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Témoignages

J’ai sauvé une vie

Elles ont débarqué dans leur vie alors qu’elle ne tenait plus qu’à un fil. Guidées par leur instinct, drillées par l’adrénaline, avec en tête un seul objectif: ne pas les laisser partir.

Audrey, 25 ans, sapeur-pompier, Bruxelles

“D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être pompier: faire un métier qui bouge, rendre service aux autres... J’ai rejoint le corps à 21 ans, après avoir suivi l’instruction nécessaire pendant six mois. En tant que pompier, on ne fait pas qu’éteindre des incendies, on a 22 missions à mener (dégagement et repêchage de personnes, intervention en cas d’inondations...). Les missions en ambulance représentent 80 % de notre charge de travail (l’image que le public se fait du métier reste donc extrêmement tronquée, ndlr). Comme tous les pompiers, je travaille pendant 24 h, puis j’ai droit à un break de trois jours. Tous les quatre jours, je suis donc conditionnée à faire face à des situations d’urgence et préparée à une montée d’adrénaline. Comme c’est arrivé ce vendredi de décembre 2008.

Empêcher l’état de choc

Il était 17 h, mais il faisait déjà noir. On a reçu un appel d’urgence à la caserne: une personne avait été retrouvée blessée sur la voie publique. En arrivant sur les lieux, mon collègue et moi avons très vite constaté qu’il ne s’agissait pas d’un simple blessé; une adolescente avait tenté de se suicider en se défenestrant. Elle était allongée sur le trottoir. Polytraumatisée.
En attendant le SMUR (service mobile d’urgence et de réanimation, ndlr), je l’ai empêchée d’entrer en état de choc (incapacité du système cardio-circulatoire à fournir une quantité d’oxygène suffisante aux tissus; urgence qui évolue vers la mort en l’absence de traitement, ndlr) en la maintenant bien au chaud: je l’ai donc protégée avec une couverture spéciale et ai demandé au voisinage d’en apporter d’autres.
Le SMUR est arrivé deux minutes après nous: un médecin et deux infirmières. Il était indispensable qu’on stabilise l’état de la jeune fille avant de l’emmener à l’hôpital. Nous lui avons donc prodigué les premiers soins pour que son transfert s’effectue dans les meilleures conditions. Dans ce cas-ci, la stabilisation demandait qu’on la mette en coma artificiel. On a ensuite dû la placer dans l’ambulance... Un geste ultra délicat, on considère les victimes polytraumatisées comme du verre! Quand on a réussi la manipulation, je suis montée à l’arrière de l’ambulance, avec le médecin et une infirmière. Pendant le trajet vers l’hôpital, mon rôle était de ‘ballonner’ la victime.

Des visages, des odeurs

Dès notre arrivée à l’hôpital, on a transmis les infos sur la patiente à l’équipe des urgences (âge, circonstances de l’accident, paramètres...). Quand l’équipe a eu les cartes en main, elle a pris le relais. Mon boulot, à moi, s’est arrêté là. Cette coupure brutale procure souvent un sentiment d’inachevé, mais l’idée que je vais être appelée dans les minutes qui suivent et être utile ailleurs balaye cette frustration.
J’ai déjà constaté que je me rappelais davantage des détails que mes collègues masculins: je me souviens des regards, des visages, des noms, des odeurs de tabac et d’alcool même. Mais je sais aussi en faire abstraction. On fait face à tellement de détresse, on rencontre tellement de gens en souffrance qu’on apprend à ne plus y penser pour se préserver en tant qu’individu.
Je n’ai jamais revu la jeune fille que j’avais prise en charge, mais j’ai eu de ses nouvelles via le médecin du SMUR. De bonnes nouvelles! Dans son malheur, elle avait eu une once de chance: l’accident avait eu lieu à quelques mètres de la caserne, nous étions intervenus très rapidement. Outre no

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