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© Johnny Hallyday has posted a photo on Instagram Reporters / NewsPictures

Le jour où j’ai reçu un coup de fil de Johnny Hallyday

Quand au réveil j’ai appris le décès de Johnny Hallyday, je me suis remémorée ce jour où, cette légende du rock, ce monstre sacré, cette bête de scène a composé mon numéro de téléphone. Celui d’une nana de 25 ans, perdue au fin fond de sa Belgique natale, qui allait réaliser l’un des entretiens qui marquerait, à jamais, sa carrière de journaliste.


 

J’ai la chance de vivre d’un métier qui me passionne, qui attise la curiosité, qui fait rêver. Mon job consiste à rencontrer des stars. Des stars de la chanson, du cinéma, du petit écran. Il y a eu les premières interviews, la voix tremblante, impressionnée. Il y a eu les rencontres décevantes, les entretiens ratés, les échanges intenses. Il y a ces stars qui vous font rire, celles qui vous draguent (parfois), celles qui vous émeuvent, celles que vous n’oublierez jamais, celles que vous ne pouvez plus sacquer, celles qui vous rabâchent les oreilles avec le même discours trop préparé. Il m’est arrivé de jouer les blasées. Puis, il y a ce jour où on vous annonce que vous allez interviewer Johnny Hallyday.

 

Johnny, la légende. On refuse d’abord d’y croire, puis on commence à se la raconter.”


 

Parce qu’on va pouvoir monopoliser la conversation lors du prochain dîner de famille, parce que Maman, Papa, Mémé et Pépé vont pouvoir saouler leur entourage, en plaçant le plus souvent possible en société, que leur progéniture a tapé la causette avec Johnny Hallyday. Puis, on se dit que les copines vont halluciner. Et, c’est là que tu réalises, que l’aura de Johnny Hallyday plane sur plusieurs générations.

Ensuite, tu commences à paniquer. Parce que tu vas interroger un mythe du rock’n’roll français, que forcément tu as envie de l’épater, de l’impressionner.

 

Tu commences à l’imaginer sur sa bécane, tirant sur sa clope, racontant à Laeticia ô combien l’interview qu’il vient d’accorder à ce petit bout de femme l’a chamboulée.

 


Puis, tu sors de tes rêveries et tu te mets à bosser, à préparer ton interview, à chercher un angle original, à pondre des questions saugrenues, celles qu’en cinquante ans de carrière il n’a jamais dû entendre.

En travaillant l’entretien, je me rends compte que j’en sais bien plus sur Johnny que ce que j’aurais pu imaginer. S’il est principalement la star de mes soirées karaoké un peu trop arrosées, j’ai aussi vu ses films au ciné, je connais sa discographie par coeur, je connais tous les détails croustillants de sa vie sentimentale, je peux mettre un nom sur le visage de chacun de ses enfants. On a tous quelque chose en nous de Johnny.

 

Il m’appelle depuis sa propriété de Malibu. Je laisse passer une sonnerie, puis deux. Le temps de me répéter de ne pas bafouiller, de ne pas perdre pied.”


 

C’est Laeticia qui est en ligne. J’avais eu l’occasion de la croiser à la sortie d’un restaurant parisien. Quand j’entends sa voix, je l’imagine à cet instant précis, belle et accessible. Elle gérait d’une main de fer, mais avec amour, la carrière de son pygmalion, l’homme qu’elle admirait et qu’elle a fini par épouser. C’est elle qui a annoncé son décès. Et, contrairement aux communiqués laconiques que nous, journalistes, avons l’habitude de recevoir lorsqu’une personnalité nous quitte, on découvre un texte poignant, signé de la plume de Laeticia en personne. Une épouse qui, quelques heures à peine après le décès de l’amour de sa vie, a trouvé la force et le courage de s’exprimer pour nous annoncer que l’homme qui partagé sa vie pendant 22 ans “a fermé les yeux”. En lisant ces lignes, je frissonne et me remémore le timbre de sa voix lorsqu’elle a appelé pour ensuite tendre le combiné à Johnny.

 

Plus de 100 millions de disques vendus et pourtant je devine l’humilité de la rock star. Mes inquiétudes s’évanouissent au son de sa voix rauque.


 

Johnny, il répond à toutes tes questions sans prendre de détour. Johnny, il est franc, il est rompu à l’exercice de l’interview. Johnny, il ne te toise pas, il ne remet pas en cause ta légitimité, même s’il devine au son de ta voix fluette que tu n’as pas encore 30 balais dans les dents. Johnny plaisante. Tu devines son sourire lorsqu’il évoque Jade et Joy, ses deux petites dernières. Joy est déjà une graine de star. Sa fille a de qui tenir. La relève est assurée. Il abrège la conversation. Dans quelques minutes, il s’envolera vers le Grand Canyon, qu’il rêve de faire découvrir à ses filles. Il raccroche et un sentiment de fierté m’habite immédiatement: “Waouw, j’ai interviewé Johnny Hallyday.”

 

Notre conversation a été enregistrée et, aujourd’hui, il me reste ce magnéto, ce souvenir d’une brève conversation, que je peux me repasser en boucle.


 

Je l’ai joué ce matin quand, au réveil, j’ai appris que “l’idole des jeunes” avait quitté ce monde.

Puis, j’ai allumé la radio et j’ai réalisé l’impact que Johnny avait eu sur son public. Des gens effondrés, en larmes, qui ont appelé leurs enfants Johnny ou Tennesse en hommage à la star, des gens qui ont pris congé pour faire le deuil de leur idole. Plus tard dans la journée, j’ai été m’acheter un sandwich pour déjeuner. Le magasinier jouait un best-of de Johnny dans sa boutique.

Alors, je me suis installée derrière mon écran et j’ai commencé à écrire. Quelques lignes sur le souvenir que m’a laissé Johnny Hallyday. Et, comme le vendeur de sandwichs de mon quartier, j’ai ressorti une vieille compilation de l’artiste avant de me mettre à pianoter.

 

Johnny, c’était ça aussi... 


 

 

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