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Malgré les dangers, le blanchiment de peau séduit toujours plus en Afrique

Kathleen Wuyard

Entre mercure et plomb, la liste des composants des produits de blanchiment de peau fait peur et laisse présager de nombreux dangers pour la santé. Ce qui n’empêche pas le phénomène d’être en hausse en Afrique, où la croyance populaire veut toujours que le succès professionnel et personnel sourie aux femmes à la peau claire.


L’herbe est toujours plus verte chez le voisin, et visiblement, la peau de la voisine est toujours plus belle aussi. Alors qu’en Occident, les femmes vont abuser d’autobronzant et s’exposer aux risques du banc solaire pour foncer leur épiderme, en Afrique, ce sont les produits de blanchiment qui font fureur pour avoir la peau la plus claire possible. Et tant pis pour les dangers qu’ils représentent pour la santé. Pour Isima Sobande, médecin à Lagos, au Nigeria, la pratique “ronge la société africaine de l’intérieure”.

Notre société est conditionnée par le fait qu’avoir la peau claire est une manière de trouver un bon travail, d’avoir une relation amoureuse... et pour beaucoup, c’est très important.


Et pour y arriver, tous les moyens sont possibles, quitte à choisir de se tartiner le visage de plomb, une pratique qui remonte au règne d’Elizabeth d’Angleterre et qui a d’ailleurs coûté la vie de nombreux courtisans, empoisonnés parce qu’ils voulaient le teint le plus pâle possible.

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Héritage de la colonisation


Un lien historique qui n’est pas lié au hasard puisque selon les détracteurs du blanchiment, cette pratique serait liée à l’héritage de l’esclavage et de la colonisation. Pour Yaba Blay, une professeure de sciences politiques à l’Université centrale de Caroline du Nord spécialiste de la question, “le blanchiment de la peau est une manière d’accéder au pouvoir et aux privilèges réservés aux blancs”. Selon le mannequin kényan Ajuma Nasenyana, “la réalité dans l’industrie (de la mode) est la suivante: plus votre teint est clair, plus vous êtes belle”. Et il n’y a pas que dans le petit monde de la mode que cette manière de penser est populaire, ainsi que le déplore Edmund Delle, dermatologue à Accra, au Ghana.

Les annonces d’emploi ont rendu ce phénomène encore plus alarmant... Tout ce qu’ils veulent, ce sont des femmes à la peau claire. Du coup, qui ne voudrait pas être claire?


Et tant pis si pour y arriver il faut mettre sa santé en danger.

Tout sauf la crème de la crème


Interdites dans la plupart des pays d’Europe en raison de leurs composants dangereux, les crèmes blanchissantes restent le moyen le plus populaire de s’éclaircir la peau. Parmi les ingrédients, on retrouve le plus souvent de la cortisone et de l’hydroquinone, une substance qui, si on l’utilise de manière régulière peut être cancérigène et dégrader la peau de manière irréversible en provoquant dermatites de contact et autres lupus érythémateux. Sans compter que les ingrédients “magiques” de certaines crème sont parfois mortels, celles-ci étant enrichies au plomb ou au mercure. Et il ne faut pas non plus oublier les effets immédiats de l’application de crèmes blanchissantes: acné, taches, kystes, vergetures, eczéma... La peau se couvre d’ecchymoses au moindre choc, et comme le système immunitaire est affaibli en prime, celles qui cherchent à obtenir une peau plus claire risquent au passage une augmentation des virus, microbes et parasites. La solution trouvées par certaines, qui croient à tort éviter ainsi les dangers? Préférer les injections aux crèmes.

Des dangers méconnus


Une pratique encore plus dangereuse, ainsi que l’a expliqué à l’AFP Lester Davids, professeur de biologie humaine à l’Université de Pretoria en Afrique du Sud.

L’ancienne génération utilisait des crèmes, la nouvelle génération utilise des pilules et des injections. Nous ne savons même pas ce que ces produits, encore plus concentrés, vont avoir comme conséquence sur le long terme.


Face aux risques potentiels, la FDA, l’organisme de surveillance pour les consommateurs américains, a interdit tous les produits injectables sur le marché US, en arguant qu’ils sont “potentiellement dangereux et pourraient contenir des ingrédients nocifs inconnus”. Mais en Afrique, les autorités peinent à réguler la vente de ces substances, particulièrement prisées sur le marché noir. Au Nigeria, par exemple, 77% des femmes soit 60 millions de personnes avouent recourir régulièrement à des produits blanchissants, une proportion qui avoisine les 25% au Mali et 67% des femmes au Sénégal. Alors pour tenter d’endiguer gouvernements et activistes se mobilisent. Alors que le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Kenya ont totalement interdit les produits à forte concentration d’hydroquinie et de mercure, en Afrique du Sud, l’Etat du Kwazulu-Natal a demandé à ses habitants de “rejeter toute forme de beauté coloniale”. De son côté, le gouvernement du Ghana a publié un message préventif pour avertir les femmes enceintes des dangers qu’encourent les foetus lorsqu’elles prennent ces traitements. Et pour promouvoir la beauté des peaux foncées, les initiatives se multiplient, à l’image du compte Instagram Unfair + Lovely, ainsi nommé en réaction à une crème de blanchiment populaire appelée Fair + Lovely.


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Un projet lancé en 2016 par Pax, Mirusha et Yanusha, trois étudiantes originaires du Texas, et rapidement devenu viral. “La réponse à la campagne a été très positive, s’était réjouie Pax à l’époque dans les colonnes de Self. J’ai lu beaucoup de messages de personnes qui expliquaient en quoi le hashtag (#UnfairAndLovery, ndlr) les avait aidées dans leur estime de soi et dans leur affirmation de soi, des personnes qui venaient d’Australie, Afrique de l’Ouest, Asie du Sud, États-Unis et Caraïbes”. La réalisatrice ghanéenne Comfort Arthur a quant à elle voulu éduquer les spectateurs sur l’amour de soi via son court-métrage Black Barbie, qui raconte l’histoire d’une jeune fille née dans une famille à la peau claire et qui ne se trouve pas belle en raison de sa peau foncée.

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Un film inspiré de son expérience personnelle, et dont le message est on ne peut plus clair: “aimez votre peau et ce que vous êtes”.

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