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La bourgmestre de Molenbeek réagit (mal) aux dégâts du Nouvel An

Kathleen Wuyard

Après que son père ait régné pendant des années sur la commune, Catherine Moureaux, a été élue bourgmestre de Molenbeek en octobre dernier. Une victoire aussi inattendue qu’écrasante, mais 3 mois plus tard, l’élue PS est dans la tourmente. En cause, sa réaction aux dégâts subis par la commune le 31 décembre.


Pour rappel, la fête a tourné au drame à Molenbeek, une bande de jeunes ayant en effet saisi l’opportunité de lancer des pétards pour se lancer ensuite dans de la casse en série. Bilan: poubelles incendiées, pharmacie pillée, abri-bus et véhicules de particuliers vandalisés, magasin détruit et autopompe caillassée. Ou comment (très) mal commencer la nouvelle année. Et les solutions avancées par Catherine Moureaux au micro de la VRT ne font rien pour apaiser les esprits.

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Si la fille de Philippe Moureaux estime qu’il y avait suffisamment d’agents de police mobilisés sur la zone le soir du 31 décembre, elle regrette toutefois un sous-financement de la zone de police ainsi qu’un “climat d’émeutes”. Climat qu’elle compte bien combattre.

J’aimerais parler aux parents et trouver des solutions structurelles pour empêcher ces jeunes d’être dans la rue la nuit. Nous travaillons actuellement à l’élaboration d’un plan visant à réunir autour de la table les services de prévention, de jeunesse et d’urgence.


Jusque là, que du louable. Mais quand la bourgmestre avance une autre piste pour réduire la casse, ça coince pour l’opposition politique. La phrase qui fâche?

Si on n’organise pas de fêtes nous-mêmes, alors les jeunes en organisent par leurs propres moyens. Et c’est là que ça escalade et que ça devient quelque chose d’autre.


Autrement dit, peut-être que si Molenbeek avait organisé une boum de réveillon pour les jeunes du quartier, peut-être que certains endroits de ce dernier n’auraient pas ressemblé à une zone de guerre au matin du premier janvier. Un argument au goût de pain béni pour l’opposition, qui s’est empressée de cracher son mépris.

La fête pas le feu


Pour Georges-Louis Bouchez, chef de file du MR à Mons, “cette gauche laxiste pourrait être risible mais quand elle est au pouvoir, elle est dangereuse... Catherine Moureaux veut répondre aux violences à Molenbeek par l’organisation de concerts. Si pas, je cite, « les jeunes organisent leur propre fête. » En brûlant des voitures ?”. De son côté, l’élue bruxelloise Assita Kanko, passée des rangs du MR à ceux de la N-VA, s’est contentée de déplorer “la politique du PS. Il y a du pain sur la planche”. Sauf que premièrement, il ne s’agit pas de la politique du PS, mais bien de celle de Catherine Moureaux, nuance. Et qu’au-delà de la récupération politique inévitable, l’approche proposée pose bien problème, mais pas pour les raisons avancées par l’opposition. Soulignant que selon Catherine Moureaux, le vandalisme qui a eu lieu le soir du 31 décembre “est une manière de faire la fête”, la députée Groen Elke Van Den Brandt ne cache pas son mécontentement face à l’approche de la bourgmestre.

Brûler votre rue – au sens propre comme au figuré – n’est pas une fête, mais un comportement crapuleux.


Et organiser des fêtes pour éviter que les lancers de pétards n’explosent en vandalisme généralisé n’offre qu’une fausse solution au problème. Pas plus que celle apportée par Pieter De Crem, le ministre de l’Intérieur ayant déclaré vouloir “agir avec davantage de fermeté, aller plus loin que ce qui a été fait jusqu’à présent“. Or des sanctions plus fortes ne risquent pas de résoudre le problème de détachement qui frappe ces jeunes, qui en viennent à détruire des infrastructures dont eux-mêmes sont les premiers bénéficiaires. Mais des boums de quartiers ne vont pas non plus arranger la problématique, ni même éviter quelques dégâts que ce soit: que compte faire la bourgmestre, une fête sans fin, afin que d’éventuels casseurs soient occupés H24 à se trémousser et n’aient pas de fenêtre d’opportunité pour se livrer aux actes de vandalisme? Quid de la volonté “d’empêcher les jeunes d’être dans la rue la nuit”, en concertation avec les parents de ces derniers: un couvre-feu va-t-‘il être instauré? Mettons même que ce soit le cas, il s’agirait là d’une tentative de fermer une plaie béante à l’aide d’un petit sparadrap.

Vandalisme de quartier


Dans les années 70 et 80 déjà, les sociologues américains Newman et Coleman étudiaient le lien entre les conduites délinquantes, dont le vandalisme, et le cadre où elles se développent. Verdict: une corrélation évidente entre les deux, et particulièrement dans les cités en détérioration. Si Molenbeek ne rentre pas dans la case “cité dortoir” et compte finalement peu de HLM, une revalorisation de l’espace public pourrait être une piste de réponse pour la bourgmestre. Si c’est plus joli et plus agréable à vivre, on a moins envie de l’abîmer semblent indiquer les études. Mais quelques coups de peinture et des plantes vertes disséminées dans le quartier ne suffisent pas. Il s’agit également de donner aux jeunes des perspectives d’avenir positives (autres que des fêtes de quartier). Le vandalisme est majoritairement l’acte de jeunes désoeuvrés, qui envoient (souvent inconsciemment) de la sorte un message de désespoir. Plutôt que de les menacer de punitions, voire de prison, en cas de casse, il s’agirait de prendre la problématique en amont, en s’intéressant vraiment à eux, leurs envies et leurs problèmes. Bien sûr qu’il est important, ainsi que l’a affirmé Catherine Moureaux dans les heures qui ont suivi les incidents, qu’il n’y ait “aucun sentiment d’impunité chez les auteurs de ces dégradations”. Mais prévenir vaut toujours mieux que punir, et pour que la fête ne tourne pas au drame, il serait bon de s’attaquer aux origines de la casse et des brisures de ceux qui s’y adonnent.

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