Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…
© Corbis

““Je veux le quitter, mais il menace de se tuer””

Anne a 26 ans et est en couple depuis 6 ans avec un homme aux tendances suicidaires. Elle reste avec lui par culpabilité. Car de l'amour, il n'y en a plus.

"L'amour est parti. Si je reste, c'est juste parce que je ne veux pas avoir sa mort sur la conscience. Tout ce que j'espère, c'est que c'est lui qui finira par en avoir marre de moi". Ces mots, durs, sont ceux d'une femme qui ne supporte plus le rôle qu'elle a pris dans le couple. "Je ne suis pas son amoureuse. Je suis juste la mère qu'il n'a jamais eue. Si je ne prends pas soin de lui, il va mourir."

 

À chaque tentative de rupture, une tentative de suicide

"J'ai déjà tenté de quitter David à deux reprises. Les deux fois, on l'a retrouvé juste à temps. Il ne m'avait pas menacée, il n'avait pas non plus crié. Il m'a juste fait comprendre qu'il ne pouvait pas vivre sans moi. Et je sais qu'il le pense. Au début de notre relation, j'ai appris qu'il venait d'une famille très destructrice. Son père était agressif et sa mère totalement dépressive. Il n'avait que 19 ans, mais il avait déjà traversé un max de galères.

 

Nous étions ensemble depuis quelques mois seulement quand il s'est fâché à mort avec ses parents. Juste après le clash, il est venu vivre chez mes parents. Mais là aussi, les choses ont fini en drame. Quand David traversait des périodes plus sombres, il était ingérable. Un an après notre rencontre, nous avons cherché un appartement. David avait trouvé un job de facteur. Je me suis dit que ce travail qui offrait pas mal de liberté et qui lui permettait aussi de passer beaucoup de temps à l'extérieur allait lui convenir. Moi, je poursuivais mes études. Nous n'avions pas d'argent, c'est vrai, mais nous étions tous les deux. Pour nous, c'était l'essentiel.

Au fil des mois, ses crises de colère devenaient de plus en plus fréquentes. Il se montrait très agressif. Après chaque crise de colère, il culpabilisait et se confondait en excuses. Il me jurait de ne plus jamais péter les plombs. Des promesses jamais tenues, malheureusement!

 

Je lui ai alors annoncé que je voulais le quitter. C'était la première fois. Il ne comprenait pas pourquoi. À ses yeux, nous étions tellement bien ensemble. Je lui ai expliqué que ses sautes d'humeur perpétuelles avaient fini par me lasser et que j'avais désormais besoin de calme et de stabilité. J'étais bien décidée à retourner vivre chez mes parents. Contre toute attente, David est resté très calme. Étrangement calme d'ailleurs. Ce soir-là, j'ai eu du mal à m'endormir. D'abord parce qu'il me manquait. Ce n'était pas parce que je ne voulais plus vivre avec lui que je n'avais plus de sentiments. Je me faisais aussi pas mal de soucis pour lui!

Ce soir-là, je lui ai envoyé des SMS auxquels il n'a pas répondu. Tout à coup, j'ai eu une sorte de terrible pressentiment.

 

À une heure du matin, j'ai foncé jusqu'à notre appartement. J'ai trouvé David couché sur le canapé, inanimé. Tout de suite, j'ai vu la boîte de cachets qu'il avait avalée. Mon cœur s'est mis à battre à toute vitesse. J'ai appelé une ambulance. Les infirmiers ont tenté de le ranimer pendant 20 longues minutes. On lui a ensuite fait un lavage d'estomac. Il lui a fallu trois jours entiers pour revenir à lui. Pendant tout ce temps, je suis restée à ses côtés. Sa tentative de suicide m'a fait réaliser à quel point je tenais à lui. David m'a promis d'entamer une thérapie pour mieux gérer ses crises de colère.

 

D'amoureuse à maman

Pendant un an et demi, notre relation est restée au même stade. David était suivi, mais rien ne changeait vraiment. J'avais même l'impression qu'il s'enfonçait. Le voir sombrer sans accepter aucune aide extérieure me rendait folle.

Et s'il refaisait une bêtise un jour, je devrais vivre avec sa mort sur la conscience.

J'ai discuté avec des copines, ainsi qu'avec un thérapeute pour finalement arriver à la conclusion que je devais enfin vivre pour moi-même. S'il refusait d'être sauvé, je n'étais pas en mesure de le sauver moi non plus. J'ai décidé de partir une deuxième fois. Lorsque j'ai franchi la porte, David m'a annoncé la couleur. Tout de suite, j'ai su qu'il allait tenter de mettre fin à ses jours. Quatre heures plus tard, j'ai en effet reçu un coup de fil de son meilleur ami qui venait de le retrouver inanimé.

Pendant tout le trajet jusqu'à l'hôpital, les larmes m'empêchaient presque de voir la route. J'étais rongée par la culpabilité. À cet instant précis, bien que son côté sombre me pourrissait la vie, j'ai compris que je n'arriverais pas à partir. 

 

Tout comme la première fois, je l'ai accompagné jusqu'à son réveil. J'étais comme une maman au chevet de son enfant malade. Si je ne prenais pas soin de lui, personne ne le ferait. Dit comme ça, je réalise que ça peut paraître très froid, mais il faut dire qu'en six ans, j'ai eu le temps de m'endurcir.

L'amour est parti. Mes espoirs aussi. 

 

Si je reste, c'est juste parce que je refuse de vivre avec sa mort sur la conscience. Et tout ce que je souhaite, c'est que ce soit finalement lui qui se lasse de moi. Le plus tôt sera le mieux."

 

Texte: Frauke Joossen. Adaptation: Marie Honnay.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires