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On a toutes un mec ““fond de frigo”” à ranger au placard

Kathleen Wuyard

S’il était un aliment, il serait ce reste de lasagne dont on n’a pas du tout envie, mais qu’on garde jusqu’à ce qu’il périme, au cas où on changerait d’avis. Prétendant de dépannage, le mec fond de frigo est un doudou un peu cruel qui apaise nos angoisses, même si on lui piétine le coeur au passage. Et si on le rangeait enfin au placard?


Une soirée entre copines à Liège, les cocktails qui s’enchaînent, et avec eux, les confidences entre deux éclats de rire. Unetelle a un nouveau mec, une autre profite de son célibat pour passer des soirées franchement improbables. Et puis Louise avoue avoir croisé Jules l’autre jour. Jules? Marrant, mais son nom n’évoque aucun souvenir, et pourtant, sa liste d’ex est connue de toute sa bande. Sauf lui, et c’est normal, car Louise ne l’a même jamais embrassé. De ses 15 ans à son entrée à l’unif’, Jules a été son “fond de frigo”, avec qui elle n’aurait absolument jamais envisagé de sortir (trop petit, pas assez cool) mais dont elle a exploité l’adoration à chaque fois qu’elle se sentait mal. Un chagrin d’amour, un râteau douloureux qui fait se sentir nulle et laide? Louise savait qu’il lui suffisait d’envoyer un petit message à Jules pour qu’il lui remonte le moral, et lui rappelle qu’elle était la plus belle.

Quand j’y repense, j’ai franchement honte de l’avoir traité comme ça. Je lui faisais miroiter qu’il avait ses chances, juste pour qu’il continue à m’adorer et à me complimenter. Quand je l’ai recroisé il y a quelques semaines, je l’ai évité parce que je n’étais vraiment pas fière de ce que je lui avais fait subir... En y repensant, je pense que j’aurais dû lui dire bonjour, et m’excuser d’avoir été une vraie connasse”


Seule consolation pour Louise: elle est loin d’être la seule, et à l’image des fonds de pots qui moisissent pour de vrai dans vos placards, les “mecs fonds de frigos” ont toutes les recettes possibles. Seul ingrédient en commun: un certain manque de transparence de la part des filles qui se les gardent en douce en prévision de vaches maigres.

Bouche-trou


Pour Clara, pas question de jouer ainsi avec les sentiments d’un pauvre diable. Non, vraiment, elle trouve ça cruel. Ce qui ne veut pas dire que son frigo émotionnel est vide pour autant: elle a beau avoir largué son mec il y a 6 mois, elle continue de lui envoyer des messages épisodiquement.

Le pire, c’est que je ne veux absolument pas me remettre avec, mais j’avais un peu oublié à quel point c’est galère sur certains points d’être célibataire, alors j’aime prendre de ses nouvelles. C’est rassurant pour moi de me dire qu’au pire du pire, je pourrais toujours recoller les morceaux avec lui...”


Et une lasagne amoureuse, une, celle dont un quart reste dans le réfrigérateur, parce que bon, on en a déjà mangé la blinde, et on ne va pas en manger trois jours d’affilée, mais c’est mal de déjeter, et puis si on a faim, on ne sait jamais... Si, en fait: vous allez l’oublier jusqu’à ce qu’elle pourrisse, puis vous allez quand même devoir la jeter. Le mec fond de frigo, c’est pareil: on n’en veut pas, mais on se le garde, jusqu’au jour où il comprend notre manège, ou bien il en a marre, et il coupe les ponts pour de bon. Marrant, hein, mais personne n’aime trop être le bouche-trou de quelqu’un d’autre, surtout pas quand il s’agit d’amour...

Un autre mec à ranger, tant qu’on en est à parler de placards émotionnels? Celui rangé sur l’étagère du haut, celle qu’on n’atteint que péniblement du bout des pieds. Et pourtant, c’est nous qui l’avons placé là, parce qu’on se convainc qu’il est trop bien pour nous, trop beau, garanti de ne pas être intéressé. Ce qui, nous, ne nous empêche pas de l’espionner sur les réseaux, et d’être capable de réciter ses destinations de vacances des 18 derniers mois tellement on est au taquet. Sans toutefois oser le lui dire (ce qui vaut peut-être mieux en ce qui concerne le stalking). Dans ce scénario, c’est à nous-mêmes qu’on fait du mal, en se retenant de rencontrer d’autres gens, ou peut-être même de vivre une belle histoire avec ce mec-là, simplement parce qu’on n’ose pas lui dire ce qu’on ressent. Inspirées par Marie Kondo et l’arrivée imminente du printemps, on fait un grand ménage émotionnel, on dégage les mecs qui moisissent tristement au fond de notre frigo mental, et celui qu’on a placé sur l’étagère tout en haut, on le descend un peu de son piédestal et on voit s’il est aussi délicieux en vrai. Qui sait, peut-être qu’on est nous même sa fille “fond de frigo” et qu’il est plus que temps aussi qu’on sorte du placard.

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