““LE POINT G”” épisode 98: la chronique sexo de Gaëlle

L’autre jour, et comme tous les matins, j’ai sorti Gatzo. La tête dans le brouillard, j’avançais péniblement en tirant sur sa laisse pour qu’il soit sur mes talons. J’ai l’impression que plus je suis fatiguée, plus il prend son temps et lève la patte sur le moindre brin d’herbe. C’est long. Et pénible. À mi-chemin, j’ai croisé Yves. Yves est un monsieur d’un certain âge. Il n’a pas l’air tout net avec sa démarche particulière et ses yeux écarquillés. Mais à chaque fois qu’on se voit, il me salue gentiment et dit toujours bonjour à Gatzo.

En cette période particulière où croiser des têtes connues se fait rare, je ne manque jamais de lui rendre son “bonjour”.

Yves ne parle pas très bien français. Quand il tente de me parler, je dois toujours lui faire répéter plusieurs fois sa phrase pour déchiffrer ce qu’il dit. Je crois qu’il ne me comprend pas non plus. Il appelle Gatzo “Yatzé” pour vous dire.

Vous savez, c’est le genre de personne à qui vous parlez par politesse. “Vous allez bien ? Oui, ça va et vous ?” Alors qu’en vérité, vous n’en avez rien à secouer. Ce genre de conversation n’a aucun sens. Jamais on ne déballe ses vrais problèmes devant des gens qu’on ne fait que croiser de temps en temps. Ce matin-là, je n’étais pas de très bonne humeur vu qu’il était beaucoup trop tôt pour faire la causette. Mais j’ai fait un effort. “Comment ça va aujourd’hui ?” “Ça va, ça va ! Je suis fatiguée.” Yves m’a répondu et s’est interrogé sur mon adresse exacte. “C’est juste là, à quelques maisons.”

Je lui ai répondu en restant très vague. On a beau s’être vus plusieurs dizaines de fois, j’ai trouvé ça un peu bizarre qu’il me demande où j’habite.

Et je n’étais pas au bout de mes surprises. “Vous avez heureux ?” continue-t-il. N’ayant rien compris de ce qu’il dit, je lui demande de répéter. “Vous avez amoureux ?” Oh... “Oui, j’ai un amoureux.” Donc n’essaie même pas d’être indiscret, ça va me saouler. Je sentais que la conversation allait prendre un tournant inattendu. Mais dans ces cas-là, je souris et reste polie. Impossible de me montrer méchante. Alors que clairement, j’aurais dû lui répondre que ça ne le regarde pas. Surtout que, malgré mon oui, il a quand même fini par faire l’impensable.

À 8 h du matin, en plein milieu d’un boulevard, Yves m’a gentiment proposé de coucher avec lui.

J’ai dit “non”. J’hallucinais. Il a demandé pourquoi. Et au lieu de partir, ou hurler, j’ai répondu “Parce que j’ai un copain.” Comme s’il y avait un millième de chance que ça arrive si ce n’était pas le cas. Le pire, c’est que je suis restée souriante, j’ai pris ça comme une blague. Mais en rentrant chez moi, j’ai été prise de nausée. Je me sentais tellement bête, tellement stupide de ne pas avoir réagi et de lui avoir dit au revoir comme une idiote au lieu de lui crier ses quatre vérités. Qu’il devrait avoir honte.

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?

Pourquoi je ne lui ai pas dit que c’était un gros pervers et qu’il me dégoûtait ? J’ai vraiment la haine contre moi-même. Je me sens tellement naïve d’avoir pu penser qu’il restait des gens charmants. Combien de fois ne me suis-je pas dit que c’était quand même chouette de pouvoir saluer Yves de temps en temps, de croiser un visage connu et de se sourire comme pour se souhaiter une bonne journée. Je m’étais dit qu’il avait l’air si gentil sous ses airs de papy.

Je me suis bien trompée. Ça m’apprendra ! J’aurais dû écouter mes parents qui me répétaient tout le temps de ne pas adresser la parole aux inconnus. J’espère quand même pouvoir garder foi en l’humanité et que tous mes voisins ne sont pas des Yves.

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