Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…

Témoignage: ““J’ai perdu mon bébé à 38 semaines de grossesse””

Justine Rossius

La date de la naissance de leur bébé approchait, la valise pour la maternité était prête. Mais pour Anne-Laure, l’impatience de rencontrer son enfant a laissé place à la plus terrible des douleurs. Anne-Laure, 29 ans, a dû mettre au monde Rosalie, sa petite fille décédée


 

“Jérôme et moi étions fous de joie lorsque nous avons découvert que j’étais enceinte. Ma grossesse s’est déroulée sans complications. A chaque échographie, nous pouvions voir notre bébé grandir et évoluer. Et nous étions si heureux en apprenant que nous allions avoir une petite fille. Nous lui avons choisi un nom et avons décoré sa chambre avec amour. Tout était prêt pour l’arrivée de Rosalie. Jamais nous n’aurions pu imaginer que tout basculerait à la dernière minute et que nous allions perdre notre fille. Elle était pleine d’énergie et remuait beaucoup. Le seul bémol était qu’en fin de grossesse, elle s’était positionnée en siège. La gynécologue nous avait donc préparés à la perspective d’une césarienne. Rosalie devait normalement arriver le 3 septembre, et la césarienne a été programmée le 30 août. Jerôme et moi attendions ce moment avec impatience. Mais deux semaines avant la date, j’ai commencé à de moins en moins sentir Rosalie bouger. Nous ne voulions pas prendre de risques et nous sommes donc allés à l’hôpital. Le monitoring m’a totalement rassuré. On pouvait y entendre ses battements de cœur de manière parfaitement audible et elle bougeait visiblement. Nous sommes rentrés chez nous l’esprit tranquille.”

 

Silence assourdissant


“Mais quelques jours plus tard, je ne l’ai à nouveau plus sentie bouger et l’inquiétude est revenue. Mais je n’étais pas pour autant paniquée. Nous avons préparé la valise pour la maternité au cas où il faudrait provoquer l’accouchement, et nous nous sommes de nouveau rendus à la clinique. En chemin nous avons ri et plaisanté. Rien ne pouvait nous laisser deviner le drame qui nous attendait. Une fois arrivée à l’hôpital, on m’a à nouveau mise sous monitoring. Et si l’on discernait clairement mon cœur, celui de Rosalie restait inaudible.

On cherchait désespérément ses battements. Cela durait une éternité et la panique m’a submergée. Le gynécologue est arrivé et a confirmé ma plus terrible angoisse. Rosalie nous avait quittés.


La terre a soudain cessé de tourner. Je suis tombée dans un puits sans fond. Je ne me souviens pas du trajet de retour à la maison. La nuit qui a suivi a été cauchemardesque. Mais malgré tout, nous avions encore notre Rosalie près de nous, dans mon ventre. Le lendemain je voulais faire de mon mieux pour lui donner naissance, c’était le dernier cadeau que je pouvais lui offrir.”

 

Doucement endormie dans mon ventre


“L’accouchement de Rosalie reste un doux souvenir pour moi. Celui du moment où nous avons pu voir notre fille pour la première fois. Secrètement, nous espérions encore qu’elle allait se mettre à pleurer en venant au monde. Même si nous savions que ce rêve était vain. Rosalie était positionnée en siège. Les médecins supposent qu’elle a tenté de se retourner, entraînant le cordon ombilical à s’enrouler autour de son cou à quatre reprises. Un malheureux hasard que personne n’aurait pu empêcher. Rosalie s’est doucement endormie dans mon ventre.

Nous étions terrassés de chagrin, mais en même temps impatients d’enfin la voir et la serrer dans nos bras après ces mois d’attente. Nous avons été surpris par ses cheveux noirs et ses grands pieds. C’était un bébé magnifique et parfait.


Aussi étrange que celui puisse paraître, sa naissance a été un très beau moment. Elle a pu rester quelques jours avec nous dans la chambre d’hôpital. Nous lui avons chanté des chansons et l’avons câlinée. Nous lui avons chuchoté des mots d’amour. Elle portait un bracelet avec son nom, comme tous les bébés, et nous lui avons mis les vêtements que nous avions prévu pour son arrivée. Malgré notre immense peine, nous avons vécu de beaux instants avec elle. Et nous sommes heureux d’avoir choisi de la garder près de nous autant que possible.”

 

Lui offrir de vrais adieux


“Un photographe d’une association aidant les parents à supporter le deuil a réalisé des clichés de Rosalie, avec et sans nous. Ce sont des souvenirs que nous chérirons pour toujours et qui nous permettent de ne jamais oublier son joli visage. La sage-femme de l’hôpital a également réalisé un moulage en plâtre de ses petites mains et une empreinte de ses pieds. Nous avons aussi reçu une mèche de ses cheveux. Des choses qui nous semblaient si ténues à l’époque mais qui sont aujourd’hui infiniment précieuses à nos yeux.

Quelques jours après notre retour à la maison, nous avons organisé une fête d’adieu dans notre jardin, avec de nombreux proches venus nous soutenir et accompagner Rosalie.


Il était essentiel pour nous de lui dire adieu et surtout de témoigner du fait que notre belle petite fille avait appartenu à ce monde. Nous avons également préparé son faire-part de naissance. Avec l’un des clichés du photographe, ainsi que son nom, sa date de naissance et les noms de sa marraine et de son parrain. Nous y avons simplement ajouté quelques mots, expliquant qu’elle n’avait pas été mise au monde de manière normale et heureuse.”

 

Noyés de chagrin


“Les jours qui ont suivi le départ de Rosalie se sont écoulés dans le brouillard le plus total. Plus rien n’avait d’importance. Nos familles et amis étaient heureusement très présents à nos côtés et ont secrètement organisé une tournante de visites pour que nous ne restions pas seuls. Le temps semblait s’être arrêté. Pendant des mois, nous avons été noyés de chagrin, nous négligeant complètement. Il nous a fallu du temps pour accepter de revivre, un jour après l’autre. Lorsque nous étions encore à l’hôpital, j’avais demandé à mon beau-père de fermer la porte et les volets de la chambre de Rosalie. Je ne pouvais pas supporter l’idée d’être confrontée à cette pièce pleine d’amour que nous avions préparé pour elle. Mais après quelques jours, je me suis forcée à y entrer. C’était une part de notre maison et une part de nos vies. Et même si jamais notre petite fille ne pourrait dormir dans sa chambre, ce n’était pas une raison pour écarter ses affaires de notre regard. Mais voir notre poussette dans le hall, prête pour une première promenade qui n’aurait jamais lieu, et tous les autres objets préparés pour elle, était terriblement dur.”

 

Près de nous pour toujours


“Durant des mois, j’ai été rongée par la culpabilité, me demandant si j’aurais pu faire quelque chose pour la sauver ou si j’avais commis une erreur. J’ai complètement perdu pied et souffert de crises de panique. J’évitais avec angoisse tout ce qui évoquait les bébés et les personnes qui m’y faisaient penser. J’ai été incapable de voir mes amies enceintes ou jeunes mamans pendant un an.

La perte d’un enfant peut détruire un couple, mais Jerôme et moi avons partagé notre peine et sommes devenus encore plus soudés et plus proches.


Même si nous affrontions la douleur de manière différente. J’avais énormément besoin de parler de Rosalie, Jerôme, lui, exprimait moins son chagrin et s’est plongé dans son travail d’informaticien. J’espérais qu’une nouvelle grossesse m’aiderait à revivre, et cela a merveilleusement fonctionné. Notre petite Eléonore est née un an après le départ de Rosalie. Son arrivée a été une étape essentielle dans notre processus de guérison. Eléonore nous a permis de renouer avec le bonheur et nous a apporté énormément de réconfort. Aujourd’hui, Jerôme et moi avons pu reprendre le cours de nos vies et savourons chaque moment avec notre fille cadette. Rosalie restera toujours notre aînée et un membre de la famille à part entière. Lorsque l’on me demande si j’ai des enfants, je réponds que je suis maman de deux filles, dont la plus âgée n’est malheureusement plus là. Nous continuerons de fêter chaque année son anniversaire et j’ai plusieurs livres qui permettront à Eléonore de se familiariser en douceur avec la disparition de sa grande sœur. Nous nous rendons souvent ensemble sur la tombe de Rosalie. Et lorsque nous faisons des photos tous les trois, nous y ajoutons toujours un petit papillon, symbole de notre princesse. Pas un jour ne s’écoule sans que nous ne parlions d’elle. Rosalie aura toujours sa place, dans notre famille et dans nos cœurs.”

 

Comment expliquer qu’un enfant puisse soudainement décéder à 38 semaines de grossesse?


Le docteur Ellen Roets, directrice adjointe du département d’obstétrique de l’UZ Gand: “4,2 bébés sur mille naissent sans vie. Ce nombre comprend aussi tous ceux décédés plus tôt durant la grossesse et les interruptions de grossesse pour raisons médicales. Dans 4 cas sur 5, on ne peut malheureusement pas diagnostiquer la cause exacte. Nous pensons que les arythmies cardiaques peuvent jouer un rôle, tout comme la formation de nœuds sur le cordon ombilical ou l’enroulement de celui-ci autour du cou. Mais il n’y a généralement pas de certitude. Les fumeuses et les femmes souffrant d’hypertension artérielle présentent aussi plus de risques de décollement placentaire, et celui-ci peut être fatal. Les futures mamans atteintes de diabète gestationnel courent aussi plus de dangers de mettre au monde un enfant mort-né. Nous ne laissons donc jamais leur grossesse se prolonger après le terme. Lorsqu’un bébé décède d’une mort inexpliquée peu avant la naissance, il est possible de vérifier différents facteurs pour tenter d’obtenir des réponses, comme d’éventuels problèmes thyroïdiens, une hémorragie fœto-maternelle, entraînant le sang du bébé à se mélanger à celui de la mère et provoquant de graves complications ou différentes infections.”

 

Les signaux d’alarme

“Des pertes de sang ou des douleurs intenses sont des signaux qui doivent vous conduire à vous rendre immédiatement à l’hôpital. Tout comme l’impression de ne plus sentir bébé bouger. Il est normal qu’en fin de grossesse, il alterne des périodes de calme et des périodes de mouvements, mais si vous ne le sentez pas bouger plusieurs fois durant la journée, cela doit être pris comme un signal d’alarme. Mieux vaut faire preuve de trop de prudence. Et toute femme enceinte arrivant à l’hôpital avec la moindre crainte sera toujours prise au sérieux et accompagnée jusqu’à avoir la certitude que son enfant va bien.”

 

 

À lire aussi:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires