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La déconsommation: quand posséder cesse d’être une philosophie de vie

Barbara Wesoly

À l’heure où certains jubilent face aux choix d’Amazon et à ses prix cassés, d’autres ont, au contraire, décidé de combattre ce fonctionnement typique de notre société, qui entremêle possession et bonheur. On appelle ce principe la déconsommation. Un choix qui implique de miser sur l’être plutôt que sur l’avoir et de favoriser le durable au lieu de l’achat compulsif.


Posséder moins est-il plus enrichissant? C’est en tout cas le fondement du concept de déconsommation: moins d’objets et de biens pour se reconnecter avec l’essentiel, immatériel et intangible. Une philosophie de vie qui, dans nos sociétés, séduit toujours plus d’adeptes, lassés d’entasser les meubles ou les vêtements et de se sentir considérés non en fonction de qui ils sont mais bien de ce qu’ils ont. L’idée rejoint celle du minimalisme, qui consiste à ne conserver que l’indispensable en bannissant l’accessoire et dont les partisans possèdent au maximum une centaine d’objets.

Ressentir plutôt que recevoir


Opter pour la déconsommation laisserait dès lors une plus grande possibilité de (re)devenir riches de soi-même. De ce que nous vivons et créons. Et il semblerait que consciemment ou non, nous soyons toujours plus nombreux à l’appliquer. Le site d’analyse de business et de marchés Bloomberg a ainsi classé les 600 premières entreprises européennes. Et il apparaît qu’une majorité d’entre elles sont dédiées à des voyages ou encore à des loisirs plutôt qu’à des biens. Pour preuve, combien serons-nous à offrir à nos proches un spa ou à notre amoureux un trip à deux plutôt que des cadeaux matériels? Ou à préférer recevoir un moment d’exception plutôt que de découvrir un bon d’achat sous le sapin?

Du concept de vie au concept marketing


Une tendance qui marquerait un véritable changement et la fin d’une société boulimique de produits? Pas si sûr. Le principe de déconsommation est décrit par bon nombre d’économistes comme un concept né de nos sociétés fortunées et privilégiées, là où les pays pauvres et émergents continuent de rêver de posséder ce qu’ils ne peuvent avoir ou ont peiné à obtenir. Et le noble concept est déjà récupéré dans une optique commerciale. Le responsable du développement durable d’Ikea déclarait ainsi en 2016 que nous avions atteint “un pic de viande rouge, un pic de sucre, un pic d’objets... et un pic d’ameublement”, en référence au pic pétrolier, moment où l’on a considéré que les ressources déjà dépensées étaient supérieures à celles qu’il nous restaient. De quoi dès lors prôner d’autant plus efficacement la durabilité de ses meubles. Et motiver le consommateur à acheter le nouveau produit en le présentant comme ultime et définitif remplaçant de tous les autres. Un retour à la simplicité qui fait aussi le bonheur des entreprises surfant sur la vague du hygge, de l’ikigai ou encore du sisu, ces philosophies de vie en parfaite adéquation avec l’idée. Livres, mobilier scandinave, objets aidant à la pleine conscience, se limiter à peu, ne protège pas d’être la proie du marketing et de ses dérives.

Apparemment le “hygge” serait le secret du bonheur!

Un besoin qui en cache un autre


Mais si cette philosophie du dépouillement implique de se délester d’une part de ses biens, elle ne rend pas forcément plus libre. En lieu et place de l’obsession d’acheter le tapis dernier cri ou de s’habiller suivant la mode du moment, elle entraîne une recherche frénétique du bonheur et de la connaissance de soi-même, présentés comme les clés pour permettre cette détox matérielle. Et remplace un besoin primaire par un autre, tout aussi insatiable. Déconsommer constitue malgré tout une autre forme de consommation, avec le risque pervers d’être tout aussi esclave de l’extrême inverse. D’où l’importance de développer son propre chemin. Une route qui n’hésite pas à dévier vers l’intangible pour parfois se déporter vers le matériel. Et qui ne craint pas de s’arrêter sur le bas côté le temps d’analyser la situation, ne se contentant pas de suivre le flux de la circulation.

La question n’est au final peut-être pas “être ou avoir” mais bien “comment”. Comment se limiter, comment acheter, comment ne pas se laisser posséder.

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