme. Chaque enfant a le droit de connaître ses origines. Bien sûr, nous devons respecter le choix de nos parents, mais en tant qu’enfant d’un donneur, je n’ai rien choisi... Je ne dis pas non plus que je veux créer un lien avec mon père biologique, mais c’est tout de même normal que nous ayons ce besoin de connaître nos origines non? Nous voulons pouvoir nous regarder dans un miroir et savoir de qui nous tenons nos caractéristiques: pour les enfants de donneurs de sperme, tout cela reste un mystère..."

 

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