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FAUT QU’ON PARLE: honte aux haters d’Ihsane Haouach au nom de ““la liberté des femmes””

Kathleen Wuyard

Ce mardi, Ihsane Haouach a été désignée commissaire auprès de l’Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes suite à une nomination Ecolo. Un poste à la hauteur des compétences de cette brillante ingénieure, sauf qu’au lieu de les louer, le débat se cantonne à un détail des plus accessoires.


En l’occurrence, le voile que porte la jeune femme, parce que oui, au 21esiècle, dans une société qui se pique d’être démocratique et évoluée, on en est toujours là et sincèrement ? C’est un peu une honte nationale. Parce que le débat ne se contente pas de tourner autour du voile d’Ihsane, ce qui serait déjà regrettable puisqu’il s’agit-là d’un choix personnel qui n’appartient qu’à elle et n’influence aucunement ses compétences. Non, entre deux injures, se cachent des arguments peut-être encore plus insultants : le problème ne serait pas tant le voile d’Ihsane mais bien le message qu’il envoie aux femmes. Rien que ça.

Parce que forcément, si on porte le voile, n’ayons pas peur des préjugés, c’est parce que le méchant papa-mari-frère (biffer les éventuelles mentions inutiles) l’a imposé. Marrant, parce que quand une catholique porte une croix discrète ou qu’une juive choisit d’adopter la modestie orthodoxe ou un bijou en forme d’étoile de David, on ne fait pas de rapprochement à l’oppression du patriarcat, mais quand il s’agit des musulmanes, c’est o-bli-gé. Et pourtant, ce n’est pas comme si les dieux des autres religions n’étaient pas tout aussi masculins qu’Allah, mais bon, il y a clairement un truc qui nous échappe. Mais qui n’échappe pas aux défenseurs de la liberté des femmes, par contre (NB : si le sarcasme qui dégouline de la formule en italique a entaché votre écran, vous nous en voyez navrées).

Liberté, égalité, neutralité?


Prenez Georges-Louis Bouchez par exemple. Dans une série de tweets, il commence par dénoncer le fait que la nomination d’une femme portant un signe convictionnel au sein du gouvernement belge soit « totalement contraire au principe de neutralité de l’État ». Jusque-là, disons qu’on est d’accord : la séparation entre Eglise et Etat est acquise depuis des siècles, et alors que ces dernières années, des démarches menées par la Gauche ont notamment visé à changer le nom des vacances scolaires pour en enlever l’élément religieux, sans oublier la suppression des crucifix de certains lieux publics, il est légitime de s’interroger sur ce qui peut être perçu comme un revirement. Voire même, qui sait une provocation, alors même que le débat autour du port du voile fait rage suite à l’affaire qui oppose en justice la Stib et une de ses anciennes employées. L’avantage des démocraties, c’est justement qu’on peut y débattre, et l’argument de la neutralité religieuse est intéressant à développer.

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Là où ça dérape, par contre, c’est quand on en revient au refrain aussi réducteur qu’irrespectueux de la pauvre femme voilée opprimée, dont le hijab dévoile forcément les sombres desseins suprématistes d’une frange islamiste brandie par les extrémistes de tout poil pour justifier leur islamophobie. Pas que l’on s’abaisse ici à calomnier Georges-Louis Bouchez en l’accusant d’être des leurs, mais quand il évoques ces « femmes ayant quitté un régime islamiste » et s’imagine leur désarroi face à la découverte du voile d’Ihsane Haouach, il se rapproche dangereusement d’un discours qui déguise mal sa haine sous un prétendu amour des femmes et de leur liberté.

Débattre, oui, mais avec des arguments légitimes


Une liberté qui commence pourtant par celle de décider, ou non, si elles veulent porter des signes extérieurs de leur appartenance à l’une ou l’autre religion. Une liberté qui implique qu’on ne pense ni ne parle à leur place, l’ironie suprême étant que des hommes s’attaquent à leur voile car il leur serait prétendument imposé par d’autres hommes. Une liberté qui exige de leur faire preuve du respect qu’elles méritent, et de ne pas les rabaisser à de prétendus instruments « d’un projet de société islamiste » au prétexte que leurs cheveux sont cachés par un bout de tissu.

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S’il est important, dans un état laïc, d’avoir un débat constructif sur la présence, ou non, de personnes portant des signes religieux au gouvernement, il est indigne de la société que la Belgique aspire à être de continuer à rabaisser le débat autour du voile à un prétendu plaidoyer en faveur des femmes. Lesquelles, parfois, choisissent d’elles-mêmes de porter le voile (si, si, promis, ça arrive !) et ne méritent pas qu’au nom de leur « libération » on les prive en réalité de ce droit. Il en va de notre devoir collectif de les écouter sans leur répondre par un dogmatisme borné – celui là-même qui est reproché, entre autres et partant d’autres arguments, aux islamistes.

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