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Internet m’a rendue gravement hypocondriaque, mais je me soigne

Kathleen Wuyard

Qu’obtient-on quand on mélange une fille bourrée d’imagination et une source (quasiment) intarissable d’informations? Une hypocondriaque en phase terminale, et des faux diagnostics aussi inquiétants que drôles. Enfin, surtout pour les autres, parce que là, sous peine de mourir de stress, il faut que je me soigne.


Ces dernières semaines ont été rudes pour moi. Il faut dire qu’on m’a diagnostiqué successivement un cancer du poumon, une mastocytose susceptible de se transformer à chaque instant en leucémie ainsi qu’une mononucléose de stade V (si, si, ça existe). Et quand je dis “on”, je parle évidemment d’un duo plus loufoque que Laurel et Hardy, plus sous-qualifié pour la situation que Dumb & Dumber et donc forcément tragicomique: l’Internet et moi. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir un accès privilégié à des professionnels de la santé: tant mon frère que mon papa sont médecins. Sauf que bien qu’ils aient tous deux officiellement prêté le serment d’Hippocrate –contrairement à ce bon Doc(teur) Tissimo, je l’accorde-, je les soupçonne d’avoir plutôt juré allégeance à Pyrrhon et de se prosterner à l’autel du scepticisme. C’est que bien qu’ayant le privilège d’avoir une patiente curieuse et informée qui leur amène leur diagnostic sur un plateau (moi, donc), ils partent du principe que rien n’est vrai,  et surtout pas la pléthore de maladies extrêmement graves qui m’accablent.

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Les sources de mes problèmes


Mon cancer du poumon, reconnaissable immédiatement aux douleurs dorsales qui me terrassent? Un “nerf pincé”. Cette mastocytose qui voit mes globules blancs se démultiplier à vue d’oeil, provocant démangeaisons, et bientôt, inexorablement, une leucémie? Une “ingestion de toxines” cachées dans les huitres gobées avec appétit depuis deux semaines. Quant à ma mononucléose de stade V, qui serait peut-être même bien une manifestation de narcolepsie, il semblerait selon ces deux Docteurs es réfutation qu’il s’agirait tout simplement de surmenage, et d’une conséquence directe de mon manque chronique de sommeil. Tout juste s’ils n’ont pas l’audace de rire dans leurs barbes respectives quand je leur présente un de mes excellents diagnostics, alors que ces derniers ont pourtant été documentés à l’aide de recherches fouillées, impliquant la trilogie médicale mieux connue sous le nom de Doctissimo-Wikipédia-Votre santé. Faut pas croire, j’ai fait Sciences Po, l’importance des sources, ça me connaît.

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Syndrome Pierre et le loup


Las. Loin d’être épatés par mes connaissances qui transcendent les spécialisations et vont de la dermatologie à l’ophtalmo en passant évidemment par l’oncologie, les médecins de la famille semblent penser que je souffre d’hypocondrie. Les principaux effets secondaires de ce diagnostic sévère? Le moindre symptôme dont je fais part est pris avec circonspection, voire même, oserais-je le dire, incrédulité. J’avoue avoir probablement perdu toute crédibilité à leurs yeux la fois où je leur ai annoncé paniquée que je souffrais  d’un sarcome de Kaposi alors que j’avais simplement quelques taches persistantes d’auto bronzant. Problème, quand je suis malade, parfaitement malade, leur attitude circonspecte est d’application aussi. C’est ainsi qu’il y a deux ans, j’ai passé 48h à me tordre de douleur avant qu’alarmé par l’inquiétude de mon mec, qui est, lui, tout ce qu’il y a de plus rationnel, mon papa médecin ne se précipite à mon chevet. Verdict: amygdalite carabinée, et une tension anormalement basse. Autant dire qu’entre la déclaration des premiers symptômes (coucou l’effet lames de rasoir dans la gorge) et le moment où les médicaments ont commencé à faire effet, j’ai eu le temps de pas mal réfléchir à la morale de Pierre et le loup, et de me demander si c’était vraiment malin d’avoir annihilé toute crédibilité aux yeux des médecins de la famille.

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Allô, Doctissimo, bobo


Le point de non retour? Je l’ai probablement atteint il y a quelques semaines, quand une auscultation paternelle et une séance chez l’ostéopathe ont révélé que non, je ne souffrais pas d’un cancer du poumon manifesté par des douleurs dorsales persistantes, mais que mon horrible posture sur ma chaise de bureau et ma sale manie de faire craquer mon dos pour l’apaiser avaient donc résulté en un nerf pincé. Ce qui a surtout été pincé, c’est ma tête, la mine penaude de la fille qui se rend compte qu’elle vient de se ridiculiser. Ajoutez à cela le fait que j’ai récemment découvert sur Internet qu’on pouvait véritablement mourir de stress, et il n’en fallait pas plus pour que je décide une bonne fois pour toutes de soigner mon hypocondrie. J’espère juste que Doctissimo pourra m’indiquer la marche à suivre.

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