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Mardi, c’était la Journée internationale des migrants, mais en Belgique, c’était surtout le jour de la honte

Kathleen Wuyard

La honte des dérapages à répétition de certains élus N-VA, qui se permettent insultes et comparaisons douteuses. La honte des procès des hébergeurs, dont certains ont heureusement été acquittés, mais après avoir été accusés de traite d’êtres humains tout de même. Et puis surtout, la honte de la manière dont des migrants (et ceux qui osaient les défendre) ont été traités à Ottignies ce lundi.


Les faits se passent en gare, à 19h15. Benoît Peeters, un navetteur monté dans le train Bruxelles-Gembloux, est curieux de savoir pourquoi le train s’arrête décidément bien longtemps en gare. Un regard sur le quai, et il comprend directement pourquoi: des policiers sont en train de descendre de nombreuses personnes du train, selon lui “majoritairement des mineurs, le sac de couchage sous le bras et l’air apeuré, apparemment tous sans papiers“. Interrogeant un policier au sujet de l’opération en cours, Benoît se voit répondre que cela ne le regarde pas, et décide alors de filmer la scène avec son téléphone, initiative qui déplaît fortement à un des contrôleurs présents dans le train.

Il est venu vers moi et il nous a insultés moi et un autre passager: “connard”, “sale gauchiste va”, “je travaille, je suis Belge, moi” et m’a menacé à plusieurs reprises “je te pète ta gueule” si je n’arrêtais pas de filmer”.


Loin de se laisser décontenancer, Benoît se déplace alors vers l’avant du wagon pour avoir une meilleure vue sur la scène qui se déroule à quai, et c’est là que les choses se gâtent pour lui aussi. “Un policier m’a demandé d’arrêter de filmer, me stipulant que je n’ai pas le droit de filmer l’opération. Je lui ai rappelé qu’on avait le droit de filmer les opérations policières. Le policier m’a confisqué alors mon GSM et, sans m’avoir demandé préalablement de quitter le wagon, me descend violemment du train en m’étranglant à la gorge”.

J’ai contesté le caractère abusif de l’arrestation et demande les motifs, il ne me les a jamais donné. Il m’a alors répondu: “ils ne payent pas leurs impôts, ils viennent ici pour nous voler notre argent, c’est vous qui avez tort de vouloir les laisser libre”. 


Propos, donc, qui auraient été prononcés par un agent de police durant l’exercice de son service. Service durant lequel, ses opinions politiques, quelles qu’elles soient, n’ont pas leur place. Et encore moins la répétition de mensonges odieux véhiculés par les extrémistes de droite, à commencer par le fait que les migrants viennent ici “voler notre argent”. On imagine sans peine qu’il faut avoir le cerveau vachement atrophié pour virer extrême-droite, mais tout de même, il ne nous semble pas nécessaire d’avoir la moindre intelligence pour comprendre que traverser des milliers de kilomètres et plusieurs océans au péril de sa vie, en abandonnant tous ses proches, pour empocher des allocations misérables chaque mois, ça n’a pas beaucoup de sens. Si on devait répondre, on dirait même que non seulement ce raisonnement est débile, mais en prime, il suffit d’allumer la télé (parce que bon, lire des articles, c’est long et compliqué...) pour voir ce qui se passe en Syrie, Soudan et al et comprendre les véritables raisons du départ des migrants. Mais on digresse, et le récit de Benoît ne s’arrête malheureusement pas là.

La méthode Gestapo

Les policiers criaient aux migrants qui étaient toujours arrêtés avec des phrases du type : ‘tous en ligne les mains contre le mur, on appelle ça la méthode Gestapo ici, vous n’avez pas connu ça, hein, dans votre pays?”.


C’est vrai, ils n’ont pas connu ça. Pour certains, ils ont connu le viol de guerre, d’autres, la famine, d’autres encore, les bombardements ou la peur quotidienne d’être arrêté et jeté en prison simplement à cause de leurs opinions politiques ou de leur orientation sexuelle. Les allusions à la Gestapo, par contre, probablement pas, il y a peu de chance que des pays qui ont été mis à feu et à sang durant la 2e guerre mondiale choisissent de reproduire des méthodes nazies, et on aimerait pouvoir en dire autant en Europe, mais ce n’est visiblement pas le cas. Qu’on se rassure toutefois, la zone de police Ottignies-LLN l’affirme, il ne s’agissait pas d’une rafle. “Vers 19 h 15, la zone de police a été requise suite à un appel à l’aide des accompagnateurs SNCB, soudainement débordés par la présence d’une soixantaine de personnes sans titre de transport dans un train. Il s’agissait probablement de migrants. Nos équipes ont pris position à l’arrivée du train afin de sécuriser les quais, d’éviter les bagarres, d’éviter la traversée des voies ferrées, d’éviter les troubles à l’ordre public et, accessoirement, de contrôler les personnes présentes”. Pour ce qui est de la SNCB, elle a fermement condamné les actions de l’accompagnateur qui a menacé Benoît Peeters, affirmant que ces violences sont inacceptables et retirant immédiatement l’accompagnateur du service. Une petite consolation, parce que hier, donc, c’était la Journée internationale des migrants. Et lundi, en Belgique, en 2018, ils étaient arrêtés par des défenseurs de l’ordre, qui faisaient des blagues sur la Gestapo. Et “honte” ne suffit pas pour exprimer nos sentiments à cet égard.

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