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CE SOIR À LA TÉLÉ: #SalePute, le docu de Florence Hainaut et Myriam Leroy sur les cyberviolences contre les femmes

Comme 73 % de femmes dans le monde, Myriam Leroy et Florence Hainaut ont été victimes de cyberviolences. Face à l’indifférence généralisée, elles décident de réaliser un documentaire, #SalePute, qui nous ouvre les yeux sur cette épidémie de haine et de misogynie en ligne. Rencontre virtuelle avec les deux journalistes.

Comment est né ce documentaire?


Myriam Leroy “Florence et moi fréquentions toutes les deux la RTBF mais nous ne nous connaissions pas vraiment. Nous nous sommes rapprochées quand nous avons découvert que nous nous battions contre le même harceleur. Nous vivions la même chose. En plus de cette forme de harcèlement hostile et malveillant, nous recevions aussi des messages à caractère sexuel de la part d’auditeurs, de téléspectateurs. Quand on parlait de ces comportements profondément déplaisants, les gens nous répondaient: “Tu exagères”, “Regarde ailleurs”, “C’est de ta faute, tu as choisi un métier public, tu as choisi de parler de politique”, “Tu fais de l’humour, il faut t’attendre à un retour de bâton”. En cherchant plus loin, nous avons réalisé que la plupart des femmes qui expriment une opinion sont victimes de harcèlement mais que le sujet est très peu traité dans les médias.”

Florence Hainaut “Nous avons voulu montrer, en réalisant ce documentaire, que les violences sexistes via Internet sont un problème mondial. Nous avons donné la parole à une douzaine de femmes dont les histoires s’entremêlent.”

 

Les hommes sont harcelés aussi mais on ne leur dit pas de retourner dans leur cuisine, on ne leur demande pas s’ils ont couché pour réussir” – Florence Hainaut

On apprend que les femmes sont 27 fois plus susceptibles d’être victimes de harcèlement que les hommes...


FH “Les hommes sont harcelés aussi, bien évidemment, mais, on ne leur dit pas de retourner dans leur cuisine, on ne leur demande pas s’ils ont couché pour réussir. Tout le monde s’en prend plein la tronche sur Internet mais pas dans les mêmes proportions, pas avec les mêmes mots et pas pour les mêmes raisons.”

ML “Quand il ne s’agit pas d’attaques racistes, quand un homme se fait attaquer sur Internet, on s’en prend à sa supposée part de féminité ou on menace de violer sa femme, sa fille. On en revient toujours à des logiques de domination patriarcale.”

Je me demande comment j’ai tenu aussi longtemps sur Twitter” – Myriam Leroy

Vous n’êtes plus sur Twitter. Avez-vous le sentiment d’avoir été réduite au silence?


ML “On pourrait dire que la violence a gagné... ou que notre santé mentale n’a pas perdu. Politiquement, je trouve ça regrettable. Mais, à titre personnel, je ne regrette pas un instant. Je me demande comment j’ai tenu aussi longtemps. La violence sur Twitter, c’est complètement fou, même quand elle n’est pas dirigée vers vous, rien que le fait d’y assister, c’est insupportable. J’ai encore un compte Instagram privé, je filtre les demandes d’abonnements, je suis plus prudente, je poste des trucs moins clivants, qui suscitent moins le débat.”

FH “Professionnellement, j’ai perdu beaucoup en quittant Twitter. C’est un vrai carnet d’adresses. J’ai aussi arrêté mes chroniques humoristiques. Est-ce que ça vaut la peine de se taper une semaine d’insultes pour 250 €? J’ai perdu en visibilité, je me suis sentie obligée de me rediriger professionnellement.”

Myriam, vous vous faites également plus discrète dans les médias?


ML “Cet été, on m’a proposé une chronique quotidienne sur la plus grande radio française. J’ai immédiatement refusé. Et c’est triste parce que j’ai étudié pour faire de la radio, ça a longtemps été un rêve d’avoir une tribune très exposée, ça ne l’est plus maintenant, je me suis trouvé de nouveaux buts professionnels. Est-ce parce que je ne veux plus vivre ce que j’ai vécu ou est-ce un choix dicté par mon libre arbitre? C’est difficile à dire...”

Qu’est-ce qui vous a le plus surprises en réalisant cette enquête?


FH “Que harceler rend populaire. Nos souffrances rapportent de l’argent aux plateformes. Les réseaux sociaux offrent une plus grande visibilité aux profils clivants.

Et la justice dans tout ça?


ML “Il n’y a pas un pays qui ait une loi appropriée aux violences exercées par des moyens numériques. La Belgique est particulièrement nulle en la matière mais on ne peut pas dire que les autres font beaucoup mieux...”

Qu’espérez-vous en publiant ce reportage?


FH “On espère le faire vivre dans les écoles, que tous les magistrats de Belgique, que tous les politiciens le voient. Voilà ce que c’est le harcèlement! Après avoir vu ce documentaire, vous ne pourrez plus faire comme si vous ne saviez pas.”

#SalePute, mercredi 12 mai à 20h30 sur La Une.

LES CYBERVIOLENCES CONTRE LES FEMMES EN CHIFFRES

  • 41 % des femmes s’autocensurent sur Internet par crainte d’être victimes de harcèlement.
  • 76 % des femmes qui ont subi des cyberviolences ont ensuite adapté leur comportement en ligne: en cessant d’exprimer leur opinion ou en quittant les réseaux sociaux.
  • 41 % des femmes ayant subi des cyberviolences craignent pour leur sécurité physique, 24 % d’entre elles s’inquiètent pour leur famille.
  • 55 % des femmes victimes d’abus en ligne déclarent être sujettes à des crises d’angoisse.
  • 1 tweet sur 15 mentionnant une femme blanche est abusif, 1 sur 10 quand il s’agit d’une femme noire.
  • Chiffres et données recensés par Data Society, 2016, le Lobby Européen des Femmes, 2017, Amnesty, 2017, 2018.


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