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““LE POINT G”” épisode 35: la chronique sexo de Gaëlle

La rédaction

Gaëlle, 27 ans, a passé huit ans de sa vie en couple. Mais après plusieurs déceptions, même si elle n’abandonne pas sa quête de l’amour avec un grand A, elle a décidé de se laisser vivre sans pour autant se priver des plaisirs de la chair. Elle compte bien découvrir les joies du sexe sans tabou et mener des expériences sans avoir froid aux yeux.


L’autre jour, j’ai été à la pharmacie. Ma séance d’adieu avec Nicolas ne s’est pas déroulée comme prévu. Alors qu’on venait de faire l’amour, il a réalisé que le préservatif s’était déchiré. Bien évidemment, je ne prends pas la pilule. Sinon, ce n’est pas drôle. Je ne vous parle même pas des risques de maladies et infections sexuellement transmissibles. Nicolas a beau m’assurer qu’il est clean, dixit sa dernière prise de sang, je ne le croirai que lorsque j’aurai les résultats de la mienne entre les mains.

Quand c’est la première fois que ça vous frappe, le stress est vraiment difficile à gérer.


Je n’ai pas 36 solutions. Il faut que je prenne la pilule du lendemain. Un peu désespérée, je demande à Sophie si elle veut bien aller à ma place à la pharmacie. Mais elle n’est pas disponible. “Allez t’en fais pas, ma chérie. Tu demandes la pilule, ils te la donnent, tu paies et tu t’en vas. Rapide et efficace. Je t’embrasse, on s’appelle plus tard.”

À la lecture de son SMS, je prends mon courage à deux mains. On est samedi, il est 14 h. Et la seule pharmacie ouverte se trouve à l’autre bout de la ville. J’enfile un gros pull et mes baskets puis me mets en route. Durant le trajet, je stresse comme une dingue. J’essaie de réfléchir à la manière de formuler ma demande. Une fois devant le pharmacien, je prends une grande inspiration et laisse les mots sortir tout seuls. “Une pilule du lendemain, s’il vous plaît!” Ma voix ne porte pas aussi fort que je l’aurais souhaité. Le monsieur en blouse blanche me fait répéter plus fort. “Une pilule du lendemain, s’il vous plaît!” Il se met à fouiller dans son étagère soigneusement rangée et en ressort une petite boîte.

Le rapport à risque date d’il y a combien de temps?”


Je fonds de l’intérieur. “Ce matin.” Je lui réponds d’une voix tremblante, les mains moites et le regard fuyant. Au lieu de me rassurer ou d’avoir l’air un tant soit peu compatissant, il me sort cette phrase: “Prenez-la toute suite. Et n’en abusez pas, ce n’est pas bon pour vous. Il y a d’autres moyens de contraception.” Le ton de sa voix me laisse penser que j’aurais pu le faire exprès. Je suis choquée par sa réaction. Comment ose-t-il porter un tel jugement et le verbaliser devant les autres clients? Il me met face à moi-même avec violence, alors qu’il ne connaît rien de moi… Je ne veux pas exagérer ma situation. Mais a-t-il seulement pensé que ça pouvait arriver? D’oublier sa pilule, de craquer un préservatif.

Je pense qu’il ne réalise pas la gravité de ses paroles. Qu’il ne réfléchit pas à toutes ces femmes qui ont des rapports sous la contrainte. Certes, le mien était consenti. Mais des jeunes femmes se font violer et n’ont d’autre choix que de prendre la pilule du lendemain. A-t-il pensé à ces femmes-là avant d’asséner cette remarque? Qu’après avoir vécu le pire, elles doivent encore traverser cette épreuve difficile que d’ingérer un médicament aux effets secondaires pas toujours faciles à vivre? Un médicament qui les renvoie à ce qu’elles viennent de subir? Je n’en reviens pas de son jugement hâtif, sans aucune compassion. J’aurais préféré qu’il s’abstienne. Je suis retournée par ma mésaventure.

Pourtant, je n’arrive pas à réagir et reste bouche close en payant ma pilule de la honte. Cette honte qu’il m’a fait ressentir, à moi qui avais déjà eu beaucoup de mal à franchir cette porte. Moi qui ai hésité à dire: “c’est pour une copine”. Pour moi, il n’est pas envisageable que des professionnels de la santé tiennent de tels propos. Peut-être qu’il ne me jugeait pas. Et effectivement, l’abus des contraceptifs d’urgence n’est pas recommandé. Il a peut-être une obligation de le mentionner.

Mais le ton employé, son regard dédaigneux, condescendant, je ne peux pas l’accepter. En me récitant ce monologue sur la route du retour, je décide de faire demi-tour et de le confronter. Ses excuses ne me font ni chaud ni froid. Mais pour éviter cela à d’autres, je sais qu’elles étaient nécessaires”.

 

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