Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…
© The woman works from home in a quarantined environment. Girl is working on laptop computer and talking on mobile phone. Female freelance worker at home.

FAUT QU’ON PARLE: oui, c’est normal d’être angoissé par le déconfinement

Justine Rossius

À l’heure où les mesures de déconfinement se précisent doucement, une nouvelle angoisse voit le jour chez certains: celle de sortir de sa “bulle” et de reprendre une vie qui peut sembler obsolète. Nous avons interrogé Marilyn Merlo, psychologue, pour tenter de comprendre cette nouvelle peur, pas si irrationnelle que ça.




Si la perspective d’un déconfinement suscite des bonds de joie chez certains, d’autres, au contraire, redoutent ce retour à la normale. Sachez que nous sommes bien conscientes que ce confinement est un cauchemar pour beaucoup de personnes (qui vivent dans des conditions précaires, qui sont malades ou dont les proches le sont, les femmes ou enfants victimes de violences conjugales, les entrepreneurs sans revenus…).

 

Bulle d’oxygène


Mais force est de constater que parallèlement à ces situations dramatiques, beaucoup de personnes ont retrouvé une sérénité depuis longtemps perdue, grâce à cette mise à quarantaine. Parmi les “petits plaisirs” qu’on va avoir du mal à quitter, Camille, 26 ans, évoque le temps dont elle bénéficie avant de commencer sa journée “pour aller marcher, faire une séance de yoga, me faire un jus d’orange ou lire le journal”. Idem pour Amandine, maman de trois enfants, qui se réjouit de ne plus mettre de réveil le matin et de se sentir moins stressée. La fatigue s’est aussi éclipsée chez Laurane, 28 ans, qui nous explique avoir enfin pu faire la cure de sommeil que son corps attendait depuis 5 ans, tandis que Julie, 33 ans, a pu comprendre son rythme de sommeil après des années d’insomnies: “Je tombe de fatigue à 23 heures et j’ouvre les yeux avant mon réveil, ce qui ne m’était jamais arrivé de ma vie.”

Dans cette nouvelle vie, le temps a pris une toute nouvelle dimension: là où nous courions sans cesse, pour attraper un bus, arriver à l’heure à la crèche ou au cours de Zumba, désormais, nous prenons le temps. Aline, 30 ans, a découvert le bonheur simple de se balader chaque jour dans son quartier, une playlist ou un podcast dans les oreilles. Gwendoline, 31 ans, adore quant à elle passer ce précieux temps avec ses filles et les voir grandir à vue d’œil. “Roxane venait de commencer la crèche et a fait un petit come-back à la maison après 3 semaines à cause du coronavirus. J’ai profité de l’occasion pour continuer à l’allaiter exclusivement et je suis trop contente de pouvoir le faire”. Florence, 28 ans, prend un immense plaisir à ressortir ses crayons de couleur et ses pinceaux : “Je dessine ou je peins pendant une heure après ma journée de boulot, sans penser à rien, et loin de tout écran”. Difficile de nier l’évidence: le confinement fait aussi du bien.

 

La peur de “la vie d’après” dépasse la peur du virus


Que fera-t-on quand le temps viendra à manquer à nouveau? Nous sommes nombreux à ne plus vouloir lui courir après, comme l’explique Marilyn Merlo, psychologue: “La situation irrationnelle que nous vivons et à laquelle personne ne peut amener des réponses provoque de l’angoisse, bien plus que le virus en tant que tel. Dans mes consultations, seulement un tiers de ma patientèle m’évoque une crainte du virus. La plupart s’interrogent plutôt sur l’après-crise, sur ce que nous sommes en train d’accepter. Pendant ce confinement, les gens ont été habitués à un autre rythme de vie, qui globalement, était plus bénéfique pour eux. Ils en ont profité pour revenir à des fondamentaux: s’occuper davantage de leurs enfants, leurs animaux, leur maison… Ils sont revenus à des choses simples, loin de la surconsommation. Beaucoup ressentent une angoisse à l’idée de retourner à leur ancien rythme de vie, anxiogène et beaucoup trop soutenu. Ils se sont rendu compte de ce qui leur était imposé en temps normal, et ont réalisé qu’ils pouvaient fonctionner autrement tout en étant tout aussi efficaces et en se recentrant sur leur bien-être.”

 

“Je trouverais terrible que tout ça ait été en vain!”


Au-delà de cette peur d’un retour à la normale au niveau personnel, apparaît également la crainte d’une marche arrière plus globale. À l’instar d’Amélie, 32 ans qui nous explique craindre que tout redevienne comme avant au niveau écologique, “alors que je ressens que ce qui nous a frappé n’est pas anodin. J’ai adoré lire des titres de journaux disant que la nature allait bien grâce au confinement, les cartes montrant que les nœuds de pollution étaient moins sombres. Ça m’a rempli d’espoir, le fait que des initiatives promouvant les producteurs locaux explosent et aient du mal à suivre avec les commandes. Et je ne veux pas que tout ça soit simplement fini avec la fin du confinement. Ça me fait angoisser parce que si cette crise n’a pas réussi à installer durablement des changements... alors qu’est ce qui le fera? Je trouverais terrible que tout ça ait été en vain!”. Cette remise en question vaut pour l’environnement, comme c’est le cas pour Amélie, mais aussi pour le travail, par exemple, comme l’indique Marilyn Merlo, psychologue: “Des personnes ont constaté que leur entreprise n’avait pas mis en place des conditions de sécurité pour leur santé. Ils se posent des questions sur l’organisation du travail, se demandent si on ne les prend pas pour des débiles. Je vois émerger une réflexion quant au sens, au bien-fondé de leur travail”.

 

Le danger? La perte de libre arbitre


Selon la spécialiste, nous serions prêts à perdre un peu de notre liberté, dans l’espoir que cela change notre situation initiale. C’est cet optimisme qui nous ferait tenir actuellement. “Si on oblige les gens à refonctionner comme avant, on risque de voir des pathologies apparaître, notamment des symptômes psychosomatiques, comme des insomnies, des cauchemars, des problèmes gastriques, mais aussi des dépressions, des tensions corporelles chroniques, de la fatigue et une consommation d’anxiolytiques.”  Si ça ne tenait qu’à nous, nous serions beaucoup à vouloir changer notre mode de vie. Ce que l’on craint, c’est de subir des pressions extérieures. “Les gens sont conscients de leurs ressources, ils savent qu’ils peuvent changer de vie car ils ont été obligés de le faire, mais leur angoisse est de devoir subir quelque chose qu’ils n’ont pas choisi. C’est l’absence de libre arbitre qui risque d’être pathogène. Nous avons envie de vivre différemment, en ayant un rythme de vie plus équilibré” souligne la thérapeute. Le danger de l’après-confinement viendrait donc des institutions extérieures. Notre entreprise nous laissera-t-elle faire plus de télétravail? Des mesures seront-elles prises pour désengorger les routes, favoriser l’agriculture locale ou payer le personnel soignant de manière convenable? Et serons-nous “traqués” pour éviter la contagion?

 

À l’écoute de son corps


Comment faire alors, pour vivre ce déconfinement de la manière la plus sereine possible? “Faites preuve de créativité! Si vous attendez que les réponses et les outils viennent de l’extérieur, cela va générer du stress. Les solutions doivent venir de vous: en redevenant acteur de votre vie et en prenant conscience de vos ressources. Gardez du temps pour aller marcher, pour rester en contact avec la nature, bricoler, jardiner… Continuer à revenir à des choses simples, à vous occuper de vos enfants, à écrire des cartes postales, écouter de la musique… À vous orienter vers le beau, de manière générale. Pouvoir revoir sa famille ou faire du sport va être libérateur, car nous sommes en demande. Il va juste falloir veiller à ne pas trop surcharger son agenda et à y programmer des moments ‘off’, des moments pour soi.” Car s’il  a bien une chose que l’on a apprise durant ce confinement, c’est à s’écouter et à, parfois, mettre son bien-être en priorité. Une habitude à conserver précieusement. Il faut prendre l’habitude de se poser la question ‘De quoi ai-je besoin pour aller bien? Dois-je vraiment faire ceci? Est-ce que c’est bon pour moi?” explique la psychologue. Si la réponse à ces questions vous semble floue, Marilyn Merlo recommande de faire confiance à son corps: “Pensez à l’activité en question et observez vos sensations corporelles. Est-ce que l’idée de faire cela provoque en vous une crispation, ou, au contraire une sensation de chaleur et de bien-être. Si c’est crispant, c’est que ce n’est pas bon pour vous. Soyez à l’écoute de votre corps, confrontez-le à votre travail mental. Vous aurez votre réponse très rapidement, endéans quelques secondes;”



Lire aussi:


 

 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires