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© Young muslim female character wearing a hijab and casual clothes

Au fait, c’est quoi cet ““islamo-gauchisme”” qui enflamme la France?

Kathleen Wuyard

“Islamo-gauchisme”: le terme est à la fois vaguement évocateur et en même temps, confus. Cela veut-il dire que ceux qui votent à gauche sont forcément musulmans? Que les islamistes partagent les valeurs du PS? Alors qu’en France, ce mot-valise est sur toutes les lèvres, décryptage de sa signification et des préjugés qu’il charrie.


Avant de demander “l’islamo-gauchisme, c’est quoi?” il est de bon ton de demander plutôt “c’est qui?”. Car derrière l’emballement autour de ce néologisme qui divise l’Hexagone se cache en effet une femme, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation qui jusqu’ici était restée plutôt discrète. Mais c’était sans compter sur sa sortie tonitruante du 16 février dernier sur “l’islamo-gauchisme qui gangrène la société dans son ensemble”, annonçant dans la foulée demander au CNRS un bilan de l’ensemble des recherches en France, l’université étant selon elle un vivier potentiel de gens “qui peuvent utiliser leurs titres ou l’aura qu’ils ont (...) pour porter des idées radicales ou militantes”.

Au cas où ces déclarations laisseraient la moindre équivoque possible, vous l’aurez compris, l’islamo-gauchisme désigne donc une proximité supposée entre les idéologies de gauche et les milieux islamiques voire islamistes. Un rapprochement sous force de dangereux raccourci, prisé de longue date par l’extrême-droite et désormais de toutes les conversations depuis qu’il a vraisemblablement été légitimé par la ministre de l’Enseignement supérieur.

Du trotskisme à l’islamo-gauchisme en passant par l’extrême-droite


Bon à savoir: contrairement à ce qui a pu être lu à gauche ou à droite, ce n’est pas Frédérique Vidal qui est à l’origine du terme islamo-gauchisme mais bien le sociologue Pierre-André Taguieff, qui l’aurait utilisé pour la première fois il y a près de vingt ans pour qualifier le rapprochement fait par Chris Harman, trotskiste britannique, entre l’islam(isme) et les idéaux révolutionnaires marxistes. Et ce dernier d’affirmer dans la foulée que “sur certaines questions nous serons du même côté que les islamistes contre l’impérialisme et contre l’État”, ce qui a amené par la suite nombre de personnes à lui prêter (et de manière plus générale, à l’ensemble de la gauche) une sympathie pour l’islamisme.

En 2003, le terme islamo-gauchisme avait déjà fait grand bruit en France au moment du débat sur les signes religieux dans les écoles publiques, et avec la sortie de Frédérique Vidal, il occupe à nouveau le devant de la scène. Une situation face à laquelle la Conférence des présidents d’université a exprimé sa “stupeur”, dénonçant une “pseudo-notion” qui “ne correspond à aucune réalité scientifique”. Et si c’est le milieu académique qui était visé par la ministre, il n’y a pas que celui-ci qui se soit embrasé.

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Dans une tribune publiée dans “Le Monde” quelques jours après la déclaration de Frédérique Vidal, 600 universitaires et académiques ont ainsi réclamé sa démission tandis que quelques jours plus tard, un collectif de députés LRM et de proches du Président Macron fustigeait pour sa part au même journal le retour d’un clivage droite-gauche stérile.

Un clivage délétère : à s’écharper ainsi sur les plateaux télé, on passe tout simplement à côté de la vie quotidienne, beaucoup moins faite d’intersectionnalité et/ou d’« islamo-gauchisme » que de discriminations pures et simples”.


Alors que sur Twitter, le hashtag #VidalDemission n’en finit pas de trender, la ministre, elle, persiste et signe: dans un entretien accordé au “Journal du Dimanche”, elle reconnaît que “l’islamo-gauchisme n’a pas de définition scientifique” mais insiste toutefois sur le fait qu’il correspond à “un ressenti de nos concitoyens, d’abord, et à un certain nombre de faits”, parmi lesquels “des attaques contre la liberté académique et la liberté d’expression en général”. Et de citer en exemple certains établissements où il serait interdit de lire un texte de Charb, rédacteur de “Charlie Hebdo” tué avec ses confrères et consoeurs lors de l’attentat contre la rédaction.

“Un phénomène extrêmement marginal”


Avant d’ajouter qu'”on ne peut pas laisser passer ça, même si c’est très minoritaire”. Des déclarations qui suscitent d’autant plus la polémique que la France, comme la Belgique, traverse une crise profonde chez les étudiants, “laissés pour compte de la crise COVID-19”, l’une d’entre eux s’étant suicidée il y a quelques semaines dans une cité universitaire. Face à la polémique qui n’en finit pas d’enfler, Emmanuel Macron a pour sa part rappelé par le biais du porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, que “si phénomène il y a, il est extrêmement marginal” et que “la priorité aujourd’hui pour le gouvernement c’est d’aider les étudiants à traverser cette crise”.

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