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Le scénario troublant de ““Parle avec elle”” est devenu réalité aux USA

Kathleen Wuyard

Le 29 décembre dernier, une habitante de Phoenix, en Arizona, a donné naissance à un petit garçon. Jusque là, rien d’exceptionnel, sauf que la maman en question est plongée dans un coma végétatif depuis 14 ans. Un scénario qui n’est pas sans rappeler celui du film de Pedro Almodovar “Parle avec elle”.


Le film en question est un vrai chef d’oeuvre. Du jeu d’acteur tout en finesse aux jeux de lumière qui subliment la moindre expression en passant par la bande-son hypnotisante, le film, sorti en 2002, est peut-être un des plus réussis du réalisateur ibère. Et ce, alors même que le scénario est carrément glauque: le film raconte deux histoires en parallèle, dont celle de Benigno, un infirmier dévoué corps et âme à une patiente dans le coma, Alicia, dont il est obsédé en secret depuis des années; jusqu’à profiter de l’état végétatif de cette dernière pour la violer et la rendre enceinte. Une fiction devenue réalité à Phoenix le 29 décembre dernier, où une patiente dans le coma depuis plus de dix ans vient d’accoucher d’un enfant.

“En colère et triste”


La maman, dont l’identité a été tenue secrète, est plongée dans le coma depuis quatorze ans après avoir frôlé la mort lors d’une noyade. Au Hacienda Healthcare, où elle est prise en charge, c’est le choc: on affirme n’avoir rien remarqué et ne s’être rendu compte de la grossesse de la patiente qu’au moment de l’accouchement. Un membre du personnel a accepté de témoigner anonymement, se disant “en colère et triste”. Ainsi qu’il l’explique, la patiente aurait passé une partie de la matinée à gémir, ce qui aurait alerté le staff. C’est une infirmière qui s’est chargée de l’accouchement du bébé, un petit garçon. Depuis, la police de Phoenix mène l’enquête pour savoir qui a abusé de la patiente. Une enquête extrêmement médiatisée, qui lève le voile sur une problématique réelle et rarement abordée: l’intégrité des patients en maisons de repos et de soins, qui présentent un risque élevé d’être victimes d’abus ou de violences sexuelles.

Extrême vulnérabilité


En mai dernier, une patiente de l’hôpital américain de Neuilly, en France, avait porté plainte contre un infirmier, qu’elle accusait de l’avoir violée alors qu’elle était dans un état léthargique suite à la prise de médicaments. Au Canada, une étude récente a dévoilé qu’environ la moitié des personnes ayant une déficience intellectuelle ont été agressées sexuellement à une ou plusieurs reprises. On ne peut que craindre la proportion chez des personnes qui sont tout bonnement incapables de s’exprimer, celles qui sont plongées dans un état végétatif par exemple. Dans une interview accordée à Vox, Regan Smith, chargée de l’étude des maisons de repos dans l’état d’Arizona, tire la sonnette d’alarme.

Les personnes qui ont besoin de soins 24 heures sur 24 sont extrêmement vulnérables. Tout le monde se refuse à croire que ce genre d’abus puisse leur arriver, et pourtant, ils sont la population la plus à risque.


En Arizona, des membres de la tribu San Carlos Apache, à laquelle appartenait aussi la femme de 29 ans qui a donné naissance à son bébé le 29 décembre dernier, dénoncent une situation inadmissible.

Quand un être cher est admis dans un service tel que celui-là, où les patients sont extrêmement vulnérables et complètement dépendants des soins qu’ils reçoivent, vous faites confiance à leurs soignants. Malheureusement, l’un d’eux n’était pas digne de confiance et a abusé d’elle. Nous espérons que la justice le punira.


Et, de manière plus générale, que son cas servira de rappel. En effet, alors que le mouvement #MeToo a grandement oeuvré à libérer la parole des femmes, dont celles victimes d’abus sexuels, il ne faudrait pas passer sous silence ceux subis par les personnes qui ne sont pas en état de les dénoncer.

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