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Deux hommes se confient sur la perte de leur désir sexuel

Manon de Meersman


Baisse de libido, perte du désir, diminution de l’attirance... Ne plus vouloir faire l’amour peut constituer un problème dans la sexualité d’un couple. Contrairement à l’image véhiculée par une société plaçant en son coeur, à tort, le concept de virilité masculine, les hommes peuvent, eux aussi, être à la racine de ce mal-être. Un sujet encore trop tabou, dont il faut pourtant parler pour briser les idées reçues.


La baisse du désir ne devrait en rien prendre les traits d’un sujet tabou, comme elle l’est aujourd’hui. Encore moins lorsqu’elle concerne les hommes. La faute à qui, la faute à quoi? Peut-être parce que notre société se veut hypersexualisée, malgré elle? Peut-être parce qu’on a souvent tendance à confondre amour et désir? Peut-être parce que le monde a voulu à tout prix garder cette image de l’homme dont la masculinité perle sur le front de ce dernier? Les erreurs commises à l’égard de ce sujet sont nombreuses. La preuve en est avec la difficulté à trouver des hommes souhaitant s’exprimer sur le sujet. Sous couvert d’anonymat, deux d’entre eux ont accepté de nous parler de leur baisse de désir sexuel, de ce qu’il s’est passé dans leur tête, du moment où ils en ont pris conscience jusqu’à l’acceptation.



De l’instant où ils se sont retrouvés nus face à leurs angoisses, de l’instant où ils se sont tournés vers quelqu’un pour comprendre, de l’instant où ils ont compris qu’il n’y avait aucune honte à ne plus éprouver de désir et de l’importance d’en parler à l’heure actuelle.

Pendant longtemps, je me suis dit que je n’étais pas normal. J’ai enchaîné les conquêtes pendant plusieurs mois, je me suis amusé et j’ai pris du bon temps. Mais là, aujourd’hui, je ne ressens plus ce désir qui m’animait autrefois. Le sexe m’attire moins. Et il m’a fallu du temps pour accepter que ça, ce que je ressens, ça n’a rien d’anormal”,


nous explique Louis. Mais ma grande peur dans tout ça, c’était que le fait que je ne ressente plus de désir sexuel m’empêche d’aimer à nouveau”, ajoute-t-il.

Distinguer amour et désir


Amour et désir sexuel sont deux éléments différents. En effet, dans les années 1990, l’anthropologue Helen Fisher et son équipe ont cherché à décortiquer les phénomènes scientifiques derrière ces deux concepts. L’amour romantique s’est vu divisé en trois catégories: le désir, l’attirance et l’attachement. À chaque état correspond une réaction chimique spécifique du cerveau. Grâce à leurs recherches, les chercheurs ont découvert que le désir était guidé par une soif de gratification sexuelle et qu’il permettait de libérer des hormones, agissant directement sur la libido de l’individu. L’attirance, quant à elle, se classe au-delà de l’attirance purement et simplement sexuelle. Lorsque l’attirance entre en jeu, ce sont des neurotransmetteurs tels que la dopamine ou la norépinephrine qui sont libérés, agissant alors sur le sommeil ou la concentration. Enfin, l’attachement apparaît comme l’élément le plus stable des trois. Il est rationnel et durable et touche par exemple à l’ocytocine, l’hormone de l’amour. À partir de ces données passées au peigne fin, les chercheurs ont alors tenu à définir les limites et les frontières qui définissent chaque partie.

Quand vous ressentez du désir, vous avez une envie irrépressible de faire l’amour avec l’autre. Quand vous êtes amoureux, vous voulez faire l’amour avec cette personne mais aussi vous sentir proche d’elle d’un point de vue émotionnel”,


explique la psychiatre Judith Orloff, auteure du bouquin “Le guide de survie des hypersensibles empathiques”. Vous voulez passer du temps avec votre partenaire et être à l’écoute de ses besoins et de ses sentiments pour vous sentir lié à lui. Vous avez également envie de rencontrer les amis de l’être aimé. Quand vous ressentez seulement du désir, vous êtes plus intéressé par le fait d’avoir des relations sexuelles que par celui d’avoir des conversations intimes avec l’autre”, détaille la spécialiste.

Le fait qu’amour et désir ne soient pas directement connectés l’un à l’autre, Corentin l’a compris lorsqu’il a osé parler de sa baisse de libido à sa psychologue. “Je sortais d’une longue relation et je dois le reconnaître: la fille avec qui j’étais m’a totalement brisé le coeur. D’ailleurs, c’est simple, depuis mon ex, je n’ai jamais retrouvé personne et je n’ai plus jamais eu envie de faire l’amour. C’était il y a deux ans... Et oui, ça fait deux ans que je n’ai plus couché avec une fille. Quand mon ex m’a quitté, j’ai décidé d’aller voir une psy. Je lui ai expliqué en long et en large ma situation, ce que je ressentais. Je me suis ouvert à elle au fil des séances. Jusqu’à cette fameuse fois où je lui ai confié que j’avais ce sentiment d’avoir perdu tout mon appétit sexuel. Comme si plus rien ne m’animait sexuellement.

Ma psychologue m’a alors très justement expliqué que cette absence de désir ne signifiait pas que plus jamais je n’allais aimer ou même, que plus jamais je n’allais coucher avec quelqu’un. Elle m’a expliqué que j’avais vécu une saturation au niveau sexuel, et que je cherchais désormais à me protéger”,


explique Corentin. “L’amour se construit sur une gratification à retardement, alors que le désir est satisfait par un plaisir immédiat. Le désir est un sprint; l’amour, un marathon. L’amour équivaut à l’acceptation, le désir à l’assouvissement”, détaille Janet Brito, psychologue et sexologue au Centre américain de santé sexuelle et reproductive. “Le désir est un état d’esprit qui se concentre sur le corps, la séduction, le pouvoir, les fantasmes et l’excitation. L’amour est plus risqué et effrayant d’un point de vue émotionnel. Vous vous dévoilez à l’autre dans toute votre vulnérabilité, vous lui confiez vos peurs et vos espoirs, partagez des anecdotes dont vous avez honte ou dont vous êtes fier, vos attentes et vos déceptions; vous le laissez pleinement entrer dans votre intimité. Vous baissez votre garde et laisser l’autre accéder à des parties de vous que vous préférez généralement éviter”, ajoute Ryan Howes, psychologue clinicien.

Lorsque vous désirez quelqu’un, vous voulez absolument satisfaire ce désir. Vous avez besoin de son corps ou de sa présence, comme si votre vie en dépendait. A l’inverse, l’amour n’est pas possessif. Vous voudrez certainement partager votre vie avec l’être aimé, mais si vous vous rendez compte qu’il se porte mieux sans vous, vous renoncerez à cette vie commune”,


explique-t-il. Quand vous jugez que le bien-être de la personne aimée compte plus que vos propres envies, c’est que vous êtes amoureux”.

Accepter que l’on désire moins sexuellement


“Perso, je me suis rendu compte que je n’éprouvais plus autant de plaisir à faire l’amour depuis que ça s’est fini avec la fille dont j’étais fou amoureux. On passait des moments géniaux et au lit, c’était de la bombe. Mais on était dans une relation où on avait des attentes différentes. Elle voulait une relation libre et moi, j’avais envie de me mettre en couple. On s’aimait, mais nos visions divergentes ont fini par nous séparer. Je pense que ma perte de désir sexuel est venue de là”, confie Louis.

Pourtant, depuis cette fille, j’ai retrouvé quelqu’un. On apprend à se connaître, on flirte, on profite des instants qui nous sont donnés, sans forcément mettre de mot sur notre relation. Mais il n’y a rien à faire: je n’éprouve plus de désir sexuel. Faire l’amour ne m’excite plus. J’ai l’impression d’avoir fait le tour en quelque sorte”,


confie Louis. Pour lui, le sexe n’emprunte plus les traits excitants d’autrefois. Après avoir travaillé sur lui-même, en lisant sur le sujet et en consultant une personne spécialisée, il s’est rendu compte qu’il était loin d’être seul à vivre cette situation. “En fait, on nous donne toujours tellement l’impression que nous les hommes, on n’a pas le droit d’être sensible, on n’a pas le droit de ceci, on n’a pas le droit de cela, qu’à la fin, on oublie que c’est normal de ressentir, nous aussi, des choses. Ma psychologue m’a expliqué que l’appétit sexuel évoluait; que je suis à un moment de ma vie où le sexe ne m’attire plus, mais que cela pourrait repartir un jour et que la clé, dans tous les cas, c’est d’en parler. C’est pourquoi c’est un sujet que j’ai abordé avec la fille que je fréquente en ce moment, tout simplement parce que c’est elle qui a pris les commandes de notre première fois au lit. Moi, je n’en avais pas plus envie que ça, mais on a tout de même fait l’amour. Elle a bien ressenti que le sexe, c’était pas mon kiff ultime.

Je lui ai alors tout expliqué et elle a été super compréhensive. Je ne dis pas que ça a été facile hein! Au contraire, c’était un moment empreint de gêne, de malaise, mais aussi de bienveillance. On a pu en parler et aujourd’hui, on passe des moments ensemble, sans voir plus loin. Mais c’était important pour moi d’être honnête avec elle, et de briser au passage le stéréotype du ‘mec bestial'”.

L’importance d’en parler autour de soi


“Comme je n’ai plus couché qui avec qui que ce soit depuis deux ans, j’ai eu le temps de réfléchir en long en large à cette spécificité de ma personne, et de facto, d’y travailler et de travailler sur moi-même avec ma psychologue, explique Corentin. Et ça m’a fait un bien fou de me rendre compte que le taux de testostérone présent dans le corps d’un homme peut diminuer sensiblement en fonction de l’âge, en fait. Ma psychologue m’a conseillé que le jour où je rencontrais une fille et où je souhaitais sincèrement me mettre en couple avec, il fallait que je lui parle de ma perte de désir sexuel, car la communication c’est la clé. Faire l’amour ne m’enjaille pas plus que ça et je l’assume sans problème aujourd’hui.

Quand j’explique à des potes que non, depuis mon ex il y a deux ans, je n’ai plus couché avec une fille, ils sont choqués. Ils ont du mal à comprendre. Alors je leur détaille le processus. Parce que la communication sur ce genre de sujet, ça passe aussi par éclairer nos proches. Et c’est en expliquant posément les choses que le sujet sortira du tabou”,


ajoute Corentin. “D’ailleurs, pour l’anecdote, on était en soirée avec des potes pendant les vacances et on jouait à un jeu d’action ou vérité. On devait énumérer le nombre de personnes avec qui on avait couchés. Autant dire que je n’avais pas grand-chose à raconter sur le sujet et que j’en ai profité, en prenant mon courage à deux mains, pour expliquer que le désir sexuel n’est pas présent d’office chez tout le monde et que non, certaines personnes peuvent très bien se passer de faire l’amour. Après la soirée, un des potes qui était là est venu me trouver pour me dire qu’il avait ce ‘problème’ là aussi. On a échangé pendant plus d’une heure sur le sujet et je me suis vraiment dit à ce moment-là: ‘Corentin, je suis fier de toi, car grâce à toi, tu as libéré la parole d’un gars qui souffrait également de ça et qui jusque-là, l’avait gardé pour lui”.



Pour parvenir à vivre avec cette baisse du désir, Corentin et Louis ont d’ailleurs le même conseil à donner aux personnes qui se sentent concernées par le sujet: oser en parler.

Le cliché de l’homme qui a toujours envie, il est révolu, en fait. Il faut désormais pouvoir admettre que les libidos peuvent être à des vitesses différentes au sein d’un couple ou dans une relation, de quelque nature elle soit. Non, un homme n’est pas forcément un obsédé du sexe. Oui, une femme peut avoir plus envie de faire l’amour qu’un homme. Et il n’y a rien de mal là-dedans”,


exprime Corentin. Pour Louis, les choses sont aujourd’hui claires comme de l’eau de roche. “Lorsque je me mettrai en couple, je ne trouverai pas d’excuses auprès de ma petite amie pour justifier ma non-envie de faire l’amour. Je lui expliquerai que cela n’a rien à voir avec sa personne, qu’elle ne doit pas voir son égo touché par ma faible libido. Je la rassurerai sur le sujet, car il est hors de question qu’elle se sente mal vis à vis de ce que je suis”, explique-t-il.

Crédits photo: Getty Images


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