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Pourquoi le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul nous menace toutes

Kathleen Wuyard

C’est officiel: depuis ce 1er juillet 2021, la Turquie ne fait plus partie des Etats membres de la Convention d’Istanbul. Un départ anecdotique? Au contraire, dénonce Amnesty International, pour qui ce retrait donne un dangereux exemple et présente une menace pour toutes les femmes.


Pour rappel, la Convention d’Istanbul, de son nom complet la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, a été adoptée en avril 2011 et est signée par 45 pays, ainsi que l’Union Européenne, qui se sont engagés de ce fait à oeuvrer à l’élimination de toute forme de violence envers les femmes, en ce compris les violences conjugales et familiales.

Un traité accusé par d’influents groupes religieux turcs de “nuire à la structure de la famille”, la convention étant notamment selon eux une forme d’encouragement de l’homosexualité, ses références à “l’égalité” étant pour eux un argument utilisé par la communauté LGBTQIA pour revendiquer ses droits. Face au rôle potentiel de ces groupes conservateurs dans les prochaines élections en Turquie, en 2023, Erdoğan aurait cédé et le président turc a annoncé le retrait du pays de la Convention d’Istanbul au printemps dernier.

Un pas de dix ans en arrière


Un retrait qui entre donc officiellement en vigueur aujourd’hui. Mais la Turquie n’est pas exactement célébrée pour son respect louable des droits des femmes, si? Donc est-ce vraiment surprenant? Et surtout, est-ce que ça nous concerne vraiment?

Lire aussi: Dix ans après la Convention d’Istanbul, où en est la lutte contre les violences faites aux femmes?

Oui, rappelle dans un communiqué de presse Amnesty International, dont la secrétaire générale, Agnès Callamard, souligne que ce retrait “envoie un message inconsidéré et dangereux à ceux qui maltraitent, mutilent et tuent, leur disant en substance qu’ils peuvent continuer en toute impunité”.

La Turquie revient 10 ans en arrière sur le terrain des droits humains et établit un précédent terrifiant”.


Terrifiant, vraiment? Dites Amnesty, la Turquie est à des milliers de kilomètres, vous ne mettriez pas un peu d’emphase dramatique, là? Au contraire. “La Convention d’Istanbul a un impact direct et pratique sur la manière dont les États appréhendent la protection contre les violences basées sur le genre, ainsi que sur la façon dont la prévention et les poursuites peuvent être améliorées” rappelle Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International, qui n’hésite pas à prendre la Belgique en exemple pour appuyer son propos. “Beaucoup d’efforts restent à fournir dans la lutte contre les violences basées sur le genre, également en Belgique, mais grâce à la Convention et à ses outils de mise en œuvre, le suivi national et international des mesures prises pour mener cette lutte est beaucoup mieux assuré. Il est très regrettable que le gouvernement du président Erdoğan prive la Turquie de cette perspective”.

Le combat se poursuit


Seule lueur d’espoir dans ce contexte anxiogène pour les droits des femmes et des minorités, qui ne se limite d’ailleurs pas à la Turquie, loin de là? ” Le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul n’est que la partie émergée d’un dangereux iceberg menaçant les droits. Mais il a aussi galvanisé des militant·e·s du monde entier, les incitant à prendre la défense des droits des femmes et des personnes LGBTI+” a rappelé Agnès Callamard. Et de souligner que “ces derniers mois, depuis que le président Erdoğan a adopté son décret, les femmes de Turquie et d’ailleurs parlent de la Convention plus que jamais, et descendent dans la rue pour défendre ce qu’elle représente. Le combat se poursuit pour le respect des droits fondamentaux de toutes les personnes touchées par le fléau des violences liées au genre”. En Turquie, mais en Belgique aussi, car il n’existe malheureusement pas encore de pays où ce combat mené de longue date a été gagné.

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