L’écrivain à succès signe un roman très différent de ceux auxquels il a habitué ses plus fidèles lecteur·rice·s. L’héroïne de La Très Catastrophique Visite du Zoo est une écolière qui compte bien séduire petit·e·s et grand·e·s.
Depuis quand mûrissiez-vous ce projet d’écrire un livre qui s’adresse aussi aux enfants?
« Quand j’ai commencé à écrire ce texte, je ne savais pas où ça me mènerait. J’avais envie de m’essayer à une narration un peu différente, d’écrire à la place d’un enfant. Ça m’a procuré beaucoup de plaisir. »
Qu’est-ce qui vous a tant plu dans ce mode de narration?
« La liberté que ça m’offrait. Parce qu’un enfant dit ce qu’il pense, il n’est pas dans le politiquement correct. Il est dans l’honnêteté, il n’a pas de filtre. J’ai aussi aimé utiliser un langage plus familier. Parce qu’on a beau vouloir se faire passer pour des intellos avec nos grandes phrases, le but de la vie n’est-il pas d’être connecté au plus grand nombre et donc d’utiliser un langage accessible? Nous sommes des êtres de communication. Personne – du moins, je l’espère – n’a envie de s’exprimer en espérant ne pas être compris par son interlocuteur. »
Vous glisser dans la peau de Joséphine vous a-t-il permis de renouer avec votre âme d’enfant?
« Je crois que je suis très connecté à mon âme d’enfant, sans doute parce que je vis mon rêve d’enfant. Après, je ne me glisse jamais vraiment dans la peau de mes personnages. Joséphine est la narratrice, c’est vrai, mais il y a un tas de personnages qui gravitent autour d’elle: ses copains de classe, les profs, le pompier, le policier, les parents. »
En tant que lectrice, j’ai toujours le sentiment qu’un·e auteur·rice met toujours un peu plus de lui·d’elle dans le personnage principal. Je me trompe complètement?
« Je ressens exactement la même chose. Quand je lis un bouquin, j’ai l’impression d’être plongé dans la tête de l’auteur. C’est assez marrant comme mécanisme car, en tant qu’auteur, je sais que ce n’est pas vrai. Pour moi, l’auteur est davantage un observateur. Il est comme un réalisateur de film qui dirige ses acteurs dans l’ombre. Je pense même que, si un auteur se glisse dans la peau de ses personnages, c’est qu’il est trop impliqué, que ça devient de l’autobiographie ou de l’autofiction. »
À l’âge de Joséphine, vous étiez déjà tombé amoureux de la lecture?
« Je suis d’abord tombé amoureux des histoires qu’on m’a lues. Aux parents qui désespèrent parce que leurs enfants ne lisent pas, j’ai envie de dire: ‘Lisez-leur des histoires!’ Même si vous ne l’avez pas fait quand ils avaient 4 ou 6 ans et qu’ils ont aujourd’hui 12 ou 15 ans, il n’est jamais trop tard. Même l’ado le plus réfractaire aura envie de connaître la suite de l’histoire si vous la débutez! Et puis, il y a aussi une forme de mimétisme. Si votre enfant vous voit lire, il aura envie de vous imiter. Enfin, tout ça pour dire que, oui, je suis d’abord tombé amoureux des histoires qu’on m’a lues et puis, vers 15 ans, je me suis pris de passion pour les grandes épopées comme Le Comte de Monte-Cristo. J’étais fier quand je lisais un livre de plus de 1000 pages. »
Ado, j’adorais même relire ces briques plusieurs fois tant elles me fascinaient. Vous aussi?
« Évidemment! C’est Roald Dahl qui disait que c’était beaucoup plus compliqué d’écrire un livre pour enfants qu’un livre pour adultes, car les adultes, en général, se contentent d’une seule lecture. Il faut que le livre marche une fois. Tandis que les enfants, les ados, ils vont le relire plusieurs fois, donc l’histoire doit résister à plusieurs lectures. »
L’objectif de ce roman, c’est que vos lecteur·rice·s transmettent leur amour de la littérature à leurs enfants?
« Ça me touche vraiment quand des lecteurs me disent qu’ils ont lu mon livre avec leurs enfants. Déjà, parce que je pense que chaque génération aura ses propres clés de compréhension. Et puis, aussi parce que je pense que c’est le rôle du livre, pas uniquement du mien, mais de la littérature en général, de nous connecter. En séance de dédicaces, j’adore quand je découvre la couverture d’un roman brunie par le soleil, des pages cornées, tachées par du café. Je me dis que l’objet a voyagé, qu’il est passé de main en main et je trouve ça beau. »
“La Très Catastrophique Visite du Zoo”, de Joël Dicker, éd. Rosie & Wolfe, disponible par ici.
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