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Couple libre: les conseils d’une psy pour que ça marche

Justine Rossius

Pourquoi certains couples décident-ils de renoncer à l’exclusivité pour s’ouvrir à d’autres aventures ? Faut-il établir des règles pour instaurer un couple ouvert et heureux ? Et comment vivre ces sentiments inévitables de jalousie ? Éléments de réponses avec Nina Luka, psychologue et coach spécialisée en amour, qui a elle-même expérimenté les relations ouvertes.

Il y a cinq ans, Nina Luka et son amoureux ont décidé de devenir un couple libre, après déjà 5 ans dans une relation monogame: « Je suis partie vivre à l’étranger quelques mois et c’est là que j’ai découvert le concept du polyamour. Après en avoir discuté avec mon partenaire, et avoir découvert qu’il m’avait déjà trompée, on a décidé de tester le couple libre ». Aujourd’hui, 5 ans plus tard, Nina définit davantage son couple comme une relation polyamoureuse : « Le polyamour ou le couple libre sont des concepts relativement nouveaux, dont les définitions restent floues et propres à chacun·e. À mes yeux, dans un couple ouvert, on a affaire à un couple primaire qui s’autorise d’autres relations, souvent d’ordre sexuel, plus légères avec d’autres personnes ». Le couple libre instaurerait donc une certaine hiérarchie: un couple primaire et des relations dites « secondaires » qui permettraient d’explorer son plaisir. Dans le polyamour, il peut aussi y avoir une hiérarchie entre les relations (ou pas) mais ces relations ne sont pas nécessairement d’ordre sexuel : le polyamour consiste à pouvoir développer des relations amoureuses avec plusieurs personnes à la fois. « Le polyamour correspond davantage à mes valeurs » nous détaille Nina.

J’ai toujours senti que je pouvais aimer plusieurs personnes à la fois, mais que la société me demandait de choisir. Ces choix ont parfois été sources de souffrance. Notre société met fortement en avant les relations romantiques. Le mariage reste une étape importante de la vie, on demande systématiquement à quelqu’un pourquoi il·elle est célibataire… J’aime l’idée de remettre au même plan toutes les relations, qu’elles soient amicales, amoureuses, sexuelles.

Chaque relation me donne des ressources. À mes yeux, on ne peut pas attendre d’un partenaire qu’il soit son meilleur ami, son amant, son co-parent, la personne avec qui tu veux passer tes vacances… C’est beaucoup de pression qui pèse sur une seule personne. » Le polyamour, tout comme le couple ouvert, viendrait en quelque sorte désacraliser le statut amoureux et mettre un peu plus de réalisme dans un romantisme parfois oppressant ou carrément inatteignable. Il viendrait aussi décrocher ces étiquettes qu’on assigne avec ferveur aux relations, comme si ça nous était vital pour y voir clair, en démontre les multiples assignations qui ont vu le jour pour définir l’innommable liberté, des plans cul, aux plans dodo en passant par les plans câlins. Pour Angie, qui est en couple libre avec Mike, le couple ouvert, c’est « l’amour en toute liberté, aucun des deux n’est propriétaire de l’esprit ou du corps de l’autre.”

 

 

Un règlement d’ordre intérieur

Si tous les couples libres ont une définition propre, ils ont aussi chacun des règles qui leur sont personnelles. « Chacun établit son règlement intérieur » confirme Angie. « Ce qui correspond à leur vision. Certains couples se disent qu’ils ne dépassent pas le stade de flirt, d’autres décident de ne dater que tel ou tel type de personnes pour ne pas s’attacher… Il faut trouver des règles qui protègent l’un et l’autre de ses peurs ou susceptibilités ». Selon la psychologue, l’instauration de ses règles est effectivement primordiale pour un couple qui fonctionne… En tous cas, au début ! « Démarrer un couple libre pour la première fois, c’est affronter l’inconnu, ce qui nous donne envie de baliser le terrain à 100 % en instaurant des tonnes de règles » nous explique-t-elle. « Mais ce besoin de contrôle peut évoluer avec le temps. Par exemple, dans mon cas personnel, on s’est libéré progressivement des règles car on a réalisé que certaines d’entre elles nous faisaient finalement plus de mal que de bien. »

Pour définir ces règles, il faut évidemment communiquer le plus honnêtement possible avec son partenaire. C’est ce qu’on fait Nina et son mec, avant d’instaurer le droit de veto, au départ, qui consiste à avoir le droit de s’opposer à tout moment à un date et plus si affinités. « Je me rappelle d’un soir où mon mec était à un rendez-vous. J’ai été prise d’angoisses toute la soirée et j’ai fini par lui dire que je voulais qu’il rentre à la maison. Ce qu’il a fait. Mais au final, nous avons tous les deux passé une soirée désastreuse. À ce moment-là, j’avais besoin qu’il gagne ma confiance donc je ne regrette pas de l’avoir fait, mais au fur et à mesure du temps, on a appris à lâcher du lest et désormais, nous n’avons plus aucune règle ». Si ce n’est une seule : « Le respect de la santé. On est très attentifs à se protéger pour éviter de transmettre des maladies sexuellement transmissibles. Si ça nous arrive de foirer à ce sujet, on se le dit, on en parle et on se fait tester régulièrement ». Une obligation qui elle, n’évolue guère avec le temps.

Le couple ouvert, une expérience évolutive

En discutant avec la spécialiste, on réalise à quel point le couple ouvert peut être évolutif. On ne naît forcément pas couple ouvert, on peut le devenir, à force de discussions, de communication « non violente » précise-t-elle, de réajustements au fur et à mesure des expériences. Comment exprimer des besoins précis sans avoir expérimenté ? « Au début, on est passé par des crises, des angoisses, de peurs. Quand il allait à un rendez-vous, c’était horrible pour moi » se rappelle Nina.

Mais ce qui nous a aidés, c’est de se sentir alignés avec cette vision du couple. On voulait s’aimer sans s’enfermer. Ça nous a permis de discuter, de réfléchir aux règles qui fonctionnaient et à celles qui ne fonctionnaient pas”.

La notion de rythme est aussi importante lorsqu’on débute une relation libre : « Si l’une des deux personnes dans le couple est prête, mais que l’autre l’est moins, il est important d’avancer au rythme de la personne la moins prête » conseille la coach. « Si on va plus vite, elle risque de se brusquer et de refuser catégoriquement l’idée du couple ouvert. Vous pouvez, par exemple, commencer par discuter avec d’autres personnes sur des applications de rencontre et voir ce que ça vous fait mutuellement tant que ça reste dans un univers virtuel. Vous pouvez ensuite passer à une étape supérieure : vous rendre à des rendez-vous dans un bar et vous en tenir à un simple baiser. Vous allez revenir de ces rendez-vous, en discuter ensemble et sentir ce que ça vous fait au plus profond de vous. Si vous constatez que vous parvenez déjà à en discuter sereinement, avec bienveillance, à vous rassurer mutuellement et à trouver des solutions pour vous sentir bien, c’est déjà bon signe. A contrario, si ça coince à ce niveau, peut-être que le couple libre n’est pas fait pour vous. » Dans le cas d’Angie et Mike, la transition s’est aussi faite dans le respect des sensibilités de chacun : « J’ai toujours eu une vision de l’amour et de la vie centrée sur la liberté, sans aucun tabou » exprime Angie. «  Mike par contre s’était toujours placé dans un système traditionnel monogame. Lors de notre rencontre, il a souhaité évoluer vers ma vision pour aller vers une liberté émotionnelle et amoureuse. Nous avons vécu des moments de peur, bien sûr, mais ce qui a par exemple toujours été clair pour nous, c’est que la jalousie n’est jamais un problème avec l’autre, mais un problème avec soi. »

 

La jalousie : un monstre à combattre ?

Le mot est jeté : la jalousie est-elle la bête noire des couples libres ? Comment éviter les sentiments de crainte lorsqu’on voit sa moitié s’asperger de parfum pour se rendre à son date Tinder ? Élément de réponse : en accueillant sa jalousie à bras ouverts. « C’est un mythe de penser qu’il n’y a pas de jalousie dans les couples ouverts ou polyamoureux. Il ne faut pas supprimer ce sentiment, il faut simplement apprendre à vivre avec. L’analyser et décortiquer ce qu’il dit de nous : la jalousie révèle un besoin qui n’est pas rempli et il faut apprendre à le découvrir. Se faire accompagner d’un thérapeute peut aider car la jalousie touche à des insécurités et des blessures parfois profondes. Elle fait partie de l’être humain mais il faut apprendre à ne pas laisser ce sentiment diriger notre vie. » Et ce recul n’est possible qu’en comprenant d’où provient ce petit poignard qui vient piquer le cœur. « J’ai déjà ressenti de la jalousie lorsque mon partenaire partait à des dates » rassure Nina. « Et j’ai compris que je ressentais ce sentiment quand je trouvais qu’on ne passait plus assez de temps de qualité à deux. J’étais jalouse du temps qu’il consacrait à une autre plutôt qu’à moi et il a suffit de lui dire sans l’attaquer. La jalousie peut prendre soin du couple. » Cette réflexion sur la jalousie, Angie et son homme ont aussi appris à la domestiquer :

La jalousie arrive parce qu’on croit profondément qu’on a moins de valeur que les autres. C’est pourquoi on se sent en danger face au partage d’amour de l’autre avec quelqu’un d’autre. Ou alors parce qu’on croit faussement que sans l’autre, on est perdu. En réalité, c’est un manque de valeur et d’amour de soi. La jalousie n’est qu’une invitation de notre cœur pour aller travailler sur la confiance en soi.

Si toutefois, la jalousie serait un obstacle à votre désir de franchir le pas, Laura et son homme ont peut-être une solution à vous proposer: “nous avons établi certaines règles dont l’une est de ne pas dire qui est la personne avec laquelle on a pu entretenir un rapport ou autre. À partir du moment où on ne peut pas se comparer, il n’y a de sentiment de jalousie qui s’installe. » The less you know, the better…

 

Vers plus de compersion

Il ne faudrait donc pas réprimer sa jalousie, mais pour autant, Nina Luka recommande de développer la compersion, soit un sentiment antagoniste : « La compersion, c’est la joie que tu ressens quand l’autre est heureux, même sans toi. Plus tu arrives à cultiver ce sentiment, plus tu peux vraiment retirer du bonheur du couple libre. » Cette compersion, Laura, 24 ans, l’expérimente sous les draps. En plus de pouvoir coucher avec d’autres personnes, chacun·e de leur côté, elle et son partenaire batifolent également de temps en temps avec des amis : « Quand je le regarde toucher une autre femme, par exemple, ça me fait de l’effet. Je vois qu’il passe un bon moment, je le partage avec lui. Il est heureux et donc, je le suis également. Et inversement, bien sûr. Ce que nous voulons, dans mon couple, c’est le bien-être de l’autre, et non de se posséder.»

 

Et s’il·elle tombe amoureux·se ?

Mais comment vivre en couple en sachant que sa moitié peut tomber amoureux·se d’un·e autre ? En réalisant déjà, que les couples monogames aussi éprouvent ce risque à chaque instant, peut-être même davantage: « Dans les couples monogames, il y a cette notion d’interdit qui vient attiser la curiosité encore plus et qui peut rendre l’infidélité presque plus excitante » nous explique la psychologue, soutenue par le témoignage d’Angie :

Ce que les gens n’ont pas encore compris, c’est que les liens de la prison ne garantissent pas que l’autre restera. La preuve: le nombre de divorces qui ne fait qu’augmenter. Paradoxalement, les liens de liberté créent tellement de confiance en soi, confiance en l’autre, du soutien, une énorme complicité que tous ces ingrédients font qu’on se sent encore plus lié·e à l’autre.

Cette vision tronquée de la fidélité dans les relations monogames, c’est ce qui a poussé Laura, 24 ans, à se lancer dans l’aventure du couple libre : « La société nous l’impose la monogamie, mais au final, la quasi totalité des ruptures sont dues à une infidélité. Alors nous nous sommes demandés pourquoi se contraindre à un mode de vie qui ne nous convenaient pas. Et nous nous sommes directement mis d’accord.”

Une porte ouverte vers le bonheur

Mais l’amour et le désamour restent des probabilités à prendre en compte : « En se lançant dans un couple ouvert, il faut y réfléchir », conseille la coache. « Qu’est-ce qu’on fait si l’un des deux développe des sentiments pour quelqu’un d’autre ? Et si une relation prend de plus en plus de place en termes de temps ? Il faut en discuter. Personnellement, s’il tombe amoureux d’un·e autre, il y aura un deuil à faire, c’est certain, mais je me dirais que s’il est plus épanoui avec quelqu’un d’autre, c’est que je serai aussi peut-être plus épanouie ailleurs. »

Il faut donc relativiser la potentielle séparation, tout en nuançant ce cliché qui pèse encore sur les couples libres : être en couple ouvert ne signifie pas nécessairement coucher avec de nouvelles personnes chaque semaine. Comme lorsqu’on est célibataire, on peut passer de longues périodes sans ressentir ni l’envie de séduire, ni celle de découvrir un nouveau corps, nous explique Nina. Ni encore l’envie de développer une nouvelle relation sérieuse, à l’instar de ce que nous raconte Angie : « Quand on est célibataire, il peut nous arriver d’embrasser quelqu’un parce qu’on ressent un certain feeling ou une énergie particulière à un moment T. Mais cela ne veut pas dire qu’on va se marier et faire des enfants avec cette personne. Ni que ça va se reproduire. C’est la même chose quand on est en couple ouvert. »

L’amour avec un grand A, celui qui perdure dans le temps sans jamais s’éteindre, reste une perle rare. “Il ne faut pas paniquer lorsqu’on pense ressentir de l’amour pour une autre personne” rassure Nina. « Ce sentiment est fortement lié aux hormones que notre corps produit et il peut s’amenuiser avec le temps. Une personne avec qui tu veux et peux construire ta vie, qui te connaît si bien, avec qui tu peux explorer qui tu es, cela n’arrive vraiment pas tous les quatre matins ». Sans oublier que multiplier les rendez-vous peut aussi permettre de se rendre compte de ce qu’on a « à la maison » : « Souvent, en revenant d’un date, on se dit ‘waouh, qu’est-ce qu’on est bien ensemble » raconte Nina. « On est très à l’aise l’un avec l’autre et on peut voir la richesse d’une telle relation. On s’aime toujours autant. »

Ainsi, la liberté prodiguée par le couple ouvert peut être source d’épanouissement, mais à condition de se sentir aligné·e avec qui l’on est. L’important est de ne pas s’y aventurer par peur de perdre un compagnon à la forte libido, par envie de paraître dans l’air du temps, par dépit ou par chantage. Ainsi, ne pas verrouiller son tandem exige une maturité, ou du moins une forte connaissance de qui l’on est. Le couple libre demande aussi de dépasser certaines blessures émotionnelles, mais peut aussi permettre de les guérir, car, certes à double tranchant, ne pas s’enfermer mutuellement permet aussi de savoir que l’autre reste non pas par contrainte, mais juste par amour de votre personne. Un tremplin énorme pour prendre confiance en soi.

Avant mes 24 ans j’ai toujours été en couple exclusif, et je n’ai jamais été aussi heureuse que ces dernières années. On se sent totalement libres d’être nous-même, de s’écouter, d’écouter son corps et ses besoins, on ne se sent pas surveiller.

On a même l’impression de s’aimer encore plus fort. On se pousse toujours vers le haut, on ne se dispute que très rarement, on vit des expériences enrichissantes à deux, on se sent encore plus à l’aise et plus proche de l’autre. Et le fait de savoir qu’il ne nous appartient pas, ça nous permet de ne jamais tomber dans cette routine où plus personne ne fait d’effort parce que l’on prend l’autre pour acquis » conclut Laura.

 

À propos de Nina Luka

Vous pouvez la suivre sur Instagram @ninalukacoach. Cette psychologue et coach propose des talks, des programmes, des retraites, des podcasts, etc. sur des sujets inspirants tels que le couple libre, la sensualité à travers la danse, l’amour de soi ou encore le BDSM. Plus d’informations sur https://ninaluka.com/

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