Rencontre avec Maïté Mercier, cofondatrice de Little Food

En 2050, nous serons 9 milliards d'être humains. Vu la quantité de viande que nous mangeons, cela équivaut à 36 milliards d'animaux d'élevage. Pas sûr qu'on ait la place. Un  rôti d'1 kg nécessite 15.000 litres d'eau et équivaut à 30 km en voiture d'émission de gaz à effet de serre. Alors, se nourrir d'insectes est une perspective d'avenir. Outre leur intérêt environnemental, ils contiennent trois fois plus de protéines que le bœuf, et sont riches en vitamine B, en fer, en fibres et en calcium.

Un petit grillon pour l'apéro?

Quand vous pensez grillons, vous pensez davantage Provence qu'herbes de Provence? Pourtant Maïté et son équipe de Little Food espèrent bien installer ces insectes dans nos assiettes. Avec son compagnon, ils ont été les premiers à monter un élevage de grillons en Belgique."Notre activité ne s'arrête pas là: on fait beaucoup de sensibilisation, de dégustations, de visites de l'élevage... Et on vend des produits finis dans des boutiques bios." On peut déjà trouver des 'tubes' de grillons – natures ou aromatisés – à déguster en snack!

Le lardon du futur

Des grillons pour remplacer la viande? Encore faut-il savoir comment préparer cet aliment au look de crevette. "On crée des livres de recettes" explique Maïté. "On apprend à intégrer le grillon dans les salades, les soupes... Et si vous le mixez avec de la crème et du citron, ça fait ressortir son petit goût de champignon.

Ce que j'adore avec le grillon, c'est qu'on peut en faire une entrée, un plat et même un dessert! Enrobés de chocolat, ils acquièrent un goût de Rice Krispies."

Une barrière psychologique

Les insectes restent pour beaucoup des petites bêtes pas très alléchantes, qui riment plus avec jardin qu'avec festin. Si l'idée de les dévorer vous file la nausée, Maïté l'assure: "Dès que les gens y goûtent, ils se rendent compte que c'est bon. De là à l'intégrer dans leur alimentation quotidienne, c'est autre chose. On a besoin de temps pour changer ses habitudes." Pas faux. Quand les sushis ont débarqués en Europe il y a quelques années, 80 % de la population trouvait ça biscornu. Aujourd'hui, les sushis nous ont conquis.

Tout est bon dans le grillon

Que les amateurs de steak se rassurent, l'objectif de Little Food n'est pas de remplacer la viande. "Il faut manger des insectes maintenant, pour encore avoir le choix de manger un steak dans le futur" rassure Maïté. "C'est une alternative pour diversifier notre alimentation, car nous mangeons énormément de viande bovine, qui pollue beaucoup.

Pour produire la même quantité de protéines qu’un bœuf, le grillon nécessite 300 fois moins d’eau, produit 60 fois moins de gaz à effet de serre et a besoin de nettement moins d’espace grâce à l'élevage vertical. "

Et puis, alors que 55 % du bœuf est consommé, le grillon, lui, se consomme dans son intégralité.

Une éthique, un prix

Pour l'instant, les insectes restent plus chers que la bidoche. "On ne sera jamais concurrentiel avec des poulets de batterie élevés en 21 jours. On cultive des valeurs environnementales et sanitaires et cela a un coût." Aujourd'hui, ils sont quatre à faire partie de l'aventure Little Food et à rêver d'un monde dans lequel croquer ces petites bêtes ne s'apparenterait pas à une épreuve de Koh Lanta, mais bien à un repas lambda.

Plus d'infos sur www.littlefood.org.

Interview: Justine Rossius. Photo: Jean van Cleemput. Coordination: Claire Debongnie.

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