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© Karel Daems

““Je n’ai jamais envie de faire l’amour””

Amandine de Harlez
Le sexe est omniprésent dans notre société. Mais pour une personne sur cent, il ne signifie pourtant absolument rien. Ces personnes ne se sentent pas sexuellement attirées par autrui. C'est ce qu'on appelle l'asexualité. Deux jeunes femmes se confient sur cette orientation encore taboue.

Cheyenne, 21 ans, est étudiante en soins infirmiers et vit en couple depuis trois ans

"À 18 ans, j'ai rencontré un garçon. Tout se passait très bien, mais je n'avais jamais envie de lui. Après six mois, on a fait l'amour pour la première fois. C'était effrayant. Les fois d'après, je me suis aussi sentie en panique et au fil du temps, j'ai découvert que j'avais une aversion sexuelle.

J'éprouve de la peur, du dégoût et de la répulsion pour le sexe. Et pour la première fois, j'étais heureuse de pouvoir mettre un nom sur ce que je vivais.

Heureusement, mon copain a rapidement voulu m'aider à vaincre ma peur et ça a diminué mes angoisses. Mais j'ai encore très peu envie de faire l'amour. Il ne me met pas la pression quand je n'ai pas envie de lui, et moi, je fais des efforts pour faire l'amour de temps en temps pour lui faire plaisir. Personnellement, je pourrais très bien vivre sans sexe.

 

Facebook comme béquille

J'ai créé un groupe Facebook pour les personnes asexuelles de Belgique. J'ai reçu des réactions très positives de personnes 'comme moi' qui se sentent enfin comprises, mais aussi de personnes qui ne le sont toujours pas. Il faut que les gens comprennent l'asexualité et se sensibilisent à ce sujet. Plus on en parlera, plus ça deviendra normal aux yeux des gens."

 

Anne-Laure, 20 ans, étudie la littérature et heureuse célibataire

"Je me suis toujours sentie différente des autres filles. La puberté a été une période très difficile pour moi, surtout parce que j'essayais vraiment de me convaincre que j'étais normale. Pourquoi n'avais-je aucune attirance sexuelle? Je me suis forcée à trouver un petit ami. C'était super bizarre de l'embrasser. Après quelques mois, j'ai appris qu'il me trompait, et j'ai rompu. Si c'était ça dont tout le monde parlait, je préférais rester seule.

À 18 ans, je suis tombée par hasard sur un article sur l'asexualité et c'est ce qui m'a sauvée. Je m'y suis totalement reconnue.

Ce fut un énorme soulagement, j'étais si heureuse. Enfin, je savais que c'était possible de ne pas ressentir l'envie de faire l'amour et que ce n'était pas de ma faute!

 

Les autres ne me croient pas

Personne ne sait ce qu'est l'asexualité et beaucoup ne comprennent pas ou ne croient pas que quelqu'un ne soit pas intéressé par le sexe. On m'a même demandé si j'étais sexuellement attirée par... les animaux. En plus d'être asexuelle, je suis également aromantique. Je suis parfaitement heureuse avec moi-même, ma famille et mes amis, mais je n'ai aucun besoin de relations sexuelles ou amoureuses. Mon idéal, ce serait de partager une maison avec de très bons amis."

 

L'avis de la sexologue Kaat Bollen

"Les personnes asexuelles ne ressentent jamais de désir sexuel ou d'attirance sexuelle. Elles peuvent éventuellement tomber amoureux et être en couple et elles peuvent aussi faire l'amour et jouir, mais ça ne leur fait rien. Lorsqu'elles font l'amour, elles n'en profitent pas. Parfois, elles considèrent même ça comme une corvée."

 

Peut-on parler d'asexualité lorsqu'on n'a pas envie de faire l'amour pendant un certain temps?

"Non, certainement pas. Il est tout à fait normal de ne pas avoir envie de sexe de temps en temps."

 

Comment gérer l'asexualité?

"Les personnes asexuelles sont souvent en couple ou aimeraient l'être, et vu que leur partenaire n'est pas dans le même cas, cela peut être difficile de trouver un équilibre. Certaines personnes asexuelles décident de faire l'amour avec leur partenaire, de se forcer pour le bien de la relation, d'autres optent pour une relation de couple libre. D'autres encore préfèrent masturber leur partenaire sans être touchées. Le plus important reste de pouvoir en discuter tranquillement avec son partenaire, sans tabous, sans honte."

 
Par Chaima Saysay. Photos: Karel Daems. Adaptation: Justine Rossius.

 

À chacune, ses envies...

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