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Cette petite fille de 5 mois incarne la nécessité de réformer la justice belge

Kathleen Wuyard

En février 2017, une petite-fille de 5 mois a été violée par son grand-père, un médecin de 61 ans originaire de Waremme. Un acte abject qui laissera des séquelles à vie à la fillette. Son grand-père, lui, vient de recevoir sa peine: huit ans de prison ferme.


Huit ans, c’est moins que le temps qu’on passe à l’école pour une formation complète, la loi belge estimant en effet qu’il faut s’asseoir sur ses bancs de 3 à 18 ans, soit quinze ans. Une période nécessaire pour développer ses connaissances et son esprit critique. Mais visiblement, donc, pour développer une réflexion autour d’actes abjects, incompréhensibles peu importe comment on y réfléchit, c’est moitié moins long, huit ans seulement. Pour rappel, le médecin en question (disons qu’au tribunal de Flair, on le déchut de son titre de “grand-père”) a décidé d’assouvir des tendances pédophiles qu’il arborait depuis des années un soir où sa petite-fille dormait chez lui. Petite-fille âgée de 5 mois seulement au moment des faits, et sur laquelle il a avoué “fantasmer” au tribunal. Fantasme suffisamment puissant pour qu’il décide de la pénétrer au moment de changer son lange – et bien qu’il ait maintenu ne s’être servi “que de ses doigts”, l’ADN du bébé a été retrouvé sur son sexe. Au-delà du caractère absolument abject et abominable de l’acte, au-delà des conséquences psychologiques pour une famille brisée en une nuit, il y a les séquelles physiques: les “blessures traumatisantes” ont nécessité plusieurs opérations sur la fillette, qui gardera des marques à vie. Autrement dit, une condamnation à perpétuité. Mais son bourreau, lui, s’en sort avec huit ans de prison.

Cinq à dix ans


Plus précisément, huit ans de prison ferme, ainsi qu’une mise à disposition du tribunal de l’application des peines d’une durée de dix ans. Et pourtant, heureusement, le tribunal n’avait évidemment pas pris l’affaire par-dessus la jambe. Au contraire: en rendant son jugement, la cour a souligné l’extrême gravité des faits, le prévenu ayant abusé de sa propre petite-fille pour assouvir ses pulsions, mais s’étant aussi abstenu d’apporter des soins à sa victime après les faits, alors même qu’il était médecin et que le bébé saignait abondamment. Seulement voilà, selon le chapitre 5 du Code pénal, articles 372 à 378bis, le crime de viol est puni d’une peine de réclusion de cinq à dix ans. Moins que les quinze ans qui sont jugés obligatoires sur les bancs de l’école, moins que les dix-huit ans qu’il faut attendre avant d’être majeur aux yeux de la loi et bien moins que les séquelles physiques et/ou psychologiques que les victimes garderont toute leur vie.

L'(entr)aide aux victimes


Mais quoi alors, militer en faveur de la prison à vie pour les violeurs et les pédophiles? Aux USA, la perpétuité réelle existe, et son coût financier mais aussi immatériel sur la société n’est plus à démontrer. Mauvais exemple à suivre, donc. Imposer la castration chimique aux délinquants sexuels, comme en Californie ou en Louisiane? En Belgique, en pratique, un juge peut accorder un sursis ou une libération conditionnelle aux délinquants sexuels qui s’engagent à prendre un traitement pouvant inclure une castration chimique. Dans les faits, cette dernière est toutefois rarement pratiquée. Autre point épineux: le coût des médicaments administrés lors d’un traitement de castration chimique est remboursé par la sécurité sociale, soit, en partie, l’argent des Belges. Des dépenses qui passent mal. Reste que selon un rapport diffusé en 2017 par l’ONG Equality Now, qui défend les droits des femmes, la justice belge peine encore à punir de manière adéquate les auteurs de violences sexuelles, qu’elles soient commises envers des femmes ou des enfants. Premier grief de l’ONG? Le fait que chez nous, l’auteur d’un viol puisse sous certaines circonstances bénéficier d’un arrangement à l’amiable avec la (famille de la) victime et ne doive dès lors purger aucune peine. Même s’il doit tout de même plaider coupable. Deuxième bémol? En Belgique, plutôt qu’un “crime violent”, le viol est traité comme une affaire de “moralité”, ce qui impacte directement les victimes, qui ont moins de chance de la sorte d’obtenir justice.

Agir plutôt que de se résigner


Suite au rapport, le ministre de la Justice Koen Geens s’était engagé à durcir les législations en matière de violences sexuelles. Verdict deux ans plus tard: un nouveau code pénal qui limite les peines à cinq à dix ans “seulement”, et un constat sans appel d’Amnesty International Belgique, qui déplore que les lois en matière de violences sexuelles soient dépassées partout en Europe, chez nous compris. Alors on se résigne, on s’indigne dans son coin du sort de ce bébé de 5 mois et de ne rien pouvoir faire pour l’aider? Surtout pas. On prend exemple sur les Américains (si, si), qui interpellent régulièrement leurs représentants et on fait part de notre mécontentement au cabinet de Koen Geens (par écrit de préférence, et plus on est mieux c’est). Parce que changer le code pénal, c’est bien, mais le faire en prenant en compte les griefs de la population, ce serait plus que nécessaire. Si on s’en sent capable, on donne de son temps pour aider des associations telles que SOS Viol, qui viennent en aide aux victimes. Qui peuvent notamment trouver du réconfort via les forums de l’Association Internationale des Victimes d’Inceste ou en formant le 107 sur leur téléphone. Parce qu’aider les victimes, cela passe avant tout par le fait de les entourer et de leur permettre de parler. En attendant que la justice belge soit à la hauteur de l’abomination des actes.

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